(38) IsèreLa Belle ElectriqueLes Détours de Babel

05/04/2019 – Mulatu Astatke à La Belle Electrique pour Les Détours de Babel

Mulatu Astatke…… un monument du jazz à la Belle Electrique de Grenoble dans les détours de Babel

 

Il fut tout comme Fela Kuti, à la source du jazz africain, l’éthiojazz  à l’est pour l’un, l’afrobeat à l’ouest  pour l’autre, même période, mais influences différentes.

Vibraphoniste, percussionniste, claviériste, il géra sa musique sous influences multiples. Très perméable aux rencontres, Coltrane avec lequel il collabora, Duke Ellington, l’inspirèrent lors de leurs échanges musicaux en Amérique du Nord. Sa carrière est ponctuée de périodes prolifiques et de silences prolongés. Il naît musicalement fin des années 60 et  tout au long des années 70. Il disparaît  pour réapparaître en 1989, une autre pause, pour refaire surface en 2005 dans la BO de “Broken Flower “de Jim Jarmush, une résurrection.

Ce soir, il réédite ses setlists avec son désormais célèbre groupe anglais Step Ahead Band  avec lequel il joue depuis 2007, dirigé musicalement par son saxophoniste James Arben.

Intro classique du band, comme pour jazz à la Villette de 2014 ou celui de 2017, mélange de morceaux récents et anciens pour appeler Mulatu sur la scène.

Une myriade de projecteurs blancs, illumine l’entrée de cet « ancêtre » du jazz, lui-même tout de blanc vêtu. Il vibre sur son instrument, de manière un peu poussive pour cette entame sur Dewel de son album de 72. Puis vint son morceau  Yakermew sew de la BO de 2005, morceau qui le fit renaître aux yeux des non initiés.

On reconnaît dans ses inspirations, des accents d’Archie Shepp, et de Miles Davies pour le trompettiste intrépide qu’est Barry Wallen. Six projecteurs l’irradient de leurs faisceaux, et le mettent en scène sur un fond zinzolin. Des jeux de lumière créatifs, expressifs, en adéquation avec la rythmique insolente de l’orchestre, par des musiciens inspirés qui soutiennent Mulatu. Un enchaînement avec Netsanet de son dernier album “Cradle of Humanity”, puis vint le morceau de bravoure, une suite ininterrompue de plus de quinze minutes de Kulunmanqueleschi/ Azmani/ Chik Chikka. Comme il l’explique le Chik Chikka est selon lui une rythmique commune aux africains, mais avec une expression différente  dans presque chaque pays de son continent.

On ressent musicalement une grande porosité d’influences, afro, latine, cubaine, éthiopique qui donne à cet assemblage une tonalité explosive, expressive et enjouée. Cocktail très séduisant pour le public qui danse et ondule dans la fosse frontale, émerveillé par cette richesse inspirée. Des sonorités de Coltrane dans Alabama ou d’Herbie Mann dans Memphis underground transparaissent dans cette allégresse musicale et lancinante à la fois. Le ballet des solos de chaque musicien est savamment  orchestré, un violoncelle déjanté, rare dans un jazz band, mais qui trouve ici toute sa légitimité, une basse vibrante et enthousiaste, des congas désaxés accompagnés de chants africains en contrepoint. Quelques pages de Mulatu et d’Alexander Hawkins qui permutent tour à tour sur le piano et s’essayent à l’énigmatique Wurlitzer. La section rythmique énergisante soutient cette mouvance jamaïco-éthiopienne interprétée par des musiciens anglais épuisants d’énergie. Quelques rythmes lancinants, envoûtants, laissent imaginer des palabres musicaux.

Le public enthousiaste et jouissif, en redemande.

Après un rappel effectué, il reste là en manque de cet envoûtement à la fois ombrageux, débridé et inassouvi.

Mulatu Astatke … a big boy du groove, une légende qui se perpétue.

 

Musiciens : 

  • Mulatu Astatke : vibraphone, percussion, claviers
  • James Arben : saxophone, flûte et direction musicale
  • Danny Keane : violoncelle
  • Alexander Hawkins : piano, Würlitzer
  • John Edwards : contrebasse
  • Richard Olatunde Baker: percussions
  • Tom Skinner : batterie

Ont collaboré à cette chronique :