L’invitation du Solar était une évidence, mais le pari pas gagné.
En ce degré zéro de l’hiver et du moral social, de surcroît pendant les vacances, le public serait-il là pour Arnaud Dolmen ? Vous avez joué pile, c’est gagné, face aussi d’ailleurs, car la salle était archi-pleine pour écouter l’un des batteurs et compositeurs les plus remarquables de sa génération. Il est venu en quartet, accompagné du contrebassiste Jérôme Regard, du pianiste Leonardo Montana et du saxophoniste Francesco Geminiani pour interpréter quelques-uns des titres de ses deux opus, « Tonbé Levé » (paru en 2017) et « Adjusting », qui lui a valu une « Révélation » aux Victoires du jazz 2022. On pourrait accumuler les superlatifs et les classements au top en ce qui le concerne.
On pourrait parler de son parcours exigeant qui l’a mené de l’école de musique de Georges Troupé en Guadeloupe aux vastes plateaux jazz de la planète, scènes petites ou grandes, conquises, toujours.
On s’en tiendra à la soirée où Solar a rimé avec rare. Peu d’espace entre les musiciens, peu de mots entre les morceaux, une pleine complicité. Les titres se sont succédés, on citera Grajntoumblak, SQN (Sine Qua Non), Cavernet (un mot-valise entre la caverne de Platon et Internet), The Gap ou Ka Sa Té Ké Bay (Qu’est-ce que ça aurait donné), tous révèlent un même univers. Un multivers plutôt, en mouvement, en échos, alliances et quêtes existentielles. On s’y sent bien, les musiciens n’ont pas l’air mal, le sourire d’Arnaud Dolmen, omniprésent, y est sans doute pour quelque chose. Selon les titres, des failles s’ouvrent dans l’espace musical, le sax ténor y prolonge son souffle. Parfois, les notes cheminent, seules, au fil de crêtes pianistiques, les voilà de nouveau unies en un refuge-unisson. Dans cette formation, la géométrie, carrée, va de pair avec une subtilité délicate et bienveillante, fruit d’une union féconde entre le jazz et l’humanité de la musique gwoka. Parfois, la grosse caisse est maîtresse du jeu, les baguettes se font amantes, la batterie semble être deux. De cette mécanique horlogère, naît un temps différent, ouaté par les ombres adoucies de la contrebasse, tenté par de légers débordements free, parcouru par de chaleureuses ondes. Arnaud Dolmen était « heureux d’être ici », ça ne trompe pas. Depuis SQN, il a aussi réfléchi. Le titre, enregistré pendant la période covid, a été l’occasion pour lui de se poser la question «C’est quoi, l’essentiel? ». Un élément de réponse était peut-être donné le 11 février au Solar…