Voila une soirée de prestige comme on aime que St Fons Jazz nous en propose, en mettant à l’ honneur l’un des grands contrebassistes de la scène jazz française Michel Benita qui, après s’être illustré auprès des plus grands comme Lee Konitz , Archie Schepp, Daniel Humair, Peter Erskine, Aldo Romano ou Nguyen Lé, a fini par rejoindre le label ECM d’abord en collaborant avec le saxophoniste britannique Andy Sheppard puis en signant en tant que leader deux albums sur le prestigieux label : en 2015 le premier album d’ Ethics “River Silver” et en 2020 un deuxième album “Looking at sounds” qui est le projet présenté ce soir à Saint-Fons. Dans ce nouveau quartet outre le trompettiste suisse Matthieu Michel (ici essentiellement au bugle) et le batteur Philippe Garcia déjà membre du groupe Ethics , la formation accueille le belge Jozef Dumoulin au Fender Rhodes bardé tant en dessus qu’en dessous de multiples dispositifs électroniques.
Comme sur l’album, le concert débute sur une composition de Michel Benita et Matthieu Michel “Dervish Diva” qui démarre en douceur avec de petites caresses de la main sur la batterie avant l’arrivée légère du bugle et sa montée en puissance progressive de plus en plus appuyée par la rythmique et la présence active du clavier et de ses effets. Devenu très dense au fur et à mesure avec une ligne de bugle quasi obsessionnelle , le morceau s’achève dans la plus grande douceur ce qui en amplifie la beauté. Pour suivre c’est “Barroco” une quasi balade écrite par Michel Benita où, sous le regard complice de la rythmique, bugle et nappes de clavier et effets s’interpénètrent pour finalement trouver un équilibre des plus harmonieux. Comme sur l’album les deux thèmes suivants s’enchaînent avec d’abord une nouvelle composition très mélodique de Michel Benita “Elisian” avec effets façon orgue, percussions boisées, et bugle aérien, suivi d’une composition d’Antonio Carlos Jobim “Inutil Paisagem” marquée par des étonnants samples de Philippe Garcia sur sa batterie et préparant une nouvelle fois l’ arrivée majestueuse du bugle souligné d’effets surprenants.
Le concert se poursuit avec le titre consistant qui donne son nom à l’album “Looking at sounds” où le clavier et les effets de Jozef Dumoulin sonnent parfois comme les guitares planantes chères au label ECM ; de bout en bout le morceau foisonne de trouvailles sonores et de mélanges invraisemblables, sans compter le chorus appuyé de contrebasse et le final délicat au bugle. Le public savoure et salue la performance comme il se doit.
L’enchaînement se fait sur la composition “Islander” ou se succèdent de superbes envolées de tous pendant que les regards se croisent pour être bien certains qu’on est parfaitement en phase derrière la batterie très appuyée de Philippe Garcia, et qu’on sera pile à l’heure pour le délicieux ralentissement final. Le final du concert résonne sur un mode plus apaisé, tout autant liquide qu’aérien avec “Low tide” ou bugle et clavier installe une touche de sérénité propice pour un final de contrebasse à l’archet.
Un rappel s’impose, où l’on y retrouvera comme un résumé du concert avec clavier et effets de guitare, rythmique millimétrée et ligne aérienne de bugle, tout ce qui a régalé nos oreilles ce soir au cours d’un set généreux, dense et impeccablement sonorisé de plus de quatre vingt minutes.
Un nouveau quartet et un nouvel univers sonore pour Michel Benita à suivre absolument.