Le guitariste Matthis Pascaud (entendu derrière Anne Paceo, Sophie Alour, Moonlight Benjamin et dernièrement Marion Rampal) et le chanteur Hugh Coltman (autant crooner dans son hommage à Nat King Cole que passionné des musiques de La Nouvelle Orléans dans son album Who’s happy ) ont partagé pendant les périodes de confinement leur intérêt pour les musiques du grand sorcier de la Nouvelle Orléans Dr John, The Nighttriper, de son vrai nom Malcolm John Rebennack (1941-2019) , chanteur, guitariste et surtout pianiste sous influence blues, boogie, jazz, rock, zydeco, autant qu’ésotérisme vaudou ( lors de ses passages à Jazz à Vienne on se souvient de ses nombreux gris-gris ainsi que du crâne humain posé sur le piano… !). Les deux fans que sont Matthis Pascaud et Hugh Coltman se sont particulièrement intéressés à la période sixties autour des albums Gris-Gris (1968) et Babylon (1969) qui ont popularisé Dr John ; ils y ont puisé suffisamment d’inspiration pour développer leurs propres adaptations d’une dizaine de compositions, publiées dans l’album Night Trippin’ (Sony Music 2022). C’est tout à fait naturellement qu’on retrouve ce soir au Théâtre Jean Marais de Saint Fons autour de Hugh Coltman et Matthis Pascaud tous les acteurs de la création de l’album avec Chistophe Panzani (saxophone et clarinette basse), Pierre Elgrishi (guitare basse) et Karl Jannuska (batterie).
Dès le morceau d’ouverture du concert Cha Dooky Doo (à noter que l’ordre des morceaux adopté pour le concert est strictement identique à celui du disque) on est saisi par le caractère particulier du son, dû en grande partie aux effets créés sur la voix de Hugh Coltman par l’utilisation simultanée de deux micros qui accroissent la dimension mystique en lui conférant un côté venu d’ailleurs ; cet aspect est accentué par le traitement réservé aux instruments et en particulier à la guitare. Sur Jump Sturdy on en rajoute sur le côté déjanté poisseux et pleurnichard …Same old same old met l’accent sur les percussions et se termine d’ailleurs par un chorus de batterie de Karl Jannuska carnavalesque. Barefoot Lady au ton très caverneux fait au côté de la voix de Hugh une belle place au saxophone plus chaleureux et envouté de Christophe Panzani. Sur Glowin’ c’est la guitare de Matthis Pascaud qui se taille une place de choix avec des riffs très bluesy et pénétrants se substituant ou complétant la voix remplie d’une profonde tristesse du chanteur. Les deux morceaux qui suivent sont quasiment des tubes de Dr John : avec Loop Garoo taillé pour la voix de Hugh Coltman qui en rajoute un brin dans le registre hurleur et la célèbre Mama Roux une reine des Mardi Gras Indians qui a inspiré Dr John et qui ici apporte un supplément d’émotions voir de tendresse aux cinq musiciens attendris.
Dans Danse Fambeaux on retrouve un Hugh Coltman crooner bien traité par un savant et recherché accompagnement instrumental. Pour Black John The Conqueror s’installe à nouveau un climat de mystère très prenant et séduisant par une pléiade de trouvailles sonores. Le ton monte encore d’un cran pour les deux morceaux finaux Back to back et I Walk on Guilded Splinters qui remportent l’adhésion totale du public maintenant converti à l’univers mystique et quelque peu déjanté du Dr. John.
Pour le rappel ce sera Right Place, Wrong Time , un autre tube plus tardif du sorcier de la Nouvelle Orléans et comme cela ne suffit pas au public Matthis Pascaud et Hugh Coltman viennent conclure en duo ce concert par un blues tout en acoustique en devant de scène, Hugh à l’harmonica et Matthis en guitare acoustique : pour un peu on se croirait sur la galerie d’une cabane du bayou savourant un vieux blues pendant que les écrevisses et le gombo se préparent derrière. Délicieuse soirée.