(69) RhôneMarché Gare

10/03/2023 – The Very Big Experimental Toubifri Orchestra au Marché Gare

Lorsque l’on arrive dans le quartier de Confluence, encore en construction et en transformation, par un vendredi soir pluvieux l’ambiance semble bien triste. Même si l’on est conscient que cette pluie est bienvenue et qu’il faudrait qu’elle dure encore. Par contre, en approchant du Marché Gare on découvre une affiche colorée du Very Big Experimental Toubifri Orchestra, le VBETO ou le Toubifri pour les intimes et pour faire plus pratique, qui annonce « Fanfare Foutraque », on est enjoué.

Car j’ai deux certitudes en me rendant à ce concert. La première est que je connais déjà ce groupe. Et pour cause, votre serviteur l’a chroniqué plusieurs fois et vu encore plus de fois. La deuxième est que je ne connais pas cette salle. Elle existe depuis plusieurs années mais vient de rouvrir en septembre dernier. Tout est refait à neuf et c’est très agréable. La salle de concert offre une acoustique de qualité et c’est le principal avec la richesse et la variété de sonorités que nous découvrons ce soir. Mais cette grande salle est bien petite ce soir pour accueillir le public venu nombreux de 7 à 77 ans pour écouter nos trublions du jazz lyonnais. En effet, on découvre de jeunes têtes blondes au premier rang jusqu’à des têtes argentées disséminées dans l’assistance.

En tout cas le public de ce soir est acquis à la cause du Toubifri et conquis par l’esprit foutraque de cette fanfare. C’est avec un démarrage en trombe que l’orchestre démarre ce soir. La rythmique s’installe sur scène pour nous donner du gros son ; deux batteries, guitare, basse, clavier, métallophone…. Puis les cuivres déboulent dans le public pour monter à leur tour sur scène ; saxophones, clarinette, flûtes, trombones, trompettes, bugle…On se sent happé par le souffle toujours aussi magique, dynamique et entrainant des musiciens du Toubifri. Ils sont déguisés comme d’habitude, ce qui est leur marque d’appartenance et la tourne en autodérision lors d’un intermède de présentation des musiciens. Nous avions déjà évoqué une possible filiation avec le Funkadelic ou le Parliament de George Clinton ou encore les Mothers of Invention de Franck Zappa. Lorsque les deux batteurs se lancent dans une joute musicale qui tourne à une bataille d’objets sonores tout aussi loufoques les uns que les autres on ne peut que penser aux bruitages de Bernard Lubat dans son Scatrap Jazzcogne. Mais ne nous y trompons pas, pour réaliser ce genre d’exercices il faut de la maîtrise. C’est pour cela que l’on peut affirmer qu’ils jouent sérieusement sans se prendre au sérieux. C’est une belle philosophie, si tout le monde pouvait faire cela dans sa vie et son travail…Car derrière cette apparence décontractée, bon enfant, pince sans rire, il y a énormément de travail. Les arrangements sont fins et les sonorités sont riches et variées. La cohésion est parfaite entre les instrumentistes et les espaces de liberté sont nombreux pour les solistes afin qu’ils expriment leur délicatesse et leur sensibilité.

Nous retrouvons la mise en scène habituelle du groupe et de nombreux morceaux du dernier album Dieu Poulet, avec le titre éponyme, mais aussi, Sexe !, Le Costume ou Range ta chambre. Nous avons aussi droit au single Ciao Capitano, interprété par Captain Saxo dans le public et repris par le groupe en italien. Bien sûr, il y a de nombreux intermèdes qui ponctuent la prestation et ajoutent autant d’humour, de dérision et d’autodérision. Nous assistons notamment à l’interprétation d’un titre avec des percussions vocales et des percussions effectuées par les musiciens en se frappant sur le corps, à la façon du human beatboxing (« boîte à rythmes humaine » en anglais). Cet exercice qui rappelle les racines du blues et les work-song est également très maîtrisé. Mais nos gentils agitateurs ne s’arrêtent pas là et sont toujours aussi créatifs. En effet, ils nous présentent de nouveaux titres. Nous avons pu apprécier Grande Main, avec une belle intro à la flûte traversière et un chant en anglais de la flutiste sur une rythmique envoutante de la basse, la batterie et de l’accordéon. Ainsi que Joggers in this Town avec un solo au saxophone alto magnifique et délicat. Le musicien nous confie après le concert qu’il vient en complément de la formation initiale que c’est toujours un plaisir pour lui de collaborer avec le groupe. En maître de cérémonie, « le Captain », lance que le groupe prépare une comédie musicale. Dans l’ambiance festive et l’autodérision, on ne sait pas à quoi s’en tenir et si cela est du lard ou du cochon. Benjamin Nid, saxophoniste du groupe, nous confirme après le concert que le projet est bien en cours.

Dans ce nouveau concert du Toubifri, on remarque qu’il y a plus de chant et plus de voix pour les accompagnements ce qui donne une nouvelle dimension musicale agréable. Il y a également de nombreux passages doux et délicats qui viennent temporiser les moments énergiques habituels. Le Toubifri ne reste pas moins en communion avec son public à chaque instant et du début à la fin du concert. Comme le premier morceau, les musiciens sont disséminés dans le public pour interpréter le dernier. Et comme pour finir en douceur et rentrer à la maison sereinement, ils jouent Berceuse, un titre aux sonorités orientales avec de nombreuses percussions. Ils terminent avec un chant en canon pour dire au revoir au public, comme ils ont commencé pour dire bonjour. En sortant du Marché Gare, il pleut toujours, mais nous rentrons le cœur léger. On aime cette pluie qui nous fait du bien et, tient, tient, on pense au printemps qui arrive bientôt. Vous n’avez jamais vu le Toubifri sur scène ? Courez les voir ! Vous avez déjà vu le Toubifri sur scène ? Courez les revoir !

Ont collaboré à cette chronique :