Ce quartet peut être défini comme un trio avec un invité permanent, c’est du moins ce que donne à penser son intitulé, mais l’osmose est si réussie que l’on peut parler de quartet depuis le temps que ces musiciens jouent ensemble. C’était leur second passage à Saint-Etienne puisque Gagajazz les avait déjà programmés en 2013 avec Matt Penman à la contrebasse. Aujourd’hui c’est l’anglais Orlando le Fleming qui occupe ce poste, avec toujours le guitariste norvégien Lage Lund, le californien Mark Turner au ténor que l’on ne présente plus et le leader compositeur et batteur allemand Jochen Rueckert.
Ces quatre musiciens sont tous installés à New-York. Curieusement le son du groupe ne ressemble pas à ce que l’on croirait devoir attendre de musiciens new-yorkais. En ce sens on sent l’empreinte de Mark Turner sur le groupe, le jeu est virtuose et le son contenu, à la limite de la rétention parfois. On ne peut s’empêcher d’évoquer le jazz west-coast. Le saxophoniste revendique deux influences dans la construction de son identité musicale, John Coltrane et Warne Marsh. Il est clair, en ce qui concerne le son, que c’est l’influence du second qui prime. En revanche pour ce qui est relatif à la musique produite, c’est Coltrane la référence, on retrouve cette même façon virtuose de traduire directement les idées en sons, la richesse du vocabulaire, sans les nuances dynamiques ni la recherche sonore tous azimuts caractéristiques de la musique de J.C. Le son de Mark Turner reste lissé, ce sont les notes qui sont importantes, leurs enchaînements, leurs combinaisons, leurs rythmes. En conséquence l’écart dynamique du quartet est faible.
La plupart des titres étaient tirés du dernier album du quartet le bien nommé “Charm Offensive”. Sauf sur le dernier titre, Stretch Mark, le premier set nous est apparu un peu plat (tout est relatif) par rapport au second, dont les tempos plus variés tiennent l’auditoire en alerte. Mais c’est une belle soirée malgré tout avec des musiciens de qualité. Mark Turner égal à lui-même élégant et inspiré ; auprès de lui un Lage Lund à la fête, rivalisant de virtuosité et d’inspiration avec le saxophoniste ; dans cet environnement, le contrebassiste Orlando le Fleming se sent très à l’aise ce qui lui permet de mettre en évidence une belle créativité ; Jochen Rueckert pour sa part se conduit en vrai leader il encadre, soutient, relance ses partenaires et sait admirablement les mettre en évidence : Charm offensive réussie.