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20/07/2023 – Immanuel Wilkins Quartet au Crescent Festival

Parmi nos rendez-vous de l’été attendus, il y a le Crescent septet des intervenants des stages du Crescent Jazz Festival. A Macon sur l’esplanade Lamartine en bord de Saône, ces pédagogues montrent la voix à leurs stagiaires. Quel que soit le répertoire interprété, c’est toujours un plaisir. Et ce sont eux qui annoncent le deuxième set. Ils nous invitent et nous encouragent vivement à assister à la prestation du Immanuel Wilkins Quartet. Nous sommes restés et nous avons bien fait !

Chaque année, le Crescent Jazz Festival nous propose un groupe ou un musicien américain. Il ne déroge pas à cette habitude avec le jeune saxophoniste émergeant Immanuel Wilkins. Le premier titre est démarré par une douce introduction au piano de Micah Thomas. On observe une écoute recueillie de ses camarades. Le leader au saxophone alto peut venir poser le son rond et franc de son instrument sur cette mélodie. Matt Brewer* qui remplace Rick Rosato à la contrebasse les rejoint avec un jeu de pizzicato qui fait claquer et slapper les cordes sur le manche de son instrument. Kweku Sumbry à la caisse claire et aux cymbales ponctue énergiquement le jeu de ses partenaires. L’engagement, l’énergie et la complicité seront les qualités du quartet tout au long du concert. Durant ce premier titre d’environ vingt minutes, le pianiste monte en intensité avec des notes plaquées sur les touches. Ses changements de rythmes surprennent le public. Le leader prend des longs chorus à la manière d’un John Coltrane., puis laisse le trio s’exprimer.

Le second morceau durera près de trente minutes, avec un break pour à nouveau un quart d’heure. Nous sommes happés par le discours et l’intensité du quartet, jamais ennuyés. L’introduction est cette fois exécutée par la contrebasse. Le musicien jouera également un solo très énergique. Comme les autres musiciens il n’est pas dans un accompagnement classique, chacun s’exprime comme un soliste. Le saxophoniste vient ajouter de longs solos à nouveau, parfois énergiques, parfois lyriques. Le leader se met à nouveau en retrait pour laisser l’espace au trio. Souvent emmené par le pianiste qui lance ses collègues dans un groove lyrique. Le batteur tient un rythme intense et puissant, il ne nous lâche pas. C’est une présence et un soutien de tous les instants. Sur cette énergie post-bop, le saxophoniste va se lancer dans une improvisation digne de John Coltrane. On retrouve l’esprit du grand saxophoniste, ce n’est pas du free jazz mais nous en sommes tout près ! Le niveau de jeu, la maîtrise et l’énergie des musiciens rappellent le quartet historique du saxophoniste originaire de Caroline du Nord.

Pour calmer les esprits, le leader propose une ballade en duo avec le pianiste. C’est un final dans la douceur et la délicatesse. Les notes rondes de l’anche du souffleur caressent les notes plaquées des touches noires et blanches.

C’est abasourdi par ce set magnifiquement maîtrisé que nous terminons. Presque ! Car devant l’insistance et l’engouement de l’audience, la générosité des musiciens nous propose un dernier titre. C’est l’apothéose, pour nous mettre KO, les jeunes virtuoses repartent sur un thème énergique pour lequel ils déploient toute la puissance de leur jeu. L’esplanade Lamartine déchaînée termine en standing ovation.

C’est bien avec les musiciens américains que l’on peut revenir à la source d’un tel jazz. N’en déplaisent aux fans du jazz français qui prônent une musique recherchée et intellectuelle. Même s’il y a d’excellents musiciens de jazz français, ce sont bien les américains qui savent revenir à ces fondamentaux et surtout à cette authenticité.

 

  • Immanuel Wilkins: saxophone alto
  • Micah Thomas: piano
  • Matt Brewer: contrebasse
  • Kweku Sumbry: batterie

* : vu  aux côtés de Tigran Hamasyan, Dhafer Youssef ou encore Aaron Parks. 

Ont collaboré à cette chronique :