(69) RhôneSaint-Fons Jazz

20/01/2023 – Bex’tet au Saint-Fons Jazz

« Je dois beaucoup à Bernard Lubat », dit Emmanuel Bex, « deux années à désapprendre… et son sens de la démesure, dont je garde toujours des séquelles irrémédiablement créatives. »

Emmanuel Bex est un sacré phénomène, et nous en avons eu un petit aperçu ce vendredi soir au Saint-Fons Jazz ! L’orgue semble pour lui un jeu d’enfant et jouer avec ses comparses, un plaisir sans cesse renouvelé.

Il se peut que j’aie déjà assisté à l’un de ses concerts, sa tête me dit vaguement quelque chose, mais c’était il y a longtemps. Alors, au début, je me demande à qui nous avons à faire : Bex se présente de manière presque froide, impossible de percevoir son regard derrière ses grosses lunettes. Je perçois presque aussi une certaine sécheresse dans les gestes qu’il adresse parfois à ses compagnons de scène. Mais très vite sa musique vient démentir ce premier contact : un jeu tout en nuance, d’une grande finesse et douceur mais qui sait se faire explosif et qui laisse une belle place à ses deux comparses comme partenaires de jeu Antonin Fresson à la guitare, et son fils Tristan Bex à la batterie, une recherche à la fois de dialogue et d’osmose avec ses musiciens. Et beaucoup d’humour.  Le premier morceau joué, qui lui est venu lors d’une balade en forêt avec sa chère et tendre, vient comme une sorte de rêverie, lui qui ne trouve jamais de champignons.  Est-ce son souci de « mettre à profit le temps », ce temps de l’attente, de l’ennui, à l’origine de son immense créativité ? Le morceau qui suit, it ‘s open, m’évoque au contraire la course effrénée du monde moderne, avec ses sons percussifs, voire agressifs. Nos trois musiciens se meuvent comme des automates pour accompagner au mieux la musique. S’ensuivent un morceau d’inspiration africaine quelque peu déjanté, puis un blues gospel, que ces musiciens virtuoses interprètent avec une grande aisance de jeu. Le jeu de guitare très inspiré d’Antonin Fresson sait se faire aussi bien mélodique que percussif, Tristan Bex lui s’ajuste au plus près de la guitare et de l’orgue mais s’affirme avec beaucoup d’inventivité aux moments choisis.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce concert, avec l’arrivée de Céline Bonacina en guest star avec son saxophone baryton qui dégage de la douceur, de la chaleur et du rythme, un pur bonheur !

Puis c’est au tour du South gate big band, de St Fons, dirigé par le jeune et incroyable Maxime Prébet (qui en plus est un très bon saxophoniste, ce qui ne gâche rien), de rejoindre E. Bex et C. Bonacina pour interpréter Tango, et Manège, deux morceaux de Bex, ça déménage. On croirait le big band d’Eddy Louis ! 

Et pour la fin, c’est avec « la grande soufflerie » (les élèves de l’école de musique de St Fons, soufflants et chanteurs, avec leur professeur et chanteuse Catali Antonini) que tout ce beau monde interprète Ni hier, ni demain, c’est puissant, chaleureux, coloré, ça swingue et donne envie de danser.

Le pari est réussi pour tous ceux qui ont porté ce projet associant de sacrés musiciens à ce big band et aux classes de l’école de musique de Saint-Fons.

Ce concert-là, je ne suis pas prête de l’oublier, comment ai-je fait alors pour ne pas me rappeler de Bex ?

Car ce qui m’a frappé chez lui, c’est son engagement dans la musique. Il semble avoir fait sienne la phrase de Pessoa : « La valeur des choses n’est pas dans la durée, mais dans l’intensité où elles arrivent. C’est pour cela qu’il existe des moments inoubliables, des choses inexplicables et des personnes incomparables. »

Florence Voir

 

Enrôlés dans les rangs des travailleurs
Sommés de travailler plus longtemps
Ladres et malheureux à force de consommer
Frénétiquement nous débarquons au théâtre
Le réel c’est ici et maintenant Ni hier ni demain
Finie l’attirance pour les Rolex, ici c’est Bex
Et son Trio brillant et Céline Bonacina
Au jeu flamboyant
Bex en pétard silhouette roi du Rex
Il a la communication fertile
Le rebondi puissant
Les mains généreuses
Et le sensible hoquetant
Des liens puissants
Se tissent à l’humain
Drôle de passage à l’an
2023 sensibilité à l’autre
Dans la rue pour les retraites
Aux sons tranchants
Des big bands colorés de St Fons soufflants

Laurent Brun

Ont collaboré à cette chronique :