Treize instruments sur la scène, et seulement trois musiciens.
L’image est éloquente et le décor campé. Il s’agit de mêler les tessitures des cuivres des multi-instrumentistes Pierre Baldy-Moulinier et Sylvain Félix, de façon étonnante, rythmées par les guitares de Nicolas Frache.
Deux titres empruntés à McCoy Tyner et Lars Danielsson, sinon uniquement des compositions de Pierre Baldy-Moulinier extraites de leur dernier opus Cheval de Troie et de quelques nouveautés pour leur prochain.
Un trio et une musique improbable, une musique de chambre moderniste, atypique et très personnelle, mêlant les influences méditerranéennes et les codes du jazz. Elle nous promène sur un chemin quasi initiatique, tantôt dans une mélancolie joyeuse d’une après-midi de week-end de pluie, tantôt dans un chaos ordonné de sons jubilatoires et parfois volontairement dissonants. Tel le chemin de trois hommes sur le même sentier de Corinthe, mais une personnalité musicale qui leur est propre à chacun.
Des complicités de duos par exemple, trompette et saxophone, non sans rappeler celles de Gerry Mulligan avec Chet Baker ou Paul Desmond dans Line for Lyons. Ils ont l’air de ne pas jouer ensemble, leurs phrasés se lient et se délient dans une inspiration mythologique, dont ils ont d’ailleurs emprunté leur nom Amphitryo(n) le mythe. Cheval de Troie, nom de leur opus, et musique qui s’introduit dans notre imaginaire avec humilité, mais sans ruse. Les ménades nous sourient accompagnant Bacchus dans leurs bacchanales enjouées. Des notes détachées, ponctuations mélodiques et vibrantes, c’est la marche du Minotaure. La note humoristique de L’étalon d’Achille nous entraîne dans une cacophonie hippique pour aboutir à un trot syncopé. Clin d’œil à Schönberg avec les séries de Pythagore, un jeu diabolique de Pierre à la flûte experte sur cette démarche sérielle. Ce sont des miniatures musicales et ésotériques avec des sonorités que l’on entend rarement ensemble, chacun racontant son histoire, comme si l’on butinait volant d’ile en ile dans les cyclades seul héritage de la Tyrrhénide passée. Pour cette randonnée le public est épars, mais connaisseur. On voyage mieux quand on est moins nombreux. En guise de rappel et d’adieu, Les daces, inspiration préambule style Nino Rota, puis roumaine, pour terminer par un Balkan blues, elle illustre bien ce voyage quasi mystique et ancestral.
A découvrir pour les absents.
Line up :
- Pierre Baldy- Moulinier : trompette, trombone, bugle, euphonium, flute à bec
- Sylvain Félix : saxophones soprano, alto, ténor, baryton, clarinette basse
- Nicolas Frache : guitares basse, acoustique, électrique
Voir la chronique de “Cheval de Troie” par Christian Ferreboeuf