Devant la mairie et face à la scène habituelle, la statue de Lamartine veille sur le quai éponyme de Mâcon. Ce ne sont pas les notes bleues que le poète et dramaturge guette cette année, mais les intempéries. Et rien n’y fera pour revenir à un climat plus clément durant le festival. La soirée afrobeat prévue sur une scène sur l’eau de la Saône sera rapatriée en intérieur au Crescent place Saint-Pierre. Après l’année 2020 sans concerts ni festivals pour cause d’épidémie, nous voici avec une année 2021 perturbée par la météo et les protocoles sanitaires. C’est pénible mais c’est mieux que rien.

Ce sont donc vingt-trois musiciens qui vont entrer en puissance sur scène pour un concert de musique afrobeat en hommage à Fela Anikulapo Kuti son inventeur. On est immédiatement surpris du caractère inter-générationnel du groupe qui est composé d’enfants, de jeunes et d’adultes. Il s’agit en effet du groupe alsacien Afrobeat dirigé par la saxophoniste Laure Fischer et de la classe de saxophone du conservatoire de Mâcon dirigée par Jacques Baguet. Ils ont mené ce projet de master-class depuis 2019 avant les confinements. Ils ont été stoppés puis ont repris après plusieurs annulations et reports, pour présenter leur travail ce soir. Pour le collectif Afrobeat, c’est le dixième concert dans diverses formations.

L’afrobeat est une musique composée d’un mélange de musique traditionnelle nigériane, de jazz, de high-life, de funk, et de chant. Ce style est créé dans les années 70’ par le multi-instrumentiste Fela Kuti, il est accompagné de percussions et de styles vocaux. Dès le premier morceau, on retrouve la puissance d’un grand ensemble mais pas tout à fait celui d’un big-band de jazz. Les sonorités sont beaucoup plus cuivrées grâce à la majorité de saxophones. Ils sont représentés depuis le soprano, l’alto, le ténor, le baryton et jusqu’au saxophone basse ainsi qu’un mélodica. On ne retrouve pas les envolées d’un big-band avec les reprises de phrases musicales à plusieurs et les départs sur le même temps. Ici, on est porté par une vague musicale de saxophones qui n’en finissent pas de reprendre l’air du titre comme le flux et le reflux qui nous berce. On a l’impression comme dans la soul-music que quelque chose n’en finit pas d’arriver, et c’est ce qui nous envoûte.

Bien sûr, il y a des démarrages en trombe où la saxophoniste baryton Laure Ficher emballe le rythme et ses petits protégés. Il y surtout la difficulté de coordonner certains saxophones qui sont sur le refrain du morceau, tandis que d’autres sont sur la mélodie et d’autres encore sur la rythmique. On voit que tout est préparé même si elle ajoute des signes et des consignes pour poursuivre ou stopper le mouvement musical. Elle nous confiera que même les plus jeunes maîtrisent les riffs de tous les morceaux. Ce qui est formidable, c’est que des enfants et des jeunes se soient inscrits dans ce projet et font un travail remarquable d’écoute et d’échange mutuels. Presque tous prendront au moins un solo.

On ne les a pas beaucoup vus car ils sont cachés derrière les saxophonistes, mais les adultes du groupe Afrobeat ont assuré une assise rythmique forte qui a permis à ces jeunes gens de s’exprimer. Les plus jeunes saxophonistes sont même passés derrière les percussions à plusieurs reprises. C’est encore Laure Fisher qui indique qu’elle a favorisé les échanges d’instruments entre les musiciens, ce qui ne se fait pas souvent en France mais qui est courant chez les musiciens à l’étranger. On retrouve aussi là l’esprit multi-instrumentiste de Fela Kuti. Malgré la dominante des instruments à vent, nous aurons un solo de batterie de Gaspard Beck. Cela nous rappelle que le batteur du chanteur nigérian, Toni Allen était considéré comme le créateur du rythme et comme co-fondateur du mouvement afrobeat. Il était un excellent batteur respecté par des musiciens de différents styles musicaux. On peut avoir une pensée à sa mémoire, car il est décédé en avril dernier à Paris pendant le premier confinement. La musique de Fela Anikulapo Kuti aura réchauffé le Crescent, l’âme des spectateurs et l’atmosphère humide de Mâcon ce 14 juillet 2021.

Line-up : Afro beat Laure Fischer – sax baryton, Rémi Bouet – congas, percussions, Gauthier Legris – basse, Théo Zimmermann – guitare, Maria Laurent – claviers, Gaspard Beck – batterie avec la classe de sax du Conservatoire et leur professeur Jacques Baguet assisté de Christelle Chazeau.

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