Pour Jean-Paul Boutellier, il existe plusieurs façons de s’imposer : le talent, la voix, l’instrument, mais aussi l’excellence dans d’autres domaines connexes.
Le jazz est né au début du XXème siècle, une esthétique marginalisée qui s’est développée dans des quartiers interlopes (Storyville à la Nouvelle Orléans, à Chicago ou encore à New York ). C’était donc une musique “mal vue”.
De même qu’il y avait la ségrégation, il y avait impossibilité de mélanger les sexes. Néanmoins certaines femmes ont pu tirer leur épingle du jeu. On commence par Bessie Smith qui est remarquée par le patron de Columbia qui lui fait enregistrer un tube (elle en vendra plus de deux millions d’exemplaires) et se fera arnaquer mais acquerra une réputation. Elle tourne dans un des premiers films parlant « St Louis blues » en 1929 où on la voit chanter . Pour Jean-Paul c’est une pionnière qui sera maltraitée toute sa vie. Elle décède en 1937 des suites d’un accident de voiture et de défauts de soin parce que noire !
Lovie Austin est peut-être la moins connue des femmes évoquées ici. Née en 1887, elle a passé toute sa carrière à Chicago comme pianiste et chef d’un orchestre masculin, The Serenaders, ce qui était déjà remarquable, de plus elle était arrangeuse et menait des affaires dans le monde de la musique. On le comprend, c’était une femme exceptionnelle.
Lil Hardin est originaire de Memphis et appartient à la naissante bourgeoisie noire. Elle a fréquenté l’université Fisk, y a étudié la musique.
Elle a débuté sa carrière dans un magasin de musique comme démonstratrice de partitions. Elle épouse Louis Armstrong et va véritablement conduire sa carrière et le pousser à trouver sa voie. Un passage à New York va développer la carrière du trompettiste.
Lil Hardin, elle, s’organise : elle fait la promotion de Louis, et développe du business à côté : une chaîne de restauration, la direction artistique des disques Decca sans oublier ses prestations pianistiques.
Mary-Lou Williams est de cette veine, immense instrumentiste à la naissance du bop. Elle ne trouvera que pas ou peu d’engagements et s’exilera en Europe sans trouver plus d’engagements. Elle retourne aux USA et change d’orientation (éducation).
Marian McPartland, jeune aristocrate anglaise, va rencontrer son mari Jimmy McPartland et filer avec lui à Chicago, puis le quitter pour développer son style, moderne, à New York. Elle va créer une émission de radio sur la NPR où elle interviewe de nombreuses vedettes de jazz pour évoquer leur musique. On la retrouve aux côtés de John Lewis, Bill Evans et tant d’autres.
Place désormais aux chanteuses exemplaires:
Ella Fitzegald, née en 1917, après un passage à l’Apollo, intègre l’orchestre de Chick Web et va en prendre rapidement la direction à la disparition du leader, et va le tenir pendant près de cinq ans. Elle a eu la chance de ne pas sombrer dans les travers communs (drogue, alcool, maquereaux, arnaques, …) et sera aidée par Marylin Monroe pour chanter dans des clubs qui lui auraient été interdits. Norman Granz la prend sous sous aile au sein de Jazz at the Philarmonic où elle chantera aux côtés des plus grands artistes du moment. (on revoit pour une énième fois l’extrait du film d’Abott et Costello où elle chante A tisket a tasket son premier tube de jeunesse, puis avec l’orchestre de Duke Ellington dans une superbe version de It don’t mean a thing… et enfin avec Count Basie sur Lady be good).
On évoque ensuite Billie Holiday ( on la voit aux côtés de Ben Webster, Lester Young, et le tout jeune Gerry Mulligan, Coleman Hawkins, Roy Aldridge dans le même morceau Fine and Mellow), et Sarah Vaughan qui débarque dans l’orchestre de Earl Hines un des tous premiers dans l’univers be-bop (nous écoutons Perdido).
Nous aurions pu aussi évoquer Mary Osborne, Melba Liston, Carla Bley etc . qui toutes aussi ont contribué à forger l’histoire du jazz.