Le live de la Jungle
Désormais septet, le collectif d’Amsterdam qui nous plaisait tant quand je l’avais découvert il y a déjà dix ans, ne garde de son puissant afrobeat originel que la présence appuyée des éléments percussifs et de belles interventions des cuivres, pour faire prévaloir des sons électroniques eighties via synthés et autres machines. Mais n’est pas Yello qui veut, et je me suis personnellement assez vite ennuyé de ces nouvelles compos par trop simplistes et dénuées d’intérêt jazzistique, qui plus est desservies lors de ce set par un light-show insupportable.
Voilà déjà plus de dix ans que je découvrais ce jeune collectif hollandais invité pour la première fois au Rhino Jazz(s) Festival en 2012, puis en 2014 lors d’un Rhino d’été en coproduction avec Jazz à Vienne sur la grande scène du théâtre antique. Le nonet de ces gamins d’Amsterdam y dévoilait alors son excellent album «The Hunt», puissant mélange d’afro-beat, d’ethio-jazz, de funk technoïde et de krautrock. Et bien qu’il soit revenu par chez nous en 2019 -déjà au Périscope qui avait affiché complet- on avait depuis perdu de vu ce groupe qui a enchaîné les albums jusqu’à ce «Algorythm» son septième paru en 2021. Ne l’ayant pas écouté, j’en ignorais la teneur jusqu’à ce nouveau concert donné jeudi soir dans la SMAC de la rue Delandine (en partenariat avec le Marché Gare) qui de nouveau était sold-out, blindée par un public étonnamment plus mûr et visiblement tout acquis à Jungle by Night qui se présente aujourd’hui en septet avec un guitariste, un batteur, trois claviéristes-machinistes dont un tient une basse lorsque c’est nécessaire, et surtout deux percussionnistes qui sont aussi trompettiste et tromboniste.
Ce que j’ignorais, c’est que ce dernier album propose des compositions analogiques portées par des sons électroniques d’hier auxquels le groupe entend rendre comme un hommage, dans un set voulu très dansant et addictif. Dès l’intro qui prend son temps en s’étirant dans des mouvements répétitifs, c’est bien cette touche électro-techno qui est mise en avant, bien sûr par les synthés divers mais aussi par les percussions à la fois acoustiques et électroniques. Si le second titre appuyé par les deux cuivres offre un groove funky mieux dans nos attentes, les boucles et autres nappes du troisième nous renvoient au son typique des eighties, un brin ringard. On l’a dit, le nombreux public massé tant au parterre qu’au balcon est plutôt de cette époque et semble en phase totale avec cet univers sonore qui lui donne d’emblée l’envie de taper des mains, claquer des doigts et, comme voulu, de se dandiner dans un esprit festif. Il faut dire que les beats développés sont carrés et puissamment cadencés, ici funky disco, là plus orientalisant, l’excellence des interventions des deux cuivres -et notamment de la trompette tenue par Bo Floor– étant malheureusement la seule trace restante de ce gros afro-beat qui nous plaisait tant. Et plus globalement la seule touche encore «jazz» de ce nouveau répertoire qui, non seulement aligne des thèmes simples, voire simplistes, basés sur la répétition, mais dont le montage laisse souvent l’impression d’entendre un peu toujours le même morceau.
Ajouté à la déception que nous aura procuré ce virage musical plutôt pauvret -d’autant que j’étais très émoustillé de revoir ce groupe à la base très excitant- le light show était effroyablement nul et insupportable, entre pénombre et projos de pleine face (bleu crépusculaire ou rouge intense) façon phares de camion en mode stroboscopique. De quoi assez vite se lasser, sans espoir d’un mieux tant sur le fond que dans la forme, et qui explique qu’au bout d’une bonne heure j’ai préféré m’éclipser sans voir la fin du concert. C’est plus que rare, mais y’a des soirs comme ça où ça le fait pas…