À la suite du décret du 29 août, la distanciation physique d’un siège sur deux n’étant plus imposée, c’est devant une salle complète que se présentait le Trio Fly Fly de Céline Bonacina, aux sax baryton et soprano, avec Chris Jennings à la contrebasse et Jean-Luc Di Fraya batteur et vocaliste. Salle complète disions-nous, mais masquée, ce qui n’est pas sans poser problème aux musiciens de jazz dans l’interaction relationnelle qui est un des ressorts de cette musique.
Le programme de ce projet est monté à partir de compositions de Céline Bonacina et de Chris Jennings. C’est d’ailleurs un thème du contrebassiste canadien, Fly Fly to the Sky, qui donne son nom au projet.
Face à cette barrière de masques qu’impose la situation, les musiciens sauront combler ce vide en puisant au fond d’eux-mêmes des trésors de créativité. Sans jamais céder à la facilité, le trio nous a donné à entendre une musique d’une grande complexité, et pourtant tellement authentique, tellement juste qu’elle a su toucher le public par la qualité des émotions transmises.
De son long séjour à la Réunion, Céline Bonacina a ramené une expérience musicale unique qui ne laisse pas d’influencer son œuvre depuis une bonne quinzaine d’années. De ce métissage multiculturel, elle a su marier les influences avec un monde intérieur d’une grande richesse, tout en conservant la fraîcheur de ses débuts. Le choix des musiciens est comme d’habitude parfaitement adéquat. Jean-Luc Di Fraya amène ses propres couleurs méditerranéennes au décor, que ce soit par ses interventions vocales au-dessus du sax ou à l’unisson, en nimbant les thèmes d’une brume polyrythmique éblouissante et feutrée qui ouvre des espaces infinis au sax et à la contrebasse. Quant à Chris Jennings, dont l’expérience va de Joachim Kühn à El Gusto, son jeu très diversifié peut partir d’un swing ravageur et aboutir sur le chorus à des improvisations d’une vivacité mélodique hors norme, démontrant ainsi une belle polyvalence harmonique et rythmique. Ce concert, l’un des sommets de Jazz au Sommet, nous aura entraînés, au-delà de l’enthousiasme, vers des contrées où règnent une sérénité puissante et un plaisir musical que l’on voudrait sans fin.
[NdlR : merci à Philippe Bonjour pour ses photos]