Il était une fois, entre les murs de pierres, sous le plafond “à la française” d’un château du XIIIème siècle, un festival de jazz… en Bièvre ! Un soir de printemps, le maître des festivités, ayant revêtu sa plus belle chemise aux arabesques d’or et d’azur, s’empressa de remercier la gente bénévole et les scribes présents. Le maire du lieu nous donna sa leçon d’histoire avant que Sieur François ne nous présente les troubadours de cette sixième soirée : la chanteuse Célia Kameni, le pianiste Alfio Origlio, le batteur Zaza Desiderio et le contrebassiste Michel Molines. La belle et ses ménestrels avaient choisi de nous conter une histoire du jazz vocal… Les damoiseaux, en noir et gris, accompagnaient la damoiselle toute de noir vêtue : jean, pull, manteau de velours damassé. Seules ses bottines s’assortissaient aux trois roses rouges ornant son pied… de micro.
Nous embarquâmes dans la Caravan (5) de Duke Ellington qui semblait parfois tractée par un quadrige d’étalons tant elle sut parfois se montrer véloce. I didn’t know what time it was (1) de Richard Rogers et Lorenz Hart avait ouvert le bal par un “one, two, three, four” de Zaza qui en donna le tempo quand Alfio et Michel en donnaient le la pour que Célia pose, avec grâce, sa voix sur ce coussin de swing. Ouvrant la seconde partie, Invitation (7) de Kaper et Webster fut un modèle de tendresse et de délicatesse offert par ces baladins d’un soir. Un endiablé Afro Blue (10) de Mongo Santamaria nous emmena dans des contrées rarement explorées, les musiciens semblant emportés dans une forme de transe au bord du lâcher-prise, avant de se conclure en maîtrise et en douceur.
Le blues indolent (9) nous rappela que jazz et chanson font bon ménage et que Jeanne Moreau fut aussi (en)chanteuse. Tout comme Purple Haze (8) de Jimi Hendrix confirma que rock et jazz sont proches cousins avec ou sans cordes de guitare pourvu que l’énergie soit au rendez-vous. Par deux fois le seigneur Stevie Wonder fut célébré. The secret life of plants (2) permit de savourer le contraste entre la gravité de la voix et les aigus du Fender Rhodes alors que Master Blaster (6) confirma qu’un bon groove permet la communion entre un orchestre et un public ravi de taper dans les mains. Un frisson parcourut l’échine des spectateurs quand retentit le Sunday Bloody Sunday (11) de U2, censé conclure le concert, certains osant murmurer modestement le refrain dans l’ombre de la puissante voix de Célia. En rappel, Holding Back The Years (12) de Simply Red permit à tout un chacun de répondre favorablement à la sollicitation de la chanteuse de fredonner “I’ll keep holding on” ad libitum…
Figures plus modernes, Seal et Gregory Porter ont, eux aussi, été honorés par le quartet. Kiss From a Rose (3) de l’un et No Love Dying (4) de l’autre confirmèrent que la tessiture n’a que faire du genre quand celle qui chante a une palette digne des plus grandes et habite chaque chanson avec une grâce naturelle, qu’elle vocalise ou accompagne en mouvements langoureux ses compagnons musiciens.
(Le scribe a respecté la chronologie des compositions. Le lecteur qui le souhaite pourra à sa guise reconstituer celle de ce savoureux concert grâce aux parenthèses. Le projet du quartet devrait donner lieu à un prochain enregistrement. Un clip serait-il envisagé ? Devant, autour et même sur scène, un sautillant caméraman nous replongeait en plein XXI ème siècle… ).