Un voyage étoilé entre Big Apple et Erevan.
Le programme de ce soir est bien rodé, mais il n’est jamais le même. De l’impro assuré pour cette musique fusion de résonnances génétiques arméniennes, de son ressenti adolescent parisien, et de sa spécificité musicale acquise à New York. Macha Gharibian et son trio, nous proposent leur dernier album revisité.
Authentique est le terme qui s’applique parfaitement à chacun des protagonistes de ce soir. Trois talentueux interprètes qui se complètent en tri-stéréophonie. Macha, pianiste, chanteuse, arrangeuse, réalisatrice, éditrice, véritable self-made woman digne de son père Dan Gharibian, qui fut l’un des premiers à s’autoproduire avec le groupe Bratsch, nous délivre son message humaniste avec ses deux acolytes. Il règne à La Faïencerie, lieu de ce concert, une atmosphère méditerranéenne orientale ombrageuse empreinte d’une joie triste, oxymore qui qualifie bien la spécificité musicale de Macha.
Ils démarrent de manière classique avec Georgian Mood, tube de leur dernier opus Joy ascension, pour lequel ils furent consacrés révélation aux Victoires du Jazz de 2020. Une entame un peu plus courte que d’habitude, mais un thème qui vous reste dans la tête. Puis l’archet de Chris Jennings glisse sur les cordes de sa contrebasse, tel une voix étouffée pour le traditionnel Sari Siroun Yar issu de ses racines paternelles, et appris dans son enfance. Le piano et la contrebasse dialoguent, échangeant leur vibration en forme de pizzicati. Puis s’invite la voix simple, épurée, plaintive, pleine d’humilité repentie de Macha.
Freedom nine dance qui suit nous fait entrevoir des ressemblances pianistiques avec le fantasque Fazil Say, et les vocalises de Macha rappelle à certains égards celles de la brillante azéri Aziza Mustapha Zadeh, tous trois d’obédience de l’Asie Majeure au niveau musical. La contrebasse s’électrise et restitue une voix métallique aigüe qui s’improvise dans une sorte de chant liturgique évanescent. Macha, peu avare de son succès sait donner la part belle à ses comparses talentueux. Et c’est un sacré numéro que ces deux sidemen hors pair, nous donnent mêlant leur son et leur jeu qui se détachent les uns des autres pour mieux se retrouver dans une unité complémentaire.
Après un The woman I’m longing to be primé, elle se met au-devant de la scène abandonnant ses claviers, pour une interprétation originale de Joy ascension plage éponyme de son dernier opus, toujours aussi expressive dans sa nostalgie vibrante.
Le 50 ways to leave your lover de Paul Simon, donne l’occasion à celui qui accompagne à la batterie également Mélanie Di Biasio, Dré Pallemaerts de démontrer son jeu étonnant, un raffinement omniprésent, et une autorité imposante mais sans excès. Tour à tour, Un fight détonant pour rompre l’âme nostalgique diffuse, une confusion ordonnée dans un combat tout aussi complice, un intermède français, avec Survoler la lune et Anoushes pour que la génération prochaine puisse prendre son envol, un retour sur son second album avec Saskatchewan, autre titre vedette pour annoncer la fin.
Un premier rappel lui donne l’occasion d’un piano–voix sur Crying Bohemia sensible et pathétique. Elle rappelle ses équipiers de luxe, pour un titre original qui figurera probablement dans son prochain album.
Sous les applaudissements nourris et répétés d’une salle conquise, nous quittons à regret les senteurs exotiques caucasiennes d’entre Mer Noire et Mer Caspienne.
- Macha Gharibian : piano ; Fender Rhodes ; voix
- Chris Jennings : contrebasse
- Dré Pallemaerts : batterie