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Entretien avec Josselin Perrier

Il est natif de la cité drômoise de Romans-sur-Isère. Malgré des débuts tardifs, il a su mettre les bouchées doubles pour se faire un nom dans le monde des batteurs français. Il engrange aujourd’hui les beaux projets…

Josselin Perrier

Batteur au grand cœur, sans frontières…

Michel Martelli : Josselin, curieusement, tu ne tombes pas dans la marmite musique très jeune ?

Josselin Perrier : Non, c’est vrai. Et, en plus, je ne peux même pas dire que j’avais un environnement familial propice à ce style d’activité, parce que je crois que je suis le premier musicien de la famille – à avoir été si loin, s’entend. Personne, chez moi, n’a joué d’un quelconque instrument de façon sérieuse. Et lorsque je te dis que j’ai débuté tard, c’est la vérité. Lorsque j’avais onze ou douze ans, j’ai « tapoté » sur un piano électrique, mais sans grand enthousiasme et surtout sans suite. Le « vrai » déclic, il va se produire alors que j’ai seize ans, et que je me retrouve dans un grenier chez un de mes amis, face à une batterie, qu’il n’utilisait plus vraiment. Je me suis assis derrière, je l’ai essayée… et là, quelque chose s’est produit, sans avoir besoin d’y réfléchir trop… Je me suis dit : « c’est là qu’il faut aller… »

Mais, bien évidemment, tout l’apprentissage restait à faire. Comme l’idée était bien lancée, je décide de prendre des cours de batterie, pas loin de Romans, à Bourg-de-Péage, dans une structure qui s’appelait le C.F.M. (Centre de Formation Musicale) où je vais rester deux ans, sous la houlette de Joël Condamine. Pendant mes années de Première et de Terminale, en fait. Je te dis ça rapidement, parce qu’en fait, après mon Bac, je vais arrêter mes études pour me consacrer pleinement à mon instrument… c’est à dire huit heures par jour minimum. Le Bac en poche, je savais que je ferais de la musique mon métier.

M.M. : Où vas-tu continuer ?

J.P. : En 2004, je vais aller m’inscrire à « Jazz Action Valence », tout simplement parce qu’ils proposaient des cursus professionnalisants… Mes professeurs s’appelaient Philippe Delunel, Andy Barron, Jacques Bonnardel ou Emmanuel Scarpa… quatre professeurs qui, chacun dans leur style, m’ont énormément apporté. Là, je vais suivre mes deux années de cursus normales, et puis enchaîner une année supplémentaire de cursus professionnel. Donc, jusqu’en 2007. Et puis ensuite, ce sera le Conservatoire de Valence, où je vais attaquer en troisième cycle jazz, dans la classe dirigée par Patrice Foudon – là également un super professeur.

Tu vois, là, l’apprentissage du jazz était vraiment plus sérieux, avec la découverte de ses codes. La découverte aussi des sessions, et des rencontres qui vont avec. Dans cette période, je vais croiser le guitariste Grégory Aubert, avec qui je joue toujours, la chanteuse (et violoncelliste) Anne Sila. Le contact va être super d’entrée et nous allons décider de monter un petit groupe « Yakamoz », qui sera, en fait, un quintet puisqu’y viendront Gauvain Gamon – à la contrebasse – et Linda Gallix au piano, Linda qui est l’épouse de François, que tu as déjà présenté… Avec ce quintet, on a tourné pratiquement deux ans, nous avons participé au concours organisé par le Crest Jazz Vocal – nous avons terminé troisième – et ça a été une très belle expérience. Les débuts dans l’écriture, aussi.

Et avec la présence de Linda, je vais rencontrer François – qui est contrebassiste, mais est-ce utile de préciser ça ? – et là encore, ça va être une rencontre très importante pour moi. Humainement comme musicalement. Nous allons former le « François Gallix Trio », et nous allons engranger des tas de dates, notamment dans ce lieu merveilleux qui est « Les Chopes du Moulin », cette brasserie de Lamastre que nous avons occupée tous les mardis à une période… François, « sur le terrain » a été aussi un excellent professeur, une belle continuité par rapport à tout ce que j’avais pu emmagasiner au Conservatoire…

M.M. : Et puis ensuite… bye bye la Drôme, et l’Ardèche…

J.P. : Eh oui…. en 2011, je vais mettre le cap sur Lyon. Parce que j’avais envie de « ressentir » la grande ville, parce que je voulais grandir encore musicalement, et puis j’avais envie d’aborder cette scène qui propose une variété extraordinaire de courants musicaux, dans diverses « chapelles ». Je t’ai cité Gauvain, tout à l’heure… Gauvain était, est, un Lyonnais pur jus. Et c’est lui qui va m’accueillir dans la Capitale des Gaules. Et le premier lieu que je vais découvrir sera « La Clef de Voûte », place Chardonnet, à Lyon.

Très vite, avec Gauvain, nous allons former le « Look Over Quartet » et réunir pour cela Lou Lecaudey (au trombone) et Mathieu Guerret, au sax ténor. Ici, on était sur des compos personnelles, et sur une musique qu’on qualifiera de « moderne ». Nous avons sorti un album, du reste. Et tous les mardis, nous jouions au « Phoebus » qui était un lieu sympa. En plus des jams et des concerts que l’on pouvait donner à « La Clef de Voûte »…

C’est dans cette période aussi que je vais rencontrer le contrebassiste Thomas Belin. Avec lui, et Mathieu Guerret, nous partirons pendant trois mois – le temps d’un visa touriste – à New-York. Trois mois à écumer les scènes new-yorkaises, où on a peu joué mais beaucoup écouté. Une sorte de « stage de fin d’études » magique.

J’avais auparavant acquis mon statut d’intermittent du spectacle… Ah, oui ! J’allais oublier… c’est aussi dans cette période qu’avec Camille Thouvenot et Yanni Balmelle nous formerons le « Trio D.T » qui fera beaucoup de dates, aussi, sur deux années.

M.M. : Le retour à Lyon t’apporte d’autres projets, j’imagine ?

J.P. : Oui, c’est ça qui est beau… ce sont les rencontres qui s’enchaînent. Notamment celle que je vais avoir avec Olivier Calvet (guitariste), qui va former le « Uptown Quintet », avec Mathieu Guerret, Lucas Verrière au piano, Pierre-Yves (Pierrot) Brondel à la contrebasse.

Dans ce quintet là, on est plus sur une ambiance Grant Green… une ambiance que j’adore.

Il va y avoir aussi le projet « Mates Jazz Trio », avec encore Lucas Verrière au piano, et John Zidi à la contrebasse. Avec ce trio, on jouait les mardis et les mercredis au  « Baryton ».

Dans un autre style, le sextet (à ce moment-là – aujourd’hui on parle du Djoukil Swingtet) « Djoukil », qui réunissait Paco Medina à la guitare, Camille Thouvenot au piano, Pierrot Brondel à la contrebasse, Thibault Galloy au saxo, Anthony Bonnière au trombone… et moi. Avec cette équipe, nous avons joué quatre ou cinq ans ensemble, on était sur du « vieux swing » là, la « musique du Duke »… et on a quand même fait une tournée de quinze jours aux States.

Pendant l’année 2015, je vais m’essayer à un autre exercice. A la demande de Stéphane Vincenza, je vais assurer la programmation – pendant l’année complète – de « La Clef de Voûte ». une très belle expérience, mais très « usante » aussi, que je n’ai pas souhaité prolonger car je voulais toujours aussi pouvoir intervenir en tant que musicien dans ce lieu.

Toujours en 2015, ma route va croiser celle de Fermin Munoz, le saxophoniste argentin, et nous allons nous produire ensemble dans un quintet guitare/sax, avec, autour de nous, Grégory Aubert, donc à la guitare, Pierre-Antoine Chaffangeon au piano et Pierre-Yves Brondel à la contrebasse.

Et puis, un peu avant ça, je voulais te citer aussi une expérience particulière, que j’ai vécue sur les années 2013-2014, dans un groupe « doo-wap » ! Une expérience bien différente musicalement, que j’ai partagée avec Marion Amirault et Agnès Fournière, au chant, Yann Phayphet à la contrebasse, Lucas Verrière au piano, Clément Vigné à la guitare et Sylvain Félix, au chant, et au sax baryton..

2014 sera aussi l’année de ma rencontre avec Vincent Périer, autre rencontre déterminante, musicalement, pour moi.

M.M. : Un « grand frère » musical ?

J.P. : Oui, Vincent, c’est tout à fait ça. C’est un musicien pour lequel j’ai une grande admiration. Nous nous sommes rencontrés parce que j’avais assuré un remplacement, un soir, dans une prestation de son quartet.

Avec Vincent, nous allons nous retrouver sur un projet très « branché » La Nouvelle-Orléans, ce côté « vieux son » et là, je travaille beaucoup la batterie « old style ». Le sextet s’appelle « Holy Bounce Orchestra », et donc, tu peux y trouver Vincent Périer, à la clarinette et au sax ténor, Thibault Galloy au sax alto, Anthony Bonnière au trombone, Pierrot Brondel à la contrebasse et à la direction et Camille Thouvenot au piano. Dans ce sextet, c’est du son « Benny Goodman », ou « Artie Shaw ». Swing des années quarante, quoi.

Avec Thomas Le Roux, un jeune trompettiste de talent, je joue actuellement dans le « Stomp Factory », de la pure musique La Nouvelle-Orléans, en compagnie de Boris Pokora à la clarinette, Raphaël Martin au soubassophone, Grégory Aubert au banjo et Anthony Bonnière au trombone…

2018 sera l’année de ma rencontre, aussi, avec le pianiste (et chanteur) Tony Kazima. Tony, c’est une énergie incroyable sur scène, et une collaboration qui dure, partie d’un simple remplacement. Dans ce trio-là, nous jouons avec le contrebassiste Xavier Nikçi, un musicien d’exception qui a joué avec les plus grands noms du jazz manouche – dont Bireli Lagrene – et qui m’a fait découvrir une technique de jeu que je ne connaissais pas.

En contrebassiste, tu vois que je fréquente du « beau monde ». Pierrot Brondel, avec qui je joue souvent, est aussi d’une très grosse culture musicale.

Et puis, je terminerai par l’association que j’ai pu réaliser avec le saxophoniste cubano-mexicain Gerry Lopez – qui est installé en Suisse Allemande, et avec qui j’ai tourné en Suisse. On a tissé des liens d’amitié extraordinaire, et c’est encore une belle rencontre pour moi, même si nous ne tournons plus ensemble aujourd’hui.

M.M. : Comment occupes-tu ton confinement ?

J.P. : Oh, j’ai plein de projets en ébullition dans la tête, dont un en particulier auquel je veux véritablement m’attabler… Mais, c’est encore en construction dans ma tête, et, pour l’instant, je ne veux pas t’en dire plus. Mais, promis, on en parlera un jour ensemble…

Propos recueillis le samedi 30 mai 2020

Belle rencontre, encore, avec toi, Josselin… une rencontre dont les bases avaient été jetées dans la cité du nougat, à Montélimar…

Très heureux d’avoir un Drômois pur jus en entretien. C’est pas si souvent…

Belle continuation à toi, sur une route que tu as su te forger avec des matériaux solides…

Ont collaboré à cette chronique :