(38) IsèreJazz à Vienne

12/07/2023 – Pat Metheny à Jazz à Vienne

Voilà onze ans que le Maestro de la guitare n’était pas venu à Jazz à Vienne. Sa tournée et son concert estival sont donc un événement, parmi ceux qu’il ne faut pas louper cette année, et le concert de Vienne va nous le démontrer. Avec son dernier projet Side-Eye, Pat Metheny est bien un artiste en perpétuelle créativité et remise en question.

C’est seul, à la guitare Pikasso de quarante deux cordes conçue par Linda Manzer, que le musicien démarre son concert [NdlR : nous ne serons autorisés à photographier que le troisième morceau…. et donc pas ce moment]. Il capte immédiatement l’attention du public attentif qui est quasi religieuse, en interprétant un morceau mélangeant les sonorités blues, folks et indiennes. Toujours aussi cool que sa musique. Sa marinière légendaire fait place à un sweet-shirt et un short. La tignasse, maintenant argentée, est toujours là ainsi que son sourire qui nous dit qu’il a plaisir à jouer pour nous.

Dès le deuxième titre ses accompagnateurs entrent en scène. Joe Dyson à la batterie et Chris Fishman au piano, claviers et orgue. Les deux jeunes musiciens vont le seconder de main de maître sur un répertoire représentatif de toute sa carrière. Et le parcours musical du guitariste est long et varié. Une quarantaine d’années qu’il a passées à voyager d’un jazz pop-rock très facile d’accès pour le grand public avec son Pat Metheny Group aux expérimentations les plus pointues, avec la participation d’Ornette Coleman pour l’album de free jazz Song X. Ou encore les nombreuses collaborations comme : Jaco Pastorius et Bob Moses des débuts, David Bowie pour la pop, Michael Brecker, John Zorn, Abbey Lincoln et Meshell Ndegeocello pour le jazz, Charlie Haden avec Beyond the Missouri Sky pour un jazz tinté de blues et de folk et Steve Reich pour la musique minimaliste.

Les deux accompagnateurs sont, tout au long du set, à la hauteur du jeu caractéristique de Pat Metheny qui fait planer ses cordes dans les aigus. Sur une première partie du concert Joe Dyson fait danser délicatement ses cymbales et son charleston pour soutenir la légèreté des cordes. Puis petit à petit il se servira de la caisse claire, avec et sans bords de caisse, pour appuyer sa rythmique. Chris Fishman jongle avec les touches de ses claviers. Depuis son tabouret il se tournera vers le clavier électrique sur les titres plutôt pop, puis sur l’orgue Hammond pour colorer de nappes sonores soul d’autres morceaux, et enfin au piano à queue pour dialoguer avec la guitare acoustique. Le leader va varier les plaisirs avec diverses sonorités, de la guitare électrique pour sonner plus rock, à la guitare avec des effets de synthétiseur pour ajouter un effet planant, en passant par la guitare acoustique pour interpréter un jazz mêlé de blues et de folk.

Cette variété de jeux et de sons va nous permettre d’apprécier l’étendue du répertoire de Pat Metheny. Plusieurs morceaux sont dans l’ambiance du Pat Metheny Group et du live Travels. La guitare synthé et les claviers sont particulièrement présents sur ce style. Le public réagi favorablement en reconnaissant Phase Dance. La version épurée et plus acoustique que l’originale et que celle du live tranche et ajoute de l’émotion. Le public conquis montre sa satisfaction par une écoute respectueuse. C’est avec un jazz acoustique plus blues et folk, dans l’esprit de Beyond the Missouri Sky, que le guitariste nous fait voyager sous l’immensité du ciel de sa région natale. Le jeu de ses doigts qui courent sur les cordes est émouvant, comme s’il s’agissait d’une soirée à la veillée. Parfois jouées sans médiator, nous avons l’impression que le pincement des cordes se rapproche du jeu caractéristique du picking de certains blues et de la musique country. La légèreté des touches du piano acoustique et des cymbales sont suffisamment délicates sur ces morceaux. Un solo rock de guitare électrique va pousser la batterie dans un duo qui va amener à un dialogue qui finit dans l’esprit du free jazz. Sans doute un clin d’œil à Song X, l’album avec Ornette Coleman, qui est beaucoup moins accessible. Ceci rappelle le souvenir d’un précédent passage à Jazz à Vienne, au siècle dernier, de l’instrumentiste qui brouille les pistes sans concessions. Nous étions à l’époque de Travels et Song X. Un large public, très certainement au-delà du jazz, était attiré par l’écoute du répertoire grand public, alors que l’artiste avait décidé de jouer le moins accessible. Votre serviteur, qui humblement n’a pas tout compris de ce qui se jouait ce soir-là, était surpris du défilé de spectateurs qui capitulaient en descendant des gradins du théâtre antique. Le véritable artiste est souvent là où l’on ne l’attend pas.

C’est au milieu du set que nous avons été nombreux à chercher d’où venaient de jolis sons de métal, de bois et de tambours. Pas de nouveaux instruments pourtant. Ce sont les lumières et les prises de vues qui nous font découvrir l’Orchestrion en fond de scène. Cette machine ne produit pas de sons électroniques ni de sons artificiels. Les sonorités complémentaires sont guidées par le jeu de la guitare. Cet instrument provient d’une création de l’album éponyme, une autre expérimentation du musicien. Il enrichit très agréablement le phrasé sonore du trio.

En guise de rappel et de final, Pat Metheny revient en terrain connu pour tous et nous offre au synthétiseur de guitare Are you going with me ? Un titre emblématique du Pat Metheny Group. Le jeu des claviers rappelle une fois de plus la mémoire du regretté claviériste Lyle Mays, compositeur de ce morceau avec le guitariste et compagnon de route musical depuis les débuts de cette formation. Le maître nous laisse à bon port, à la fin de ce voyage musical qui nous a porté sur les rives de l’émotion. Sa dextérité qui semble se bonifier d’année en année permet de dire à ses fans de longue date dans le théâtre antique qu’il s’agit ce soir, de son meilleur concert à Vienne !

 

Line up :

  • Pat Metheny : guitares, Orchestrion.
  • Chris Fishman : piano, claviers et orgue.
  • Joe Dyson : batterie.

 

Ont collaboré à cette chronique :