Pour bien débuter cette vingtième édition de Saint Fons Jazz, Norbert Gelsumini a choisi de se tourner résolument vers le futur en faisant appel à une révélation du jazz britannique, la trompettiste Yazz Ahmed apparue dans la mouvance de l’incontournable saxophoniste Shabaka Hutchings avec lequel elle a collaboré tout en ayant également attiré l’attention de musiciens d’autres genres musicaux comme le chanteur de reggae Max Romeo ou les rockers de Radiohead.
Anglaise ayant grandie au Bahreïn, elle confiait en 2017 à nos amis de Citizen Jazz qu’à son retour en Angleterre marquée par l’image de son grand-père maternel, le trompettiste Terry Brown elle s’était mise dès neuf ans à l’apprentissage de la trompette. Bien plus tard, elle suivra le cursus d’une maîtrise de jazz, se confrontera au “melting pot” du jazz londonien et cherchera sa propre voie en intégrant à ses compositions ses racines bahreïni que l’on retrouve toujours plus ou moins prégnantes dans ses deux albums. Le plus récent “La Saboteuse” (Naim Records 2017) fait référence à la voix intérieure autodestructrice qui ne veut pas qu’elle exprime sa musique et qu’elle doit sans cesse combattre pour pouvoir créer ; cet album a récolté de nombreuses distinctions dans la presse jazz et est considéré comme un grand album de 2017 sur tous les continents. Pour la scène, elle s’adjoint trois brillants accompagnateurs londoniens au premier rang desquels le vibraphoniste Ralph Wyld (grand prix du jazz Kenny Wheeler) assisté de Dudley Phillips à la guitare basse six cordes et de Martin France à la batterie.
Pour sa part sur scène, Yazz Ahmed fait autant appel au bugle qu’à la trompette et a recours à des dispositifs d’amplification et de traitements de son qui teintent sa musique de jazz électro aux côtés de fortes influences psychédéliques et arabisantes. Pour la set-list du concert, elle fait naturellement appel à des compositions de “La Saboteuse” avec Jamil Jamal et naturellement le titre éponyme.
En complément elle apporte aussi d’autres compositions comme le très enlevé Her Light où la trompette s’envole littéralement ou encore Whispering Gallery une composition commandée par le London Jazz Festival et inspirée par les ambiances de cette galerie à la Cathédrale St Paul dans laquelle elle met en avant son bugle et de multiples effets.
Tous les musiciens ont largement le temps de se mettre en avant, notamment l’inventif Ralp Wyld sur son vibraphone et le bassiste Dudley Phillips qui utilise sa basse comme une guitare à part entière dans quelques savoureux chorus.
En rappel le quartet jouera The lost pearl , certainement en référence aux chasseurs de perles du Bahreïn et composition qui synthétise bien l’univers musical de Yazz Ahmed fait d’un orientalisme et d’un psychédélisme résolument remis au goût du jour.
Une nouvelle perle colorée dans la planète jazz