Victoire du Jazz en 2019 pour “Quest of Invisible”, Naïssam Jalal était au Solar ce dimanche 6 février pour présenter “Healing Rituals” [NdlR : “Rituels de guérison”], donné une première fois à Royaumont en septembre dernier. Ce projet a été encore peu joué et doit faire l’objet d’une résidence dans les jours qui suivent avant une entrée en studio. Le projet a été également éprouvé en duo flûte et violoncelle en milieu hospitalier.
Naïssam Jalal, flûtiste, vocaliste, compositrice et leader, a su développer un état d’esprit très créatif dans le groupe (envie de partage et don de soi) et l’on comprend très vite que l’instrument roi ici, c’est le quartet. Cela se sent dès le premier titre, Rituel de la rivière. Sur un ostinato de la contrebasse de Claude Tchamitchian et du violoncelle de Clément Petit, la flûte développe un thème très lent à l’issue duquel les rôles s’inversent ; la flûte joue un motif répétitif que Zaza Desiderio à la batterie, développe en rythmiques complexes aux textures minutieusement choisies tandis que Claude Tchamitchian et Clément Petit “chorussent” en duo à l’archet. Rien à ajouter, rien à retrancher, l’équilibre parfait.
Les différents thèmes sont présentés comme un ensemble d’évocations des anciens rituels de guérison : outre Rituel de la rivière, on a le Rituel des collines, ceux du vent, de la terre, de la forêt, de la lune et celui du soleil. Healing Rituals peut être considéré comme une œuvre musicale dont les différents morceaux sont les mouvements.
Formée à la musique classique, au jazz et après des expériences variées (hip hop, funk) Naïssam Jalal a rejoint le Grand Institut de Musique Arabe de Damas pour apprendre le nay (flûte de roseau), puis Le Caire pour apprendre et travailler avec des grands maîtres de la musique classique arabe. Toute ces expériences forment un socle poétique et technique sur lequel s’appuie la compositrice pour écrire comme dans les phases d’improvisation sur ses instruments. Les sources d’inspiration diverses sont si intimement liées qu’elles forment un tout profondément original qui est la musique de Naïssam Jalal.
En tant qu’interprète elle séduit par la qualité et la richesse du son et de l’inspiration, et par une technique de parler-souffler qui lui est propre. Claude Tchamitchian développe un jeu tout en soutien rythmique et accompagnement mélodique remarquable qui utilise toute la tessiture de la contrebasse. Clément Petit fait sonner son instrument comme un violoncelle de musique baroque ou de musique contemporaine et, quand c’est nécessaire, comme un guembri ou un oud, mais surtout, avec sa touche très personnelle, il occupe avec talents l’écart disponible entre la contrebasse et la flûte. Zaza Desiderio de son côté peut développer, en s’appuyant sur le jeu des cordes, une créativité qui répond à la complexité rythmique de la musique de Naïssam Jalal et à sa demande de recherche sur la texture des sons.
L’ensemble est une vraie réussite, grâce à la musique de Naïssam Jalal on est emporté dans des lieux où s’énonce l’essentiel au travers des différents modes utilisés et du lyrisme propre à chaque musicien.