Quelle délicieuse soirée, dans le parc de la maison de Boigne à Chanaz, grâce à un temps enfin estival.. Estival et Festival, grâce à la persévérance d’une équipe au service du jazz, puisque BatÔJazz peut avoir lieu encore cette année, en traversant toutes les difficultés des temps : un accord a pu être trouvé avec la municipalité pour résoudre le problème du “pass”: un médecin détaché ou plutôt affecté pour l’occasion et secondé d’une infirmière efficace, permettent au public d’accéder à ce qui est nommé “auto-test” valable 72 heures, et ceci gratuitement pour le “patient”. Disposant du sésame je suis en capacité de faire cette chronique.
Et pourquoi ne la ferais-je pas ? Après avoir été réjoui par trois pianistes successivement, je ne peux que vous inviter à tâcher de les retrouver sur scène ou en CD d’une manière ou d’une autre, si vous n’étiez pas là vendredi soir à Chanaz.
En solo au piano, Christophe Villalba a eu le mérite d’ouvrir la soirée, avec des standards comme Lush Life (de Billy Strayhorm, vous savez, un des arrangeurs du Duke), Stella by Starlight; In a Sentimental mood, Dolphin dance, Caravan…un répertoire très classique, joué d’une manière académique aussi, impeccablement réalisé pour notre grand bonheur.
Il faut dire aussi que les conditions acoustiques sont très favorables, et dans la fraicheur du soir venant, loin de la touffeur de l’après-midi et des bruits et rumeurs de la ville, le présent est délectable.
Le trio d’ Antoine Karacostas plus que tout nous a séduit, avec ses compositions originales, créées sur des modes orientaux ou hellénistiques (la Grèce étant le point de passage entre l’orient et l’occident), selon des rythmes et des tempis qui sentent bon la Méditerranée et ses danses généreuses. Avec aussi, des lignes de basses doublées à la main gauche du pianiste, en contrepoint de la ligne mélodique. Avec ses deux musiciens de toujours- Anders Ulrich à la contrebasse et Simon Bernier à la batterie, Antoine Karacostas a interprété des compositions des deux CD du trio, comme par exemple Sea in Grey et Ti se melei du premier CD “Trails” ou encore le très remarquable Aharisti du CD “Insulary Tales”, dans lequel comme son titre le manifeste, l’origine hellène du pianiste s’affirme, mêle de son propre aveux tous les acquis du jazz moderne. Les trois musiciens sont remarquables, la symbiose et la solidité manifestent une complicité de longue date.
Une remarquable synthèse, une musique non pas savante mais colorée et dansante.
Le deuxième trio de la soirée est celui d’un contrebassiste, Vladimir Torres puisque ses compositions structurent le répertoire , même si la formule qui associe un pianiste Martin Schiffmann, et un batteur Tom Moreti, produit une atmosphère jazzistique qui rappelle celle du trio précédent. Nous notons cependant bien des différences; puisque cette fois c’est la ligne de basse qui gouverne les thèmes, même si le pianiste la double à la main droite. Cette ligne est particulièrement subtile et dynamique; et le caractère printanier de cette musique convient très bien à une soirée dans un été à peine commençant. Quelques titres de grande saveur comme un ano sin verte ou 5 dias de primavera.
Merci aussi à ces musiciens qui respirent le talent et la gentillesse. Plusieurs raisons donc de respirer profondément, lentement, sans crainte.
Photos de Matt Scheidecker