(73) SavoieBatÔjazz

25/08/2023 – Coccolite au château de Pomboz pour BatÔjazz

“Seriez vous présents en ce monde, si vos parents
un soir d’allégresse n’avaient commis quelque folie ?”

 

Le cadre était beau, somptueux même. Avec sa verdure à perte de vue, sa forêt dense, et la danse des remparts autour du château de Pomboz à Saint-Pierre-de-Curtille, ce vendredi 25 août, pour accueillir la neuvième édition du festival BatÔjazz.

Ce soir là, un premier groupe (trio décapant  de musiciens qui se fréquentent depuis quinze ans: Nicolas Derant: synthétiseurs ; Timothée Robert: basse (rose mais non genrée) et machines ; Julien Sérié: batterie et machines) était programmé et le temps menaçait: Coccolite*.

Ce groupe est tempétueux: du jazz rock progressif, aux très nombreuses influences. Il est pulsionnel, car il aime jouer avec les machines, les sons; les bruits, les marquages répétitifs selon des décalages subtils et polyrythmiques, produisant des effets de transes intergalactiques. Timothée, dit “Léo” joue du basset de la main gauche pendant que la droite programme des étrangetés sonores (des “inanités sonores” aurait dit Mallarmé) très “space”. Julien propose des enchaînements harmoniques bizarroïdes comme j’aime (Sol m suivi d’un mi mineur, selon une balançoire vertigineuse). Et Julien cogne et raffine avec un art consommé. Des musiciens talentueux et furieux. Alors ce qui devait arriver arriva, selon la prophétie auto- réalisatrice de “la fin du monde” (derniers enregistrements de Coccolite).

Ais-je cauchemardé ? Certains le tiendront pour assuré ! A force de provoquer les oreilles, le ciel et le courroux de Dame Nature, le vent s’est levé, a forci puis s’est fait tempête. Accompagné de pluies heureusement rendues inoffensives par le chapiteau de toile écrue, solidement arrimé (amarré) dans le sol par les mats de bois dont on fait les voiliers, il a progressé en bourrasques secouant ladite toile que les bénévoles de l’équipe de BatÔJazz avaient tendue. Alors, c’est grâce à la générosité de l’équipe, qu’une frénésie de dévouement s’est déployée, permettant à quelques uns de s’accrocher au pied de projecteurs, à d’autres de courir chercher une serviette éponge pour protéger les instruments ou de brandir quelques parapluies sur les spots, les instruments ou musiciens. Le public est aux anges et au spectacle. Il en prend plein les oreilles (des décibels, des hurlements de vent, plein les yeux…mais on m’assure que des hordes de chaises pliables volantes, poursuivies de sandwichs affamés et de canettes insolentes, ne sont que des fantasmes rapidement effacés par le retour au calme…)

En effet, Descente d’acide, le thème que les musiciens jouèrent alors, pour narrer une expérience désagréable ou pour calmer les Dieux, permit l’apaisement des Cieux, l’assagissement du ciel et un répit de la pluie. La soirée se poursuivi dans le calme et l’allégresse. Nous retiendrons que ce groupe est très novateur, bien calé, ses chorus sont vertigineux. Et son humour sans calcul m’a autorisé à pratiquer le délire contrôlé dans ma chronique, à l’image de leur musique. Nous avons vraiment apprécié cette soirée!

 

*Coccolite ; ce nom est selon la légende, un performatif polysémique c’est à dire aussi bien, et à peine déguisé, la pierre (lythos) de Cocco – ou coca, que la sucrerie consolante (chococolatée), que la rupture et discontinuité dans la construction de la phrase ou le discours en général, musical en particulier (la fameuse “anacoluthe”), bref, une propension pour le plaisir que l’on ingère, et ce, dans un certain désordre.

 

Merci à Matthieu Scheidecker pour ses photos.

Ont collaboré à cette chronique :