C’est un 8 décembre, en 1948 qu’une bande de jeunes étudiants des Beaux-Arts est passée à la Préfecture à Lyon pour déposer les statuts de l’association du “Hot Club de Lyon”.
Depuis quelques années, le Hot Club de Lyon est fermé à cette date à cause de la Fête des Lumières qui draine plusieurs millions de badauds dans les rues et est sensée les écarter des caveaux.
8 décembre 2018, soixante-dix ans après le club ne pouvait passer à côté de son anniversaire et a décidé d’ouvrir coûte que coûte ne s’attendant pas à une grosse soirée. Que nenni, à la surprise générale le club a fait le plein jusque tard.
L’affiche était hautement symbolique puisque le pianiste Jean-Charles Demichel était invité avec son quartet et une saxophoniste anglaise que nous n’avions pas vue depuis plusieurs années à Lyon, Karen Sharp.
Jean-Charles est une figure du club. Il y a joué plus de mille fois depuis 1958, il a fréquenté tous les grands musiciens qui y sont passés. Des photos sur les murs du bar l’attestent. Il était donc naturel que cet honneur lui revienne.
Ce soir il était là entouré de ses fidèles jeunes lieutenants : Matthieu Garreau à la batterie ; Xavier Bozetto à la guitare et Stéphane Rivero à la contrebasse.
Après le quart d’heure lyonnais de rigueur le concert débute pour nous promener dans le be-bop cher au pianiste. Des standards, beaucoup de standards (Get out of town ; Just friends ; Body and soul ; Dolphin ; Ornithology ; Jitterbug waltz ), des thèmes du Duke qui est -faut-il le rappeler- le “parrain” du club : Satin doll ; In a sentimental mood ; Caravan. Quelques compositions comme Ciao Petru (dédiée à Michel P.) ou l’intrigante Bourrée de Bébert qui conclura le premier set. Et puis un anniversaire c’est aussi la fête et les amis sont là. Au cours du second set, Patrick Bafon est invité sur scène et lance un It don’t mean a thing (encore du Duke) qui emballera tout le monde, il faut dire que le crooner y met de la belle volonté. Pareil juste après avec un Besame Mucho (de Consuelo Velasquez et immortalisé par Nat King Cole) sirupeux à souhait. Le guitariste Jean-Louis Almosnino jamais en retard sur les bons plans est invité sur les deux derniers morceaux du second set et on assiste à de jolies passes entre les deux six cordes.
Nous avons retrouvé avec plaisir la saxophoniste Karen Sharp qui a tout au long du concert stimulé ses partenaires avec un jeu très souple qui n’est pas sans rappeler celui de Dexter Gordon voire Stan Getz. Un régal pour les oreilles.
Après le temps “réglementaire” la fête n’est pas finie et on a vu débarquer au Hot Club des musiciens qui venaient de finir leurs concerts, ravis de pouvoir faire la jam. Spontanément Stéphane Ranaldi, Tomek Dziano, Pierre “Tiboum” Guignon et d’autres sont venus se mêler à la phalange de base … Patrick Bafon s’empare du piano (il sait tout faire cet homme-là) et c’est reparti pour un tour qui nous a emmené assez tard dans la nuit.
Ce fut une belle fête amicale pour les soixante-dix ans de l’institution jazzistique lyonnaise.