La cheminée pluriséculaire et la scène occasionnelle, surmontées de la banderole “Jazz en Bièvre”, font face à la centaine de chaises qui attendent celles et ceux qui ont bravé les frimas de novembre pour rejoindre le château de Montseveroux. Pour cette seconde soirée, François Ghani a choisi le Novo Quartet. Après le rajout de quelques bancs et chaises, le programmateur ne cache pas sa joie dans sa présentation des talentueux musiciens qu’il a conviés. Issu du collectif grenoblois La Forge, le quartet initié par le contrebassiste et tubiste Pascal Berne s’installe, le tromboniste et tubiste Pierre Baldy, le saxophoniste Yves Gerbelot et le clarinettiste Michel Mandel sont sous les projecteurs. Seule la contrebasse sera amplifiée par un petit ampli Roland hors d’âge, les vents se produisant en acoustique.
Clarinette basse, saxophone baryton et trombone donnent la réplique à la contrebasse dans le tonique Momentanément Balkans qui ouvre le concert comme il ouvrait le compact “Jardin volant” enregistré en 2007 (déjà dix ans !). Suivront En laissant Magdebourg, soyeuse ballade et Expresso qui voit s’affoler les bpm*. Brillamment introduit à la contrebasse, Utviklingssang de Carla Bley se glisse au cœur des compositions de Pascal Berne. Ce dernier et Pierre Baldy s’emparent de leurs tubas pour illustrer les “accents brésiliens” qui enrobent Vo Alfredo et Hermeto avant que le tromboniste ne se déchaîne pour démarrer Fantaisie qui achève en puissance la première partie.
Après les spécialités gustatives locales, retour au jazz ! Terre, composition joyeuse et toute en puissance, remet les choses à leur place… S’ensuit Liberetto, une valse empruntée au contrebassiste Lars Danielsson. Le saxophone baryton débridé de Yves Gerbelot donne le ton de Odwala, thème de Lester Bowie. Pascal Berne se réapproprie ensuite How high the moon pour le plus grand bonheur des amateurs de douceurs… Dans Titties and beer de Franck Zappa, Pierre Baldy et Yves Gerbelot nous gratifient d’un jovial duo/duel entre trombone et baryton. Avec plus d’un mois d’avance, Christmas song, entamé par une lumineuse introduction de Michel Mandel à la clarinette, aurait conclu ce concert si Sonnet for Duke n’avait appliqué, sous forme de rappel, le généreux principe du treize à la douzaine !
Véritable chef d’orchestre de ce projet, Pascal Berne a remplacé la directive baguette par le discret coup d’œil et les sourires complices échangés ce soir montrent que le plaisir de jouer des quatre musiciens ne faiblit pas au fil des années et laisse place à de bien belles impros. Chacun affiche une technique irréprochable et se met au service de compositions aux arrangements finement ourlés. L’instrumentation atypique du quartet permet cette diversité de textures. Michel Mandel se partage de façon équitable entre la clarinette basse et la clarinette en si bémol. Yves Gerbelot privilégie le baryton au sopranino. Pierre Baldy et Pascal Berne délaissent par deux fois leur instrument de prédilection pour le tuba. L’homogénéité du projet trouve sa force dans l’hétérogénéité de ses membres séparés par la géographie mais tellement heureux de se retrouver pour nous faire partager la continuité de leur histoire… À suivre !
*beats per minute/battements par minute