Aux yeux du grand public, un quartet composé de quatre saxophones est rare. Certes comparé aux quatuors à cordes, c’est une évidence. Et pourtant, depuis le début du siècle dernier, ils sont légion. Instrument banni des orchestres symphoniques par son apparition tardive, il est celui qui se rapproche le plus de la voix humaine. La caractéristique de MB4 : des multi-instrumentalistes des quatre saxophones présents, soprano, alto, ténor et baryton, sans rôle obligatoirement dévolu. C’est l’instrument de ce soir qui les rapproche, et qui constitue l’âme de cette équipe. Ils aiment à casser les codes, comme dans Segment de Charlie Parker, où jouxtent deux altos et deux barytons. Ils ont un côté joueur, truculences des phrasés dans une organisation musicale très structurée. Peu de place à l’improvisation, tout est millimétré, en tout cas c’est ce que l’on ressent. Quelques reprises, comme Indifférence valse enivrante et chaotique de Tony Murena, mais surtout des compositions de chacun d’eux. Sylvain Félix me confiait que leurs apports respectifs se faisaient dans une coopération collective, où chacun apportait à l’autre.
L’ambiance est bon enfant, et enjouée dans une salle bondée, en forme de chapelle tapissée de vitraux. Les quatre compères vêtus de noir, s’y sentent bien. Leur musique est contemporaine. Les sons s’additionnent, se multiplient pour se démultiplier dans des solos alternant puissance rythmée et mélancolie tonique qui s’écoule en flux ininterrompus. En fait leur musique leur ressemble. Thibaullt Galloy l’expressif, Hugo Afettouche le tempéré, Sylvain Félix le puissant, et Grégory Sallet le fluide. Des caractéristiques qui siéent bien à la qualification de leur musique.
Comme dans les quatuors à voix, ils débutent souvent par un solo “a capella” quelquefois “John Surmanien” et les autres instruments les rejoignent en cœur, ou plus subtil, duo baryton – ténor accompagné des ponctuations acides des soprano et alto. Quelquefois musique paysage, le son continu du ténor tissant la ligne d’horizon, le baryton œuvrant sur la structure des montagnes, le soprano qui ruisselle de notes dans un flux permanent et l’alto qui simule la couleur. Chaque morceau, comme dans Léo s’en va, est un cheminement, une déambulation étonnante faite de poly-rythmes détonants.
Cette soirée très familiale et chaleureuse s’achève sur un rappel en clin d’œil de Je me suis fait tout petit du grand Georges. On attend impatiemment leur premier CD prévu début 2024.