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12/03/2022 – Barefoot Iano au Café des Arts à Grenoble

Je contemple les photos de Martin Stahl. Il capte avec justesse la fragilité de l’instant et révèle également quelques traits de caractère de l’artiste. Barefoot Iano (dont le vrai nom est Ian Giddey) est le même, à la ville comme à la scène : sourcil relevé, yeux malicieux, un humour d’une grande finesse qui rend ses prestations toujours uniques et précieuses. L’artiste roule sa bosse depuis près de quarante ans sans que rien, ou presque, ne vienne altérer ce qui, pour moi, constitue sa marque de fabrique, c’est-à-dire une forme d’honnêteté, qui fait qu’il ne triche jamais avec ses émotions, et qu’il sait nous les transmettre de la plus belle manière, avec tact, légèreté et doigté.

De quoi s’agit-il ? D’une sorte de blues, son blues. Ce mot dit l’attachement à une musique, un groove, qu’il patine à sa sauce. Son jeu à l’harmonica ou sur la guitare le trahit. Il est de cette veine-là. Il fut à bonne école, celle de la Nouvelle Orléans, entre autres, où il a joué dans les clubs. Mais il a fini (et ce n’est qu’un début) par se l’approprier, l’ingurgiter, le déconstruire, le transformer. Que ce soit en adaptant des chansons australiennes, de sa terre natale, des airs irlandais, en chantant celles de son ancien compatriote Graeme Allwright, qu’il a accompagné une paire d’années, ou encore en proposant ses propres œuvres, en français, le souffle du blues est omniprésent. J’aime cette façon qu’il a de dire sa musique. Regardez cette photo avec sa guitare en bandoulière. Il en tire des sonorités puissantes et délicates, par un jeu en finger picking au plus près du propos. Tout est souffle et caresse, au fond du temps, comme un apaisement. Peut être à l’image de la chanson « Je sais que demain sera bien. » Un blues tendre, qui s’ouvre à l’autre. L’harmonica est un prolongement de lui-même, qui vient amplifier le cri, le chant (c’est selon) qui sort de ses entrailles.

Barefoot Iano représente pour moi, depuis longtemps, l’image du musicien par excellence, celui dont le chemin n’est jamais tracé à l’avance et qui se construit au fil de ses rencontres. Celui qui remet sans cesse l’ouvrage sur le métier, avec force persuasion. Qui ne cherche pas à briller, plus haut, comme il le dit dans la chanson « rich and famous ».

Si « l’expérience Mountain Men », groupe qu’il a créé avec Mathieu Guillou (mister Mat), est de celle qui marque une vie, elle constitue une partie de son parcours. En 2018, il croise la route de la chanteuse Isabelle Hainaud.  Il partage la scène avec elle et le batteur Paul Emile Banvillet. Harmonisation à deux voix, deux souffles unis, batterie minimaliste et d’une grande efficacité, le trio fait des merveilles. Une heure de pure émotion, le contraire du show, un juste partage entre belles personnes.

Depuis peu, Barefoot Iano écrit des chansons en français. Avec humour, il tente de dire qu’il ne sait pas encore si cela est bon. Qu’il se rassure. Sans chercher la comparaison, il m’a tout de même fait penser à Dick Annegarn. Même verve, même pudeur, même folie. Trois mots qui pourraient le résumer.

Encore une photo, pour la route. Regardez ces trois-là, en action ! Courez les écouter, dès que possible. Leur blues vous tend les bras, vous aide à vivre.

Ont collaboré à cette chronique :