Une fois n’est pas coutume, il serait impératif d’écouter le disque de Lionel Martin et Sangoma Everett : Revisiting Afrique of Count Basie & Olivier Nelson. L’oreille se fait vivante d’un blues, de transes et de groove, du Japon à l’Afrique. Elle se nourrit des sons d’un saxophone accrocheur d’étincelles autant que de généreuses mélodies. Elle danse aux rythmes d’une batterie sous-tendus par sa place d’une justesse confondante au sein du duo. Il vous faudrait partir de là pour entendre Afrique de Count Basie & his orchestra? Alors, vous laisserez-vous surprendre ? Peut-être s’inaugurerait-il une nouvelle écoute pour deux albums dans un aller-retour. En a-t-il était de même pour les deux musiciens ?
“J’ai toujours aimé la spontanéité de Lionel, j’apprécie énormément son ouverture créative” dit le batteur américain Sangoma Everett. “Sangoma est un batteur légendaire, entendre parler de lui a excité ma curiosité et j’aime le jazz qui avance avec les rencontres. Mais que lui proposer ? Je n’étais pas mûr.” dit Lionel Martin. “Un jour, je découvre le disque de Count Basie Orchestra Afrique. Il se dessine alors des mélodies rythmiques à jouer en duo avec Sangoma.” Tout va alors très vite, “Sangoma accepte ma proposition, la nuit je relève le disque, chez lui le lendemain, je mets un morceau de scotch sur son petit clavier pour composer un bourdon. On avait le son du groupe : une basse continue et une conversation très libre entre lui et moi, une force commune sans intermédiaire ! On rejoue le disque texto avec une relecture totale.”
Lionel Martin apprendra plus tard que Sangoma a joué avec des musiciens de Count Basie : Jimmy Forrest (sax), Al Gray(trombone) , et Joe Newnan (trompette) : le swing. Mais ici c’est le groove du batteur qui s’adapte à l’énergie d’un duo dont l’actualité créatrice n’a rien à envier au monde musical de notre temps.
Dans l’entrée, chronique d’un soir, nuit des musées, le son s’expatrie comme les multiples lignes de fuite du Musée des Confluences. Un paysage de hall de gare où d’immenses voiles peintes font signe du street art et des pêcheurs à Madagascar. Depuis ses quatorze ans, Lionel Martin participe au street art musical. Le son de son saxophone ténor crée la rue où les passants s’arrêtent, se déplacent, baissent les yeux, froncent les sourcils ou sourient. Ce soir, le duo fait danser les enfants, des auditeurs repartent avec un coup de foudre et un disque… La foule refait jour à minuit, aux balcons des escaliers on applaudit les musiciens. Combien repartiront avec l’envie de les entendre ailleurs ? Avec l’envie de croiser une improvisation de Lionel Martin ? Il était 20h quant au premier étage du musée, au-dessus de l’eau, sur une dalle de verre, en face de l’entrée d’une exposition colorée de coléoptères, le saxophoniste ténor joue en mib pour un instrument en sib et … le vent souffle… “c’est celui qui passe entre les os de cette carcasse de baleine” nous dit le dessin d’Hugo Pratt accroché sous le squelette d’une baleine harponnée au plafond du musée ! Un musicien, un sax ténor, trois loops, un effet, des reverbs et notre imaginaire nous porte comme la musique nous vient aux oreilles. Lionel Martin soulève les rencontres comme la note se saisit d’une autre, comme des sons se lient à un rythme. Ce musicien déploie les voiles pour un street art musical au Musée des Confluences.