Nous voici au deuxième set de cette All night jazz, après les lauréats du concours ReZZo, et nous ne sommes qu’au début de la nuit car il fait encore bien jour. Cette prestation qui voit arriver le crépuscule est aussi celle de nouveaux artistes primés. Et ce n’est pas rien pour Samara Joy qui est considérée comme la nouvelle révélation du jazz vocal avec deux Grammy Awards.
Sur une introduction très classique, le trio de rythmiciens, composé de Luther Allison au piano, Mikey Migliore à la contrebasse et Evan Sherman à la batterie, donne le ton d’un jazz traditionnel de haut niveau. La voix avec un timbre chaleureux n’a plus qu’à se poser sur ce tapis de notes. La chanteuse monte dans les aigus et accompagne sa voix d’une gestuelle très professionnelle qui facilite la communication avec le public. Sans lien avec le style vocal, on pense au rythme et à l’allure affirmé de Dinah Washington. Pour le style vocal, on retrouve des intonations du vibrato classique de Nina Simone.
Avec des introductions a cappella, en passant par un chant rapide et des scats maîtrisés, le travail de la voix est déjà très abouti. Le jeu percussif du pianiste accompagne, comme une ponctuation, la voix. Celui de la contrebasse enveloppe la voix dans sa mélodie, tandis que le jeu aérien sur les cymbales la porte.
La chanteuse fait appel à un répertoire très classique qui n’apporte pas beaucoup de nouveauté mais qui a l’avantage de prouver qu’elle sait se mettre en danger sur de nombreux standards. Elle convoque pour cela ses grands aînés, de Betty Carter avec Tight, à Charlie Mingus avec Reincarnation Of A Love Bird, en passant par Fats Navarro avec Nostalgia ou Thelonious Monk pour Worry Later. Sa gestuelle, qui accompagne sa communication vocale, contribue à raconter une histoire. Chaque chanson est vécue et interprétée avec sincérité et authenticité. La vocaliste promènera également la tessiture de sa voix sur Chega de saudade, qui donne un son rond et chaleureux au standard brésilien. Elle termine avec le titre éponyme de son deuxième album Linger Awhile. Face au succès et à l’amour que le public fait au groupe, la jeune chanteuse propose de partager cet amour avec en rappel I’m So In Love With You de Duke Ellington et Irving Mills.
Si la prestation de cette jeune chanteuse de Philadelphie n’est pas révolutionnaire, elle maîtrise tous les codes de la tradition du jazz et fait honneur à toutes celles qui l’ont inspiré, Sarah Vaughan, Ella Fitzgerald, Carmen McRae, Billie Holiday… D’ailleurs, les révolutions et les remises en causes sont-elles souvent un succès ? Ne boudons pas notre plaisir, les grandes chanteuses ne sont plus là depuis longtemps, alors revivre ce classicisme devient rare. D’autant plus qu’il y a encore un public pour cette musique, le succès que lui fait celui de Jazz à Vienne ce soir en atteste. Voici une All night qui démarre très jazz !
Line-up :
- Samara Joy : voix.
- Luther Allison : piano.
- Mikey Migliore : contrebasse.
- Evan Sherman : batterie.
