Nomades c’est le fruit de la rencontre entre l’oudiste Alaoua Idir et le Funambule Trio. Le trio occitan, qui se définit comme un micro-brass band, réunit Etienne Lecomte, flûte, Alain Angeli, saxophone alto et Laurent Guitton, tuba basse.
Déjà pour monter un tel trio, sans section rythmique, et réussir à jouer une musique où le rythme est primordial, il faut un certain goût de l’aventure. Alors pourquoi ne pas intégrer un oud qui donne une autre dimension à la musique. La rencontre est évidente dès le premier titre, Occi-bop de Laurent Guitton, où le côté méditerranéen de ce très beau thème est magnifié par la présence de l’oud. Avec Ayeum (Maman) d’Alaoua Idir, le compositeur-interprète met en valeur la capacité de l’instrument à transmettre la charge émotionnelle et spirituelle qui s’exprime à travers ce titre : l’environnement tuba, flûte et alto contribue pour sa part à universaliser le propos.
Au bord des larmes, l’émotion du public fait écho à celle des musiciens. Funambule est un prodige d’équilibre dans un environnement perpétuellement en rupture d’équilibre. Dans Nomade(s) on voit passer des caravanes de chameaux, des roulottes, des chevaux, indifféremment, là-bas au loin, dans les Balkans ou les plaines d’Europe centrale, les déserts d’Arabie, du Maghreb ou d’Asie centrale. Un bel assemblage de thèmes qui donne l’occasion à Laurent Guitton de nous offrir une longue, superbe et inhabituelle introduction au tuba.
Autre occasion de s’illustrer pour le tuba avec Play the Groove d’Alaoua Idir qui nous vaut l’occasion, en plus d’un aérien chorus de flûte, d’un chorus de tuba absolument énorme. Il récidivera plus tard sur Mirage d’Alain Angeli. Avec Highlands d’Etienne Lecomte, celui-ci utilise une technique voix-flûte, une sorte de diphonie étrange qui rend bien compte de l’aventure. Avec Alep, le concert se termine sur une note d’espoir compte tenu des circonstances actuelles concernant cette ville qui fut superbe et qui m’est chère à plus d’un titre. Au rappel une surprenante Gnossienne, mais qui ne dépare pas la production musicale du groupe et y trouve même sa place.
La musique de Nomades, c’est une musique bien accrochée au cœur du jazz par l’alto et le tuba, lesquels se laissent entraînés de bon cœur vers des confins par la grâce de l’oud et de la flûte : un ruisseau aurifère plein de rêves et de pépites musicales.