Comme l’ont fait il y a quelques années Mario Stantchev et Lionel Martin avec “Jazz Before Jazz” (Autour de la musique de Louis Moreau Gottschalk) , le pianiste Paul Lay s’est attaché à célébrer la musique populaire américaine  qui a été le berceau du jazz. La musique que chantaient et sifflaient les boys venus en 1918 à la rescousse du vieux continent. Nous avions célébré il y a quelques temps le “débarquement” de l’’orchestre de James Reeses Europe qui est reconnu comme le premier chef d’une formation jazz à avoir joué en France notamment ce 12 février 1918 à Nantes.

Hasard du calendrier, c’est un 11 novembre que se déroule ce concert à Jazz aux Carrés à la MJC d’Annecy-le-Vieux.

Le pianiste d’Orthez a réuni autour de lui la chanteuses Isabel Sörling dont le registre folk/jazz est tout indiqué pour ce répertoire et le contrebassiste Simon Tailleu. D’autres musiciens de renom interviennent sur l’album “Deep Rivers” sorti en 2020 chez Laborie Jazz.

Nous allons donc au cours de ce set faire le tour des différents titres de cet album , en commençant par I’m always chasing rainbows de 1865

Puis trois morceaux enchaînés qui datent de la guerre de sécession : Southern soldier boy Rebel soldier et Follow the drinking gourd

Blues, worksongs, incantations, la musique est ici populaire au sens où elle reflète les sensations et les préoccupations des acteurs de l’époque.

Isabel met sa voix puissante et convaincante au service des paroles des pauvres hères qui ont vécus des moments terribles. L’émotion passe. Simon et Paul [et pas l’inverse] l’accompagnent parfois aux chœurs.

La contrebasse est souvent jouée à l’archet pour renforcer la gravité du propos.

Suit un solo vocal d’Isabel, on croirait entendre des chants chamaniques des premiers occupants de l’Amérique du Nord, une prestation très pure et technique où l’octaver fait des miracles.

Un incontournable de Scott Joplin qui a été bien contourné Mapple leaf roag où comment déconstruire un ragtime bien enlevé tout en montrant qu’on le maîtrise.

Moment d’émotion avec le superbe poème chanté To Germany de Charles Hamilton Sorley (voir ici), jeune officier britannique germanophile qui tombera sous les balles allemandes quelques jours après l’avoir écrit.

Avec Deep Rivers qui a donné son nom à l’album, le trio nous offre un morceau tout en sensibilité et subtilité. Isabel lâche les chevaux et nous dévoile une puissance vocale bienvenue qui sert admirablement le propos.

Fin du concert sur un morceau emblématique de cette époque The battle of the republic. L’entame se fait à la contrebasse en solo et l’on reconnaît bien le thème qui n’est pas sans rappeler quelques westerns fameux.

Rappel sur le tube de Nina Simone I want a little sugar in my bowl, il s’agit ici d’une version très “sorlinguée”.

 

Le public est enthousiaste et obtient un second rappel avec Bird on wire de Leonard Cohen … et un troisième salut.

Ont collaboré à cette chronique :