“Bollani superstar”
Stefano Bollani est l’homme de toutes les surprises et de tous les défis : son dernier passage en 2017 sur la scène de Lugdunum avait marqué les esprits avec notamment un medley final interactif au cours duquel il avait fait choisir les morceaux au public ! Ce soir, toujours en piano solo, tenue décontractée chemise bleu à fleurs, pantalon et chaussures blanches et catogan chic, il entreprend rien moins que ça de revisiter l’opéra rock des Seventies, « Jésus Christ Superstar »… Rien que ça ! Et aidé par son seul piano… En préambule, et en français, le pianiste se fait pédagogue en rappelant que l’opéra rock a été écrit en Angleterre par Andrew Lloyd Webber pour la musique et Tim Rice pour les paroles. D’abord sous forme d’un concept-album en 1970, puis d’une comédie musicale dont le rôle-titre de Jésus a été dévolu à un certain Ian Gillan…chanteur de Deep Purple, toujours en activité. La comédie musicale a ensuite fait les beaux jours de Broadway avant d’être adaptée au cinéma par Norman Jewison en 1973… et c’est le film qui a marqué Bollani à l’âge de quatorze ans ! Il est alors tombé littéralement amoureux de ce « Jésus chantant » qu’il propose de revisiter dans des variations évidemment jazzifiées…
Mais pour démarrer, rien de tel qu’un prélude de Bollani avant de passer à l’opéra en lui-même.
Le lyrisme est d’emblée palpable et le maestro est ravi d’être là avec un vrai public retrouvé. Dominique Delorme, le patron des Nuits, écoute attentivement à jardin.
Bollani déroule les moments qu’il a choisi d’adapter de cette œuvre hippie. On peut entendre un Everything’s allright qui évoque Marie-Madeleine, puis il attaque une partie très ragtime/ stride où le pianiste sautille sur son siège, se contorsionne ; l’image de Jarrett nous passe dans l’esprit mais le morceau termine sur un rock endiablé. Puis Bollani présente la pièce sur Ponce Pilate, Pilate’s dream, qu’il fait applaudir par le public avant de rétorquer : “on applaudit car on a Pilate en nous ” !
C’est ensuite I don’t know how to love him d’une belle facture. On redécouvre complètement les formidables mélodies un peu oubliées de cette comédie musicale et l’adaptation qu’en fait le soliste italien est autant teintée de lyrisme que d’énergie rythmique, il a trouvé le bon angle et dépoussière l’œuvre de façon magistrale. Mais déjà c’est le dernier morceau et Bollani annonce un titre sur le roi Hérode en glissant amusé au public, “ça parle de crucifixion, mais vous connaissez déjà la fin”… Cette version de King Herod’s song (try it and see) est menée clavier battant dans une version ragtime western des plus enjouées ! On se croirait davantage dans un saloon que sur une scène à Broadway… dépaysement garanti ! Le set adapté de “Jésus-Christ superstar” touche à sa fin, mais pour le rappel, Stefano Bollani gratifie le public conquis d’une de ses compositions Il Sentiero (le chemin), comme une métaphore à son concert et à ce chemin christique inédit [NdlR : sur “la colline qui prie”] que l’artiste nous a permis d’emprunter…