(38) IsèreJazz à Vienne

28/06/2021- Ibrahim Maalouf à Jazz à Vienne (Opus 2)

Seconde soirée de suite, pour le projet cubano-latino S3NS d’Ibrahim Maalouf et toujours le même enthousiasme. La première partie qui concerne S3NS stricto sensu, est mené comme d’habitude à un train d’enfer : un premier morceau  tambours battants de Stéphane Galland et Abraham Mansfaroll. Puis présentation des musiciens, encadrés physiquement par les deux cubains du groupe, le délicieux percussionniste et Irving Acao, ce merveilleux saxophoniste aux interventions dynamiques et poétiques à la fois, qui sont comme des bouffées d’air pur ensoleillées, bien servi par les arrangements d’Ibrahim Maalouf qui s’y connaît en terme de générosité pour mettre en valeur les musiciens du groupe.

Ensuite pêle-mêle Happy Face, Una Rosa Blanca, S3NS, Gebrayel, All Can’t Say, la voix de Barack Obama citant José Martí, celle d’Allende lançant sur Radio Magallanes son message d’espoir avant de mourir.

Ibrahim Maalouf dirige, organise, saute, court d’un bout à l’autre de la scène et joue, joue, beaucoup : le son de sa trompette nous caresse, nous émeut, nous enthousiasme, il déborde d’énergie, se calme, se pose, mais c’est pour mieux repartir et nous embarquer à nouveau vers des contrées latines à la recherche de Gebrayel Maalouf migrant à Cuba à la fin du XIXème siècle.

Un petit temps calme, Ibrahim Maalouf se met au clavier, sans rien dire, il pianote quelques accords : instinctivement, une partie du public reconnaît le thème et se met à chanter. Ainsi commence une seconde partie, plus courte, faite de reprises, Maeva in Wonderland, Beirut… Les chants du public alternent avec les chorus du trompettiste. C’est là, dans ces solos inspirés, que l’on perçoit le mieux la personnalité de ce musicien, dont l’éclectisme se double d’un humanisme assumé. Son énergie expressive peut tirer des larmes d’émotion au vieux théâtre antique et sa musique enflammer un public qui ne demande qu’à s’exprimer de toutes les manières à travers le chant et la danse.

Sur Beirut, après le chant du public, le chorus de trompette en forme de rêverie musicale est bouleversant de sincérité, à travers les notes filées passe toute la nostalgie des beyrouthins du monde entier pour la cité enchantée tant chantée de Beyrouth et la compassion pour ses habitants actuellement bien malmenés.

Ibrahim Maalouf a toujours du mal à se séparer du public qui le lui rend bien, mais après ce long confinement c’est pire encore. De même chez les musiciens du groupe et dans le public, on sent très fort cette fièvre des retrouvailles, l’émotion est perceptible bien plus qu’à l’ordinaire. Il faut avoir vu quelquefois Ibrahim Maalouf sortir de scène, comme un boxeur quittant le ring après dix rounds intenses, pour comprendre avec quelle générosité il donne au public, bien plus que sa musique et son énergie, un peu de lui-même.

Ibrahim Maalouf: trompette, piano ; Frank Woeste : piano, Fender Rhodes ; Alexis Bourguignon, Yacha Berdah, Renaud Gensane: trompettes ; Irving Acao: saxophones ténor et baryton ; Matthias Mahler: trombone ; Michael Joussein: trombone basse ; François Delporte: guitare ; Denys Daniélidès: sousaphone ; Thierry Fanfant: basse ; Abraham Mansfarroll: percussions : Stéphane Galland: batterie

Ont collaboré à cette chronique :