Depuis 1948, le Hot Club a toujours accueilli des artistes de tous horizons venus partager la scène avec des piliers du jazz lyonnais. Ayant raté sa venue, il y a quatre ans, j’avais hâte de découvrir la chanteuse new-yorkaise Naama Gheber, accompagnée ce soir du pianiste Olivier Truchot et du contrebassiste Michel Molines. Bras nus dans une robe corolle violette assortie à ses boucles d’oreilles, la chanteuse brave la fraîcheur ambiante… Olivier a gardé la veste, Michel est en chemise… Le caveau (pas si hot que ça!) de la rue Lanterne est bien rempli. Nous voilà prêts à réviser nos classiques !
The more I see you de Warren & Gordon(créée en 1945) ouvre la soirée. À l’ancienne, intro piano, contrebasse, chant, soli se succèdent avec fluidité. La balade The very thought of you de Ray Noble (1934) maintient le cap. I Get a kick out of you de Cole Porter (1934) permet à Naama de nous offrir un premier scat de haut vol. Chantée par Ella en 1948 et évoquant un chien, Old Mother Hubbard est dédiée à la chienne Border Collie que la New-Yorkaise a achetée durant le confinement… Sometimes I’m happy de Youmans & Caesar (1923) rappelle « le bon vieux temps » de la prohibition avec scats endiablés et échanges ludiques entre les musiciens. Revenons à Cole Porter avec Dream Dancing (1941) où Naama compense l’absence de batterie avec un œuf-maracas ! Le public est chaud pour conclure de « Baby » les refrains de I can’t give you anything but love de Jimmy McHugh (1928). Œuvre de Lil Hardin (épouse Armstrong…) et Don Raye, Just for a thrill (1937) prolonge notre voyage au pays du swing. C’est If I knew then de Jurgens & Howard (1939) qui conclut ce premier set des plus réjouissants. L’entracte permettra aux auditeurs conquis d’acquérir un ou deux disques compacts de la chanteuse, enregistrés en mars-avril 1999 et janvier 2022 à New-York.
Thou swell de Rodgers & Hart (1927) nous ramène d’emblée dans l’univers d’un jazz au parfum d’éternité tout comme Stars fell on Alabama de Perkins & Parish (1934). Le public accompagne des mains et de la voix le rythme chaloupé de You’re driving me crazy de Walter Donaldson (1930). Loads of Love de Richard Rodgers (1962) swingue à souhait. Pour échapper aux sempiternelles chansons de Noël, la facétieuse chanteuse nous propose What are you doing New Year’s Eve de Franck Loesser (1947). C’est en duo voix/contrebasse que Dream of you de Jimmie Lunceford (1934) nous est livrée avec subtilité. L’incontournable Lady be good des frères Gershwin (1924) est le terrain de jeu idéal de toute amatrice de scat, et Naama s’y livre avec gourmandise ! En duo piano/voix, I’m a fool to want you de Herron, Wolf & Sinatra (1951) nous emmène en douceur vers la fin du second set que conclut un blues de Helen Humes : Million dollar secret. Après les traditionnels remerciements, le trio quitte la scène… Mais des applaudissements nourris rappellent cette belle équipe.
C’est Me, myself, and I de Gordon & Roberts (1937) parsemé de subtiles citations qui parachève cette belle soirée d’un ultime scat sur fond de swing. La chanteuse ne se départit jamais de son sourire, de sa voix limpide à la diction parfaite, de son empathie avec ses partenaires et le public. La séance dédicaces prolonge le partage. Dire que la plupart des morceaux sont antérieurs au Hot Club et qu’on prend autant de plaisir à les réentendre quand l’interprétation en est aussi généreuse et mélodieuse ! Elle est repartie dans sa presqu’île d’adoption… Tant pis pour celles et ceux qui n’étaient pas au Hot vendredi soir ou qui n’ont pas prévu de séjour à Manhattan… Elle fêtera son …unième anniversaire le 2 janvier avant quelques dates dans les clubs new-yorkais.
P.S. La période s’y prête, c’est cadeau : https://www.naamagheber.com !