(38) IsèreJazz à Vienne

10/07/2023 – Joe Bonamassa à Jazz à Vienne

La petite histoire raconte qu’à l’âge de douze ans le jeune Joe Bonamassa faisait la première partie de  B.B. King, c’est dire la précocité de ce prodige de la guitare qui s’est toujours nourri de l’influence des plus grands guitars-heroes apparus dans les sixties et des seventies aux premiers rangs desquels Eric Clapton, Rory Gallagher, Jimmy Page…tous autant marqués par le blues que par le rock. C’est donc sous cette étiquette rock-blues que Joe Bonamassa a construit depuis 2000 une impressionnante discographie, une vingtaine d’albums studio et tout autant d’albums live sans compter les collaborations à succès notamment avec la chanteuse Beth Hart. Dans ces lives, nous signalerons particulièrement le récent petit dernier Tales of TimeLive at Reds Rocks Amphithéâtre Colorado capté l’été dernier (août 2022) dans ce théâtre qui a un point commun avec  Vienne: celui d’être taillé dans la roche à flanc de montagne avec la scène tout en bas créant pour les artistes cette sensation d’un mur de gens et une acoustique recherchée. La différence essentielle avec Vienne étant de ne pas pouvoir bénéficier du qualificatif d’antique, c’est-à-dire que Jules César n’a pas pu y jouer comme le dirait André Manoukian… !

Pour Joe Bonamassa, la similitude entre Red Rocks Colorado et Vienne Isère  se poursuit aussi à travers la composition du backing-band qui l’accompagne, au premier rang duquel le brillant doyen Reese Wynans aux claviers et orgue Hammond B3 qui fut membre de la formation de Stevie Ray Vaughan “Double Trouble” jusqu’à la disparition de celui-ci en 1990. On retrouve à ses côtés, Josh Smith à la guitare, Lemar Carter à la batterie, Calvin Turner à la basse sans oublier les deux choristes parfaitement synchronisées Jade McRae et Danielle De Andrea régulièrement sollicitée et mise en avant.

Vu l’étendue du répertoire enregistré disponible, Joe Bonamassa n’a que l’embarras du choix pour arrêter une setlist, et il le fait n’en doutons pas de façon à mettre en avant les différentes facettes de son savoir-faire entre blues, blues-rock et rock-progressif ainsi que la diversité du matériel technique à sa disposition, notamment en termes de guitares dont on sait que Joe Bonamassa est friand. Pour ce concert, on en dénombrera au moins cinq différentes, à commencer par sa favorite la Gibson ES-335 de couleur Cherry qui apparait sur plusieurs morceaux. On verra aussi une Gibson Les Paul et une Gibson Flying V ; coté Fender ce sera une Stratocaster et une Telécaster.

Le set s’ouvre sur Evil Mama, une composition de Joe Bonamassa (album “Redemption” de 2018) qui sur un tempo blues- rock musclé transpirant à fond le Led Zeppelin de la grande époque. Le ton est donné pour l’arrivée des premiers riffs de Dust Bowl (de l’album du même nom en 2011), composition que l’on apprécie pour ses belles envolées de guitare encadrées par une rythmique imparable.  Premier merci au public avant Love ain’t a love song (de l’album “Different shades of blues” en 2014) veine blues charpenté qui convient bien au jeu de scène de Joe Bonamassa qui cherche la proximité avec le public en alternant séquence sur la droite puis sur la gauche toujours en recherche d’efficacité. Changement de séquence et d’ambiance avec Self-inflicted wounds (encore un titre de l’album “Redemption”) qui se charge de référence à Pink Floyd et à David Gilmour pour prendre des allures de rock progressif avec sa splendide intervention des chœurs dans la conclusion du morceau.

Retour vers le blues avec I want to shout  about it , une composition du bluesman Coco Montoya, ici dans une version torride avec chœurs punchy , solo de guitare appuyé et majestueux chorus d’ orgue Hammond B3 . On s’enfonce encore plus dans le blues avec la reprise du classique d’Otis Rush Double Trouble sur un tempo lent qui a déjà inspiré Eric Clapton et Stevie Ray Vaughan. Il ne manque rien à la version très étirée de Joe Bonamassa avec un solo de guitare très fluide et émouvant. Le grand moment blues du concert !

En hommage au blues anglais, le concert continue avec I didn’t think she would do it où explose une nouvelle fois, sur son Hammond B3, Reese Wymans que le public ne manque pas d’ovationner lors de la présentation des musiciens. On rentre dans la phase finale du concert avec The heart that never waits (titre de 2021 sur l’album “Time Clocks”) où Joe Bonamassa se complaît dans les effets électroniques très rock progressif. Le morceau final sera une reprise bien charpentée et étirée de ZZ Top Just Got Paid à la Gibson Flying V pour un dernier chorus flamboyant qui met tout le monde d’accord pour reconnaître que Joe Bonamassa a tout à fait sa place dans le Panthéon des guitaristes vivants à l’égal d Eric Clapton ou de Jimmy Page après la disparition de Jeff Beck. La relève est assurée.

Nous gardions un souvenir mitigé du précèdent concert de Joe Bonamassa à Jazz à Vienne où il nous était apparu froid et distant (peut être la météo peu favorable ?) mais aucune réserve cette fois où, en quatre vingt dix minutes, il a donné un set brillant de bout en bout avec un plaisir évident de jouer dans ce lieu !

Ont collaboré à cette chronique :