(26) DrômeParfum de Jazz

24/08/2018 – Camille Bertault à Parfum de Jazz

C’est avec le concert de la “nouvelle princesse du scat funambule” que le festival Parfum de jazz se dirige vers le terme de son édition 2018. C’est avec cette définition, qu’Alain Brunet, le président du festival, présente Camille Bertault sur la scène de la place Castelane. Il ajoute que c’est une “chanteuse singulière”. Ce décor naturel et magique de Saint-Paul-Trois-Châteaux annonce comme chaque année la fin de sa deuxième semaine qui se déroule dans le Tricastin. Avec Camille Bertault, c’est aussi la jeune génération, qui complète cette édition de Parfum de jazz consacré entièrement aux ladies du jazz, que nous écoutons ce soir. Peut-être la benjamine ! La jeune femme a déjà une forte personnalité, deux albums à son actif et s’est fait connaître grâce à internet.

C’est tout de suite avec énergie que la jeune chanteuse et ses trois musiciens démarrent le set. On comprend en la voyant que son jeu de scène démontre une forte présence et pour cause, elle a aussi fait du théâtre. Les trois musiciens sont parfaitement au service de la chanteuse, avec à la fois une présence indispensable et une retenue qui met en valeur la voix de Camille Bertault et lui permet de pleinement s’exprimer. Fady Farah au piano, semble mener le trio avec un jeu très rythmique qui souvent souligne la voix. Christophe Minck à la basse et à la contrebasse ajoute une ossature très présente au rythme. Donald Kontomanou à la batterie assure un jeu très aérien et délicat sur ses tambours et souligne le rythme avec ses cymbales.

Camille Bertault nous propose un style de jazz vocal français qui est complètement renouvelé. Avec un swing et un scat maîtrisé, elle apporte de la fraicheur en chantant principalement en français. On est loin des prémisses du jazz vocal où des paroles en français étaient apposées sur la musique. Et où les Doubles Six avaient pris le parti de faire rimer et swinguer les textes avec la musique pour développer leur style. La chanteuse met en avant la narration pour nous conter une histoire avec chaque chanson. C’est peut-être aussi l’influence du théâtre ?

Son répertoire reflète ses influences et ses inspirations. Il comprend des compositions personnelles et de nombreuses reprises. Elle nous propose également un medley représentatif de ses influences classiques qu’elle a aussi étudié et travaillé. Les musiciens la suivent avec classe et dextérité sur du Bach, du Ravel et du Satie. Pour ce dernier compositeur, elle a ajouté des paroles pour intituler son hommage Satiesque ! Parmi les reprises on remarque la maîtrise dans la réinterprétation et l’appropriation du titre. C’est le cas pour Comment te dire adieu titre Arnold Goland (It Hurts to Say Goodbye) interprété par Françoise Hardy sur des Paroles de Serge Gainsbourg. Mais plus encore sur Je Me Suis Fait Tout Petit de Georges Brassens. Le jeu théâtralisé de Camille Bertault est particulièrement présent et se prête parfaitement aux reprises de Je bois de Boris Vian et Conne de Brigitte Fontaine, où la jeune femme fait preuve d’un véritable lâché prise. Sa gestuelle devient une communication non verbale, son corps un instrument.

Elle vit chaque chanson en lui donnant du relief par le ton qu’elle fait varier et qu’elle accélère entre le refrain et les couplets pour donner du rythme. Elle nous fait part de ses émotions personnelles avec Winter in Aspremont, chanté en anglais, qui évoque son adolescence. Les musiciens adaptent leur interprétation à la douceur du titre pour exécuter cette ballade. Elle interprète également Giant steps de John Coltrane qu’elle a repris notes pour notes sur internet et qui l’a fait connaître. Elle a renommé le morceau Là où tu vas sur son deuxième album “Pas de géant” pour exprimer ses sentiments sur ce que lui a apporté cet événement. Elle termine avec deux morceaux, chantés en Brésilien pour le rappel. Une reprise de House of Jade de Wayne Shorter rebaptisée Casa de Jade et Forro Brasil d’Hermeto Pascual, pour un final gai et pétillant.

La jeune chanteuse nous confie à la fin du concert qu’elle n’est pas encore à l’aise avec les chansons en anglais. Car elle ne pense pas avoir encore suffisamment de vécu émotionnel dans cette langue. Malgré son jeune âge et pourtant déjà beaucoup de maturité professionnelle, c’est tout à son honneur de connaître ses limites actuelles, donc ses marges de progressions.

Non le jazz n’est pas mort, il ne sent pas bizarre… et ce soir il est très frais et il rajeunit !

Ont collaboré à cette chronique :