(26) DrômeJazz Action Valence

17/11/2022 – Thierry Eliez “Emerson Enigma” à JAV

Il faut bien avoir 60 ans pour comprendre la notion de rock progressif et expliquer ce qu’était ELP (Emerson, Lake and Palmer) …  Laurent Cokelaere, directeur de Jazz Action Valence, commence sa présentation du concert de cette manière. Le public, majoritairement concerné par sa remarque le comprend bien. Combien d’amateurs de jazz aujourd’hui ont écouté King Crimson, Yes, Emerson Lake and Palmer et bien d’autres. Ces groupes composés de musiciens ayant une solide formation classique ont poussé les murs du rock en lui donnant une dimension symphonique. Keith Emerson, pianiste virtuose du groupe ELP, se produisait sur scène dans les années 70 avec des synthétiseurs gigantesques dans des shows dont l’extravagance n’égalait que le niveau technique. Il vouait au jazz une vraie passion et agrémentait ses morceaux de longues improvisations.

Comme jeune pianiste Thierry Eliez a plongé dans cet univers qui a influencé sa formation. Son parcours a de nombreux points communs avec celui de Keith Emerson. Arrivé à l’âge où on se retourne sur sa carrière. C’est le moment qu’il a choisi pour lui rendre hommage.

Là où Keith Emerson poussait ses performances aux limites de l’excentricité, il a préféré bousculer les genres et proposer un mode acoustique au piano, entouré d’un ensemble à cordes, le Quatuor Manticore, référence à une créature mythologique dont ELP avait choisi le nom pour leur maison de production.

L‘album Emerson Enigma ne cherche donc pas à reconstituer la folie musicale du groupe, mais plutôt à valoriser le travail du maitre en allant à l’essentiel de la construction de son jeu.

La qualité du Quatuor Manticore, composé de Johan Renard et Koah-Nam Nguyen aux violons, Valentine Garilli à l’alto et Guillaume Latil au violoncelle, permet de donner au piano de l’amplitude et de reconstituer le côté symphonique de cette musique. Ne manquait que le chant. Thierry Eliez à plus d’une corde à son piano, il s’y attèle himself avec un grain de voix dont les intonations rappellent sans imiter celle de Greg Lake, et, cerise sur le gâteau, se fait accompagner de celle de la vocaliste Ceilin Poggi qui apporte en complément sa maitrise du scat et des improvisations

Le concert est intégralement consacré aux plages de l’album “Emerson Enigma”. Le choix des morceaux n’est bien sûr pas porté vers les plus commerciaux du groupe, mais vers ceux qui mettent le plus en avant le piano et la mélodie. Thierry Eliez peut alors déployer son jeu et se lancer dans des improvisations de haute voltige.

On retiendra The endless enigma, Take a Pebble, Knife-Edge et bien sûr Tarkus (les fans d’ELP reconnaitront !)

L’univers de cet album rend un bel hommage à Keith Emerson, à ELP, aux groupes de rock progressif des années 70 balayés trop vite par le disco et la cavalerie des grandes majors. Sans tomber dans la nostalgie passéiste, ça fait du bien et on peut dire en sortant du concert : la musique, c’est comme le monde, c’était mieux avant !

Ont collaboré à cette chronique :