C’est le 2 juillet 2012 que Gregory Porter faisait sa première apparition sur les scènes de Jazz à Vienne. Que de chemin parcouru par ce chanteur qui a acquis une reconnaissance internationale et est devenu la plus belle voix masculine du jazz ! Ce soir c’est son cinquième passage sur la scène du Théâtre Antique, toujours accompagné d’un fidèle et efficace quintet avec Chip Crawford (piano), Tivon Pennicott (saxophone), Jahmal Nichols (basse), Emanuel Harrold (batterie) et un nouveau membre avec l’organiste Ondrej Pivec.
Vêtu de clair, avec son éternelle cagoule-casquette sombre, souriant et déterminé, Gregory Porter aborde son concert avec le très opportun titre Revival (le retour) extrait de son dernier album original de 2020 All Rise. La belle voix grave et profonde est là, toujours aussi affirmée tout en laissant une impression d’une facilité déconcertante. Fort à propos en rappelant au public qu’après les deux années que nous avons connues, c’est bien l’amour qui est la chose la plus importante, il enchaîne avec If love is overrated (toujours dans l’album All rise) magnifiquement introduit par un chorus d’orgue. Si l’amour est surfait, laisse-moi être celui qui est naïf…
Le concert se poursuit avec deux titres incontournables de Gregory Porter : Liquid Spirit avec un lent démarrage au piano suivi d’une montée en intensité laissant une large place aux musiciens et au public qui frappe des mains ; enchaînement rapide avec le tube Hey Laura et de sages chorus de sax et d’orgue qui enrobent à merveille la voix caressante du chanteur.
A partir de Illusion, interprété seulement avec le soutien du piano de Chip Crawford, Gregory Porter souhaite casser un peu le coté trop sage du concert en laissant plus de place à l’improvisation. Cela commence avec un consistant chorus de Jahmal Nichols à la contrebasse qui sert d’intro à la reprise en duo du My Girl des Temptations. Cette évocation de Tamla Motown continue avec l’entrée progressive des autres musiciens pour un survol rapide d’un autre hit des Temptations Papa Was a Rolling Stone. L’hommage à la soul music se poursuit avec une interprétation enrobée de Musical Génocide où Chip Crawford lâche quelques mesures de La Marseillaise pendant que Gregory Porter se plait à citer les noms de ses grands influenceurs de la black music : James Brown, Samy Davis, Nat King Cole, Marvin Gaye, Stevie Wonder et John Coltrane…
Pour la dernière partie du concert, on revient à des formes plus classiques d’interprétation avec Take me to the alley où les cinq musiciens sont entièrement dévoués à servir la voix du maître avec un grand chorus de saxophone suivi par de délicates interventions de l’orgue stimulé malicieusement par des bribes éparses de piano. Pour le final ce sera Mister Holland (de l’album All Rise) une composition toute en accélération et montée en puissante qui permet au quintet de se livrer pleinement juste à l’ovation finale et à la sortie taquine de Gregory Porter.
Le public en redemande et en rappel ce sera une chanson d’amour, ou plus exactement de rafraîchissement de l’amour, selon les mots utilisé par Gregory Porter pour présenter No Love Dying « il n’y aura pas d’amour qui mourra ici pour moi » que le public finit par reprendre en accompagnement de la sortie finale du chanteur esquissant un pas de danse.
L’accompagnement par un quintet est une formule qui convient parfaitement à un chanteur comme Gregory Porter qui a besoin de souplesse et de liberté pour donner le meilleur de lui-même ; c’était totalement le cas ce soir.