(38) IsèreJazz à Vienne

29/06/2021- Brad Mehldau en solo à Jazz à Vienne

[NdlR : Une fois encore Brad Mehldau (ou quelqu’un de son entourage) a strictement interdit toute photo de la part des photographes accrédités par le festival… alors place aux smartphones du public !

Normalement nous aurions dû nous abstenir de chronique fidèle à notre règle

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Or à Vienne nous avons une arme secrète qui défie ces interdits stupides. Il s’agit de François Robin que l’on autorise encore à croquer  et à peindre, et qui donc nous permet d’illustrer la chronique qui suit. ]

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C’est avec le calme et la réserve qui le caractérise que Brad Mehldau arrive sur la scène du Théâtre Antique de Jazz à Vienne pour cette soirée très connotée piano. La pluie démarre en même temps que son concert en solo, une pluie d’été sous le soleil et un ciel bleu et clair. Comme si cette pluie ne voulait pas lui laisser le privilège d’être seul avec son répertoire.

Le pianiste va enchaîner les morceaux parfois sans laisser beaucoup de temps mort entre eux. Comme à son habitude, il va puiser dans ses nombreuses inspirations de pop music, au sens de l’anglais variété. Mais c’est bien du jazz qui est joué ce soir, teinté d’interprétations proches du classique ou du blues. On ne reconnaît pas souvent les thèmes, on discerne parfois un refrain, une mélodie qui nous fait penser, oui ça je connais c’est ? …on cherche et puis on se reconnecte à l’interprétation ici et maintenant sans pour autant avoir identifié le titre. Brad Mehldau réinterprète les morceaux en se les réappropriant, les triturant, les malaxant pour mieux broder sa version. Bien sûr, en nous emmenant dans son univers il nous perd sur un air, pour nous récupérer ensuite sur une mélodie. L’artiste nous présente les morceaux dans un excellent français, Michel Petrucciani disait plutôt des chansons à qui le concert suivant est dédié. Nous avons entendu deux titres de Radiohead, un des Beatles, un de John Lennon, un de John Coltrane, un de Linda et Paul Mc Cartney, un de David Bowie et une composition originale du pianiste, entre autres.

Malgré ces inspirations variées et les différents jeux que le musicien utilise, l’interprétation de ce soir garde une homogénéité. On retrouve l’influence d’un jeu classique proche des interprétations de Michel Petrucciani et de Keith Jarrett. Par contre, le touché de Brad Mehldau est fin et délicat, tout en douceur sans jeu percussif. La rythmique jouée par la main gauche est imperturbable, enrichissant la complexité des morceaux avec notamment pour l’un deux une mesure à sept temps. Elle laisse le loisir à la main droite d’improviser la mélodie. Cette dernière donne également de la profondeur aux thèmes en jouant avec les silences.

Après avoir excellé dans l’Art du Trio, voici plusieurs années que Brad Mehldau travaille avec maîtrise l’improvisation solo. Comme un clin d’œil à deux autres maîtres du solo, Keith Jarrett qui a mis récemment un terme à la scène pour raison de santé. Et Michel Petrucciani qui avait quasiment terminé sa carrière par l’interprétation en solo semblant rechercher, comme ce soir, la virtuosité dans l’épure. Cette maturité pour l’art du solo, à ses cinquante ans, Brad Mehldau nous prouve qu’il l’a acquise.

 

Voir la chronique de François Robin “La mélancolie”, sur son blog.

Ont collaboré à cette chronique :