A enchaîner sans cesse les concerts de jazz, on pourrait penser que tout ça finit par se ressembler. Faites la tournée des clubs et des cafés à Lyon le week end : une bouillie ? Du kif-kif ? Que nenni ! Parce qu’à chacun son style. Parce que derrière la musique se cachent ceux qui la font. Et qui se racontent à travers. Chaque composition est une tranche de vie.

C’est toute une série de morceaux nouveaux que nous propose actuellement New Fly. Avec le parti pris de les enchaîner, sans pause, par un solo de chacun. Pas banal. Le groupe. Un solo. Le groupe. Un solo… histoire de savoir à qui on a à faire et comment l’artiste s’empare à sa façon de la musique. Revenons au collectif. Ces musiciens sont des épicuriens. Chacun prend plaisir et transmet ce plaisir à ses acolytes. Comme quelque chose qui court de l’un à l’autre. Une fluidité. Ils sont reliés par une belle écriture, qui les éclaire à tour de rôle, ou ensemble. Du relief. Le répertoire est résolument moderne, avec des cassures de rythmes, des fêlures, des silences. Certaines pièces enchaînent mode mineur mode majeur, d’autres passent du latin au jazz straight ahead, avec une précision et une évidente beauté. Quand trois des musiciens jouent mélodiques, il y en a toujours un quatrième pour prendre le contre-pied et rajouter de petites touches dysharmoniques provoquant des décalages féconds. Comme ce ragtime qui vient étonner le blues le plus épuré. Le bugle est l’occasion d’aller vers de très belles balades. Trompette en majesté. Comment décrire le langage des musiciens ? Julien Bertrand serait entre miel et lauzes : le miel pour son côté Stéphane Belmondo, les lauzes pour son apparence Dave Douglas. Ni l’un ni l’autre d’ailleurs, unique et magnifique. François Gallix est un magicien des quatre cordes épaisses (j’avais mis mes oreilles contre le mur pour ressentir les basses). À la fois charbonnier, pour son côté “au charbon” et acrobate. La terre et le ciel. Le batteur Arthur Declerq joue un rôle essentiel, il a l’art de camper des paysages, d’amorcer des virages en improvisation, de surprendre. Le pianiste Thibaud Saby m’a bluffé avec sa palette élargie aux teintes infinies. On dirait des papillons qui volent sous ses doigts.

Le quartet joue une musique élaborée et diablement vivante : quand la machine est lancée, soudainement elle s’arrête, repart, hésite, respire. La liberté de chacun rejaillit sur celle des autres, la stimule, la propulse. Le groupe est à mon sens au sommet de son art, dans une intensité de jeu peu égalée. Desproges aimait dire qu’il y avait deux choses qui l’éloignaient de la mort, l’orgasme et le Saint Emilion. Je rajouterai aujourd’hui la musique de New Fly.

 

Spéciale dédicace au Bémol5, lieu chaleureux et accueillant et au jeune saxophoniste talentueux, Jean Salim, qui est venu faire le bœuf et clore la soirée.

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