Allumez le Foehn !

Annonçant  dans un esprit festif la sortie le vingt janvier prochain de son troisième album, notre trio lyonnais favori, en concert au nouveau Marché Gare, confirme à la fois toute l’inspiration que procurent au groupe les divers «Eléments» de la nature et des paysages – qu’ils soient terrestres ou célestes -, comme sa place singulière parmi les tenants de la fameuse french touch qui marient avec brio jazz et électronique. Une fresque sonore atmosphérique et climatique qui s’ornemente désormais d’images tout aussi oniriques projetées en fond de scène. L’effet de Foehn n’a pas fini de (nous) souffler…

 

Pour notre dernier concert de l’année qui fut encore bien remplie (c’est quand même le soixantième !..), direction le Marché Gare, la scène de musiques actuelles de Lyon 2ème que l’on redécouvre à cette occasion dans ses tout nouveaux locaux flambant neufs et qu’on a du mal à reconnaître après quatre ans de lourds travaux. La grande salle sans être blindée est très copieusement remplie pour cette soirée de release party, qui fête la sortie du troisième album studio de Foehn, «Eléments» qui sera officiellement dans les bacs le vingt janvier prochain et que l’on vous présentera parmi nos premiers coups de cœur de 2023.

Environnemental et scénographié

Même si le groupe d’électro-jazz lyonnais se présente toujours à trois avec Christophe Waldner au piano préparé et claviers divers, Cyril Billot à la contrebasse et au synthé basse vintage, et Kévin Borqué à la batterie et percussions, l’appellation Trio a volontairement été supprimée désormais pour ne garder que “Foehn”, groupe dont la famille inclut les trois postes techniques intégrés à part entière dans le groupe, suite à la création de ce nouveau show concocté en septembre dernier lors d’une résidence à l’Hexagone de Meylan. Avec le scénographe Malo Lacroix qui a conçu et mixé des images projetées en fond scène, l’éclairagiste Manuel Privet dont les lumières assurent le lien transitionnel entre musique et travail vidéo, et Arnaud Chevalier aux manettes de la régie qui signe le “son Foehn”, ce jazz qui à grands renforts de synthés vintage (Prophet, Model D), de pads, de samples et autres effets électroniques novateurs traités en direct s’inscrit de plain pied dans la  bouillonnante  et inventive tendance actuelle.

Atmosphérique, climatique et onirique

Après «Magnésie» en 2017 qui les avait révélés , puis le merveilleux «Highlines» qui nous a si bien accompagné durant les confinements de 2020, les inspirations du groupe au nom d’un vent ancestral restent plus que jamais ancrées dans les éléments naturels du paysage, qu’il soit terrestre ou céleste. Après les cimes montagneuses ou l’eau en ressac de l’océan, Foehn élargit sa palette à d’autres éléments environnementaux comme l’indiquent les nouveaux titres bien explicites faisant référence à l’horizon (Same Horizon), aux arcs-en-ciel (Rainbows), à la voûte céleste (Belle Etoile) comme encore à la lune (Moon), à la pluie (le sublime Saison des Pluies découvert via un clip confiné qui nous avait profondément ému), et toujours bien sûr l’impact des sommets montagneux (Grand Fe(r)rand) chez ces musiciens d’altitude habitués à enregistrer à la Maison des Artistes de Chamonix. Atmosphérique et climatique s’il en est, la musique de Foehn ne se dépare pas de sa haute portée onirique, dans une fresque non seulement sonore mais désormais visuelle qui augmente encore l’ouverture vers l’imaginaire, sans didactisme, mais favorisant malgré le design abstrait des images projetées, la liberté d’interprétation de chaque auditeur-spectateur invité à la rêverie.

Un répertoire où tout ce qui fait la marque spécifique de Foehn resplendit en live, de l’acoustique sonnante du Steinway à celle de la contrebasse maniée avec un doigter félin, des synthés bricolés dégageant de grosses nappes planantes d’où émanent des timbres hybrides et irradiants, à l’impressionnant jeu sur la batterie, traitée en direct à grands renforts de reverb’ et de delays.

Après un démarrage cool sur les notes de piano et quelques nappes enveloppantes, tout s’emballe progressivement avec le tic-tac des baguettes de Kevin, roi du jungle et du broken beat, qui ont souvent un je-ne-sais-quoi de rythmique latino mais qui ne cesse de nous fasciner, tant par sa vélocité que par la puissance impactante de la frappe. Suivant l’incontournable Gnosienne n°1 empruntée à Satie et pépite du précédent album, un nouveau titre (Belle Etoile) s’ouvre par l’insert d’une voix, celle de Greta Thunberg (!..) dont on connaît l’engagement pour la planète, avant de développer un énorme son assez psychédélique, speedant de plus en plus vers une forme technoïde, entre le beat cartonné des drums et les infra-basses massives des claviers.

 

Comme à leurs habitudes, les trois musiciens alternent ce genre de grandes envolées fantasmagoriques avec des ambiances plus tempérées, comme cette ballade élégante qui suit, où les cordes du piano comme celles de la contrebasse ici jouée à l’archet résonnent avec majesté, avant bien sûr qu’un nouveau break ne vienne trancher cette atmosphère paisible et nous entraîne frénétiquement dans une grande valdingue sonore, épique et terrassante. Visiblement, plus la dérive de ces longues plages électroniques s’oriente vers la tech de club, et plus le public (où l’on comptait ce soir de nombreux grands fans à la fois d’ici et certains autres venus de très loin, jusque de Paris…) semble adhérer en manifestant son engouement et son plaisir. Le timing des morceaux étant très étiré -comme cela est nécessaire pour dessiner patiemment ces univers climatiques ascensionnels-, on ne voit pas le temps passer quand arrive le dernier de la set-list, ce Same Horizon qui à l’inverse ouvre le nouvel album, avec ses boucles répétitives de piano et de contrebasse, avant d’être fracassé par la dextérité tonitruante du jeune batteur.

L’ambiance du Marché Gare est incandescente quand Foehn qui a prestement allumé le feu revient en rappel délivrer sa reprise (la seule) du célèbre hit planétaire Around the World des Daft Punk qui les ont autorisé à s’accaparer cette compo qui figurera d’ailleurs comme le premier single à venir d’Eléments. Comme un hommage aux pionniers du genre, à cette inspiration électro et parfois carrément transe-techno dont se nourrit Foehn, avec un brio et une patte perso qui les inscrit à leur tour dans les meilleurs représentants de la fameuse french touch.

Ont collaboré à cette chronique :