Comme tant de scènes de par le monde, « Jazz en Bièvre » avait dû lui aussi se confiner pour sa saison 20/21. Une programmation singulière de haut vol qui avait commencé avec Naïsam Jalal qui se termine ce soir pour un deuxième et dernier concert, masqués, avec l’un des pianistes conviés pour cette saison singulière de « pianos fantômes ». Qu’on se le dise d’ores et déjà, la plus-part des maîtres du clavier invités en Bièvre seront présents pour la cuvée 21/22…
Ils sont plutôt rares ces musiciens qui parviennent à créer leur univers personnel original en si peu de temps, Baptiste Bailly fait assurément partie de ce lot. En une quinzaine d’années seulement il aura appris le piano, la composition, l’arrangement et voyagé. Ce sont ces savoirs qu’il fait partager à son public avec aisance et simplicité. Du jazz assurément, de la musique dite classique tout autant, des musiques populaires et de l’Espagne indéniablement. Un trio homogène avec un percussionniste qui fait chanter les rythmes, là, assis sur le cajon indispensable c’est David Gadea et un contrebassiste qui a parfaitement su servir l’univers du moment c’est Cyril Billot, pour nous donner quelques titres extraits de Pension Almeyer” paru sur le célébrissime label Fresh Sound.
Il y a plus de soixante ans que le jazz fricotte avec la musique espagnole, Miles Davis et Gil Evans ont montré des voies, celles qui tournent autour du célébrissime Concerto de Aranjuez et celles qui utilisent les codes de la musique flamenco. Puis évidemment les « fiestas » obnubilantes de Chick Corea, ses amis guitaristes Al di Meola et John McLaughlin nous ferons même découvrir Paco de Lucia, authentique guitariste flamenco qui lui fait le chemin inverse en allant vers le jazz ; Carles Benavent, Jorge Pardo, Chano Dominguez et Martirio ses illustres compatriotes œuvrant dans cette même direction mais restant très curieusement dramatiquement peu présents sur les scènes françaises, le jazz made in Espagne semble se terrer. Des espagnolades il n’est nullement question ce soir ; c’est lors de ses séjours hispaniques que Baptiste est tombé dans la poêle à paella flamenca tout comme d’autres de ses pères français : Pierre Bertrand, Louis Winsberg ou Renaud Garcia-Fons entre autres. Le flamenco désigne à la fois une danse et une musique qui vont l’une avec l’autre mais pas nécessairement, il est tout comme le blues et la tango, l’expression de tragédies, de souffrances mais aussi l’expression amoureuse de désirs puissants.
C’est alors qu’en elfe subtile, gracieuse et délicate, Roxanne Arnal se joint au trio pour servir ses recherches mais aussi apporter sa touche, celle des musiques qu’écoutaient ses parents et dont elle s’est imbibée pour donner les siennes, la pop, le rock, le blues. Ils sont parfaitement complices, ils ont souvent collaboré, joué l’un pour l’autre, l’un avec l’autre. J’ai beaucoup pensé alors à cette période particulière où la blonde canadienne Joni Mitchell, star confirmée d’une certaine musique folk, a connu quelques jazzeux authentiques (elle a même rencontré Charles Mingus) et les a conviés à ses recherches pour tracer avec elle de nouvelles directions et nous inviter aux voyages de l’âme qui ont été un peu les nôtres ce soir avec la musique en direct retrouvée enfin.
Roxanne Arnal: voix, guitare ; Baptiste Bailly: piano, voix ; Cyril Billot: contrebasse ; David Gadea: percussions