(26) DrômeLa Cordonnerie

24/01/2018 – Airelle Besson Quartet à la Cordonnerie

« Le rayonnement de l’âme dit Cézanne, le regard, le mystère en lumière… les couleurs ! Une logique aérienne colorée remplace brusquement la têtue géométrie. L’assise géologique, le travail préparatoire, le moment du dessin s’enfonce, s’est écroulé comme dans une catastrophe. »

cité par Pierre Fédida in L’absence.

 

Puisant ses angles aux creux des arrondis, le disque d’Airelle Besson Radio One semble dessiner les formes mélodiques de l’absence au creuset d’une musique écrite. Mais le concert de ce soir, à la Cité de la Musique de Romans-sur-Isère, offre une puissante force. Les quatre musiciens, Airelle Besson (trompette), Lynn Cassiers (voix), Benjamin Moussay (piano, claviers) et Fabrice Moreau (batterie) affalent la voile pour qu’apparaisse le souffle du mouvement.

Puisant leurs énergies dans le vide d’où se retire l’absence, les musiciens entrent dans un espace de jeu. Les différences se modulent, les sons disparaissent entre les phrases, entre les notes, les souffles, les battements comme le lézard sort de nos regards, passe entre les dalles d’une piscine vidée d’une eau enveloppante.

La métaphore s’est accomplie, la musique se déploie, délie les fils de ses formes et tisse son étoffe. Elle se donne la parole, elle appelle à l’écoute et laisse entendre la vie.

Là où il n’y a aucun visage derrière le masque, la puissance du vide émet une musique qui sait tenir les différences, les alliances et les coupures, les mélodies et les rythmes : intervalle d’où l’énergie se fait entendre.

La chanteuse belge Lynn Cassiers, qui remplace Isabel Sörling ce soir, a fait sien le vide soustrait à l’absence. Elle semble construire un monde sonore en dehors de l ‘actualité de la voix, elle chante dans une actualisation de la sensibilité à son écoute.

Nos corps frissonnent quand Neige, une reprise d’un morceau joué avec le guitariste Nelson Veras, répond aux vibrations de la trompette dans l’intervalle tendu entre la musique et son écoute. L’entendre est un transport, une métaphore où le corps prend sens de ses sens.

Elles, eux, nous, articulés au monde : intervalles où s’ouvrent les liens entre musiciens, les puissances de réponses, de passages, de fonte vive aussi.

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