(69) Rhône

10/11/2022 – Uptown Lovers au Totem à Rillieux-la-Pape

Stairway to Heaven

Trois ans pile après nous avoir déjà enchanté avec «By Your Side», l’un des plus attachants des groupes lyonnais confirme toute sa magnificence avec la sortie du merveilleux «Care», encore un bijou d’album aux mélodies addictives, dévoilées lors de ce concert inaugural réunissant pas moins de dix musiciens. Un bonheur de live en forme de tremplin pour le septième ciel. Enjoy !

 On courait ce soir au Totem de Rillieux-la-Pape où l’un des meilleurs groupes lyonnais (et bien au delà!) se produisait à l’occasion de la sortie officielle de leur dernier album «Care». Une nouvelle merveille -que l’on vous présentera très prochainement parmi les pépites CD de l’automne- qui s’inscrit dans la lignée du précédent «By your Side» sorti il y a pile trois ans et qui déjà nous avait fait très grosse impression (voir ici). Magnifique de bout en bout et confirmant la singularité unique du «son Uptown Lovers» – subtile alchimie entre la signature vocale si particulière et vite identifiable de Manon Cluzel et celle de son fidèle amoureux Benjamin Gouhier, pygmalion inspiré dont la sonorité ne peut que rappeler celle d’un Robert Plant avec Led Zeppelin en mode Stairway to Heaven-, ce troisième opus du groupe, démarré à la base en duo mais qui n’a cessé de s’agrandir tant l’ample majesté de leurs compos le nécessite, aura réuni pas moins de seize musiciens en studio (!) pour un répertoire où l’esprit folk et pop seventies prend plutôt cette fois le dessus sur celui de la soul qui reste cependant inné chez la (Steevie) wonder Manon.

 Après les avoir vus il y a moins de deux semaines roder cette nouvelle set-list en sextet sur la scène du Triolet à Tignieux, la production de ce soir est symboliquement à la hauteur de l’événement puisque c’est à dix que Uptown Lovers se présente à nous, avec cette fois deux choristes invitées (Lisa Caldognetto échappée des Glossy Sisters, et Noémie Lecaf), le précédent complice David Doris (Supergombo) venant en renfort de Mathieu Manach aux percussions, et pour quelques titres une seconde guitare (celle-ci électrique) tenue par Louis «Lazzman» Bourgeois, un jeune prodige multi-instrumentiste qui par ailleurs aux claviers et prog’ dirige le projet perso de Manon baptisé “Macy Lu”. Avec bien sûr le fidèle David Bressat au piano,synthés et orgue Hammond, et Maud Fournier au violoncelle enchanteur pour la touche symphonique, c’est désormais le discret mais puissant Basile Mouton qui après Etienne Kermac enrobe le tout de sa basse appuyée.

 

L’amie Célia en guest

 Une sacrée brochette d’amis complices devant un parterre garni de nombreux potes aussi, qui laisseront d’abord à une autre amie, la jeune drômoise Célia Tiab, ouvrir les festivités par un mini-set en solo guitare-voix parfaitement adapté au contexte. En toute simplicité et avec un charme naturel, elle a su capter l’attention et séduire l’auditoire avec sa voix cristalline et sa guitare éthérée. D’abord en jouant plusieurs titres de son premier EP puis quelques reprises de l’indie-folk qu’elle affectionne, du Canadien Andy Shauf au new-yorkais Nick Hakim, dans une même unité de feeling épuré où tout n’est que douceur et sensualité. Son joli grain et sa fraîcheur ont agit comme un sortilège apaisant pour nous bercer tendrement, avant que le néo-folk ambiant, installé jusque là dans le dépouillement d’un guitare-voix, prenne une vaste et puissante dimension avec l’entrée en scène d’Uptown Lovers en grande formation.

 Un revival très actuel

Comme sur leurs albums, les musiciens débutent toujours le live par une introduction instrumentale qui donne d’emblée l’ampleur et la teneur du propos musical à venir, ces quelques premières notes où c’est bien toujours aux références précitées que l’on pense, cet univers américain très seventies, croisant le folk à la soul et au rock symphonique de cette époque épique, mais dans un esprit à la fois jazzy et pop bien d’aujourd’hui. La recette est magique et bluffante pour marier revival et musiques actuelles, avec la belle Manon qui rejoint alors son groupe et s’empare du micro pour lancer le show sur le plus tubesque des nouveaux titres (il nous avait sauté à l’oreille dès la première écoute), cet explicite All the Time irrésistiblement addictif, avec son groove à la fois léger et imparablement funky, et son refrain où les voix montées en escalier (the stairway…) nous entêtent et nous font planer haut et loin  (the heaven…) au son vintage des claviers. Sur The End of the Story –l’un des cinq titres du précédent album joués ce soir-c’est bien plus que jamais l’esprit de Stairway to Heaven qui surgit d’évidence, avant que Manon nous balance le percutant Psycho, autre facette où elle fait montre de son aisance quand il s’agit de débiter du rap-hop (comme elle le faisait avec le collectif Supa Dupa), appuyée par la poussée fracassante des deux percussionnistes (les “Tikétak” !…) et la basse de Basile. Un morceau où la chanteuse exprime pleinement sa fameuse signature vocale, constant contraste entre douceur et fougue. Et en matière de douceur et de bienveillante attention, la ballade de Care se pose là, dans la finesse voluptueuse d’un trio mêlant la voix aux seules cordes de la guitare et du violoncelle.

Douceur et fougue alternées

 Pour le côté imparablement soul de cette voix -et ce quoi qu’elle exprime-, Be a Girl l’affirme avec conviction, avant que Louis rejoigne le plateau sur Treat me Right qui bénéficie pour l’occasion des belles réponses des choristes, suivies d’épatants chorus de guitare puis de solos de percussions sur la ligne extrêmement véloce de la basse, installant un groove entre soul et R&B. Benjamin aussi apporte sa voix et fait de fins contre-chants comme sur Choice qui suit. Le groove revient en force avec le tube éponyme du précédent opus, l’excellent et obsédant By your Side entamé sous la frappe massive des congas de David Doris et où Benjamin va signer un beau solo au milieu du tentet qui tourne alors comme une horloge. L’alternance dans le répertoire continue avec, de nouveau, toute la douceur de la ballade folk Roots en trio avec le cello ensorceleur, puis sur le nouveau titre Born, une des perles de l’album, malheureusement ici sans l’enivrante flûte de Boris Pokora présente sur le disque.

On approche de la fin quand vrombit l’autre tuerie issue de By your Side, le bien nommé Dance et son slap d’enfer appliqué par Basile sur sa Fender jazz bass. Un gros son qui claque comme le font les percussions frénétiques à ses côtés, et toujours ce refrain qui s’imprime durablement dans la tête, comme toutes les mélodies que signent en couple Benjamin et Manon. Le final est énorme sur ce morceau qui est d’ailleurs la chanson préférée de Manon et que Benjamin dédicacera à Clément, l’ange gardien du groupe.

On retrouvera pour finir les sonorités zeppeliniennes dans la rythmique du nouveau Don’t let me go, encore une très accrocheuse pop-folk au son assez rock, où c’est vrai qu’après soixante quinze minutes de concert, on n’a pas vraiment envie de laisser partir Manon et son superbe aréopage. Et c’est dans l’épure d’un simple duo guitare-voix offert en rappel par ces touchants «amoureux du coin», alors que l’écoute est quasi religieuse dans la salle, qu’on va se quitter sur My Mind, comme il clôt d’ailleurs avec mélancolie le sublime «Care» si joliment dévoilé ce soir et que j’écoute en boucle,… all the time !

 

PS : Ceux qui ont raté ce merveilleux moment pourront toujours se rattraper en filant à la Cave à Musique de Mâcon (ville d ‘origine de Benjamin Gouhier) où Uptown Lovers se produira mais en version quintet le vendredi 16 décembre prochain. D’ici là, achetez ou offrez (c’est bientôt Noël !) ce bonheur d’ album à ceux qui vous sont chers, vous ne ferez que des heureux, et sans nul doute de nouveaux fans !..

Ont collaboré à cette chronique :