(26) DrômeLa Cordonnerie

31/05/2018 – L’homme A. avec Sandrine Bonnaire, Marcello Giuliani et Erik Truffaz à la Cité de la Musique

« Restent cependant autour de vos yeux, toujours, ces étendues qui entourent le regard… »

« Après, très loin et jusqu’à l’horizon, il y a un espace indécis… » (1)

 

 

 Marcello Giuliani, contrebassiste et guitariste sur le projet de L’Homme A., joue ou compose régulièrement à la lumière de textes dits ou chantés (Daho, Higelin, Jane Birkin, La Grande Sophie, Sophie Hunger, Anna Aaron etc). En 2011, il est invité au château de Vauvenargues. Dans la dernière demeure de Pablo Picasso, comédiens et musiciens mettent en lecture des textes du peintre. Marcello invite Erik Truffaz. Le duo se prend au jeu, il poursuit  le projet en 2012 avec Jacques Weber : seul en scène le comédien joue « Eclats de vie ». La soirée sera diffusée en direct dans les salles de cinéma.

Les deux musiciens poursuivent l’aventure avec le théâtre, ils s’engagent dans la voie que décrit  Marguerite Duras « Je vais faire du théâtre cet hiver et je l’espère sortir de chez moi, faire du théâtre lu, pas joué. Le jeu enlève au texte, il ne lui apporte rien, c’est le contraire, il enlève de la présence au texte, de la profondeur, des muscles, du sang. (…) rien que porter le texte hors du livre par la voix seule… » (2) Les deux amis rencontrent l’actrice Sandrine Bonnaire, Marcello enregistre sa voix, la musicalité des mots de Marguerite Duras origine la mise au travail. Ils composent chacun un des deux thèmes principaux, ils assoient les blocs, nous avons « fait en sorte que la musique soit toujours tendues, toujours tenues. Ravel c’est toujours tenu… J’adore cette tenue » (3), « le Stabat Mater de Vivaldi » rajoute Erik. « C’est comme la voix enregistré sur les films du commandant Cousteau : le requin va manger le poisson » dit sur un ton neutre, plat, j’adore explique Marcello. La voix de Sandrine Bonnaire ne joue ni de blancheur, ni de dramatisme,  elle semble porter le texte aux rythmes des phrases.

Les sons sont prolongés, ils soutiennent l’espace des mots écrits par Marguerite Duras. La musique s’écoute avec les deux textes lue par Sandrine Bonnaire – L’homme atlantique et L’homme assis dans le couloir -, elle n’a de valeur narrative que dans son silence où la voix du mot cri, simplement dit, se suffit à elle-même.

Tenant la note vers l’horizon, là où les textes tente de déraciner l’enracinement du regard de l’autre qui fait vivre, là où l’écrit nous dit l’excès de la vie sur le vivant, les arpèges de la guitare et du E-Bow de Marcello  nappe la scène d’infini autant que le petit clavier d’Erik. Ils soutiennent un rythme presque invisible tant il est confiance au texte, ou à l’opposé ils montrent le rythme qui soutient la voix comme un chant, là  on voit Marcello, les grelots au pied qui martèle le tempo… A aucun moment la musique souligne l’annulation de l’avenir dans un pur savoir faire : ils improvisent…. La présence du son de la trompette semble toujours s’éloigner plus loin. Quand à la contrebasse, en ai-je oublié sa musicalité ? Elle prend forme d’images, là où des voiles et des ombres sont dessinés par le metteur en scène d’opéra Richard Brunel. Les tableaux inventés marquent les ombres, les dénuements, les spectres de la vie qui signent le retour d’un ailleurs comme  « De l’immensité indéfinie arrive un brouillard, une couleur violette déjà rencontrée sur le chemin d’autres endroits, d’autres fleuves, dans les moussons très lointaines de la pluie » (4) et puis « Je ne vois rien d’elle que l’immobilité. Je l’ignore, je ne sais rien, je ne sais pas si elle dort. » (4)

 

Mais les musiciens sont déjà parti jouer de leur présence ailleurs : Erik Truffaz travaille avec le chœur lyonnais Emelthée : huit voix, trompette et orgue. Alors après les cinq continents à Marseille tu viens jouer par ici ?

 

Au son Salvatore Dardano. Maël Fabre, éclairagiste.Gilbert Morel, régisseur général.

 

  • 1 : Marguerite Duras, in L’homme atlantique puis in L’homme assis dans le couloir.
  • 2 : Marguerite Duras, in La vie matérielle.
  • 3 : Propos de Marcello Giuliani
  • 4 : Marguerite Duras, in L’homme assis dans le couloir.

 

Ont collaboré à cette chronique :

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