Interviews

Entretien avec Lou Rivaille

Elle est originaire de Bayeux, dans le Calvados. La réduire à sa participation à « La Nouvelle Star » serait une erreur grossière, car elle bâtit une carrière solide, grâce à son talent. Qu’elle exprime avant tout avec sa voix…

 

Lou Rivaille

 

Elle donne tout pour la musique…

 

 

Michel Martelli : Lou, tes premiers pas montrent un vrai déterminisme…

Lou Rivaille : Peut-être… pourtant, je ne suis pas issue d’une famille de musiciens. Si, une « patte artistique » m’a été donnée par mon grand-père maternel, qui était pianiste amateur et avait une excellente oreille. Ma mère n’a pas reçu d’éducation musicale particulière, mais depuis bien 10 ans maintenant elle chante dans plusieurs ensembles polyphoniques… Elle est aussi présidente d’une association de musique, Sin’Opéra, dans le Morbihan. Ma sœur Margot est pianiste de jazz. Elle a suivi la formation intensive, sur deux ans, de « Jazz à Tours » avec Guillaume de Chassy.

En ce qui me concerne, mais on reviendra sur mes débuts si tu veux, c’est après ma classe de Terminale que je me suis demandée quel sens j’allais donner à mes études et surtout, quelle serait la place de la musique dans tout ça… C’est pour ça que je vais opter pour Chambéry, et le DUT « GACO Musique » – qui veut dire Gestion Administrative et Commerciale avec Option Musique. Études traditionnelles le matin, Conservatoire l’après-midi, tu as compris… J’aurais mon DUT, qui va me permettre d’accéder à des stages en gestion culturelle, comme assistante de chargé de production. Je vais ainsi bosser dans les Côtes d’Armor pour une compagnie de cirque, ainsi que pour le Festival Polyfollia de Saint-Lô, dans la Manche. Deux expériences uniques, très enrichissantes, pour lesquelles je me suis vraiment régalée. Et qui m’auront aussi permis de « mettre les mains dans le cambouis ».

 

M.M. : Revenons à tes débuts musicaux… à quel âge tombes-tu dans la musique ?

L.R. : Vers l’âge de huit/neuf ans. Et cela va se passer au « Manoir de Trussac » à Vannes, dans le Morbihan. Les débuts, ce sera une année de solfège avec Sébastien Ducher et l’apprentissage de la flûte traversière… Après cette première année, je devais faire un choix. La flûte m’avait intéressée mais je ne faisais qu’un quart d’heure de cours par semaine ! Je me suis alors tournée vers la guitare et je me suis lancée dans sept années d’apprentissage. Là, on était plus « pop-rock » quand même… La première année, j’apprenais à lire les morceaux, j’ai commencé avec Étienne Riebel, puis avec d’autres profs, comme Vincent Lino, qui m’ont plus axée « technique ». Mais, en tous les cas, je me suis totalement investie dans cet apprentissage. Mais, si tu remarques bien… toujours pas de chant à l’horizon. Si… je chantais régulièrement avec ma mère … et c’était cool.

Dans l’Atelier Jazz de Sébastien Ducher, avec Cédric Le Ru (directeur de « Jazz en Ville » à Vannes), je vais véritablement découvrir ce plaisir de chanter. Non seulement de chanter, mais aussi de jouer avec d’autres musiciens.

Au lycée Charles de Gaulle de Vannes, en seconde, dans une classe de musique, le prof va nous demander de composer… Composer ? Eh bien, je me suis lancée, j’ai composé comme on me le demandait puis, avec ma guitare, j’ai chanté mes compositions. On était là toujours au Manoir de Trussac. La Directrice m’a écoutée… et est venue me proposer de participer à leur « tremplin ».

J’accepte (bien sûr), je me compose un petit répertoire que j’envoie à la Direction. Et je me retrouve sélectionnée pour le tremplin « Coup de boost », assez surprise car ce tremplin devait être réservé à des groupes. Et moi, j’étais seule, avec ma guitare… au Palais des Arts, de Vannes, devant environ cinq cents spectateurs… Tu imagines ? Seule, face à une salle pleine, à seize ans… Je puisais aussi des chansons dans le répertoire de Lhasa de Sela, une chanteuse américano-mexicaine incroyable, malheureusement décédée en 2010, à trente-huit ans… C’étaient des influences espagnoles et balkanes à la fois… Je chantais aussi du Ben Harper… Ce jour-là, j’avais pu chanter une petite dizaine de morceaux dont « L-O-V-E » -immortalisée par Nat King Cole.

Tu vois, j’ai à cette occasion connu le trac – celui qui te rend les mains moites – et le ressenti incroyable d’être sur scène pour y transmettre une émotion. Ça, c’est mon caractère empathique. Lorsque je suis sur scène, je donne tout au public. Vraiment.

 

« Professionnellement », quelque chose s’est produit, ce jour-là. J’avais maintenant l’envie de créer plein de choses musicalement parlant, avec les musiciens qui m’entouraient… Contre toute attente, ce Tremplin, je l’avais remporté, et le prix était l’enregistrement d’un EP trois titres. Ce sera une compo perso, une compo faite avec une amie, et une compo de Lhasa. Cédric avait fait tous les arrangements.

 

M.M. : Tu vas continuer sur cette même voie ?

L.R. : Jusqu’à la classe de Terminale, je resterai sur cette voie guitare/chant, oui. C’est une période pendant laquelle j’ai fait beaucoup de rencontres, mais curieusement, aucune qui puisse me booster professionnellement. Bon, en même temps, c’était une période aussi où je faisais beaucoup de natation synchronisée et ça aussi, ça me prenait du temps. C’est pendant ma classe de Terminale que je vais réaliser que le milieu artistique est vital pour moi. Mais je ne trouvais pas de quoi me satisfaire en termes d’études musicales en Bretagne. Notamment des cours de chant en Conservatoire. Je ne voulais pas entrer en Faculté de Musicologie. Tu sais, moi le côté « histoire de la musique » et « solfège » à la fac… pas mon truc.

C’est pour cela qu’après nombre de recherches, et malgré l’avis de certains de mes professeurs, je vais opter pour la solution « Chambéry » dont je t’ai parlé plus haut. C’était idéal pour moi, j’associais les études de gestion et une formation artistique. D’ailleurs, très vite, j’ai compris que le côté « Conservatoire » avait plus d’importance que le reste. C’était « ma maison de jeu ». J’ai pris des cours de technique vocale, et de chant, avec Nadia Lamarche, qui va enrichir ma culture musicale en me faisant relever, entre autres, beaucoup de morceaux de Jamiroquai… A cette époque, ma guitare m’accompagnait toujours, je faisais pas mal de scènes ouvertes. Et je composais beaucoup. J’ai eu, c’est vrai, une partie de mon apprentissage en autodidacte.

 

M.M. : Et puis, tu vas te diversifier ?

L.R. : Oui, je vais commencer à apprendre le piano. Avec Olivier Truchot, notamment, que tu connais, et puis Catherine Goubin – qui accompagne aujourd’hui les danseurs classiques au CNSMD de Lyon. Nadia est bien sûr toujours là, Nadia que je considère comme ma « deuxième maman », Jean Andréo également m’a appris énormément de choses, et puis Hervé Francony, en harmonie.

Ce sera le temps des premières rencontres musicales, avec notamment Lucas Territo (guitare), Alexis Moutzouris (sax), Alexandre Hessabi (guitare), Maxime Mary (batterie), Damien Bernard (batterie), Simon Cholat (guitare manouche et comédien), Giulia Romanelli (chant – Giulia est professeure à l’APEJS, aussi), Fanny George (chant), Loup Uberto (clarinette) ou Solène Charpentier (au chant). Avec ces personnes, ce sera les débuts des jams qui duraient jusque tard dans la nuit, notamment celles au « B A’Bar », à « l’Epicurial » ou un bar qui n’existe plus aujourd’hui, le « Bar de la Gare ». On allait de l’un à l’autre jusque cinq heures du matin.

Tu vois, même si j’étais dans une classe plus « musiques actuelles », je fréquentais assidûment les « jazzeux ».

J’obtiens mon DUT en 2014, et puis je me réserve l’année 2014/2015 plus spécialement pour la musique.

A cette époque, mon premier projet va être les « Lyric Ladies » qui alliaient chant et comédie, avec Lucile Vérité à la harpe celtique, Lauriane Gay-Perret (au chant lyrique) et moi au chant, à la guitare et au ukulélé. On est là sur de la chanson française avec des influences jazz/rock, et je m’occupe des arrangements. Je compose aussi beaucoup et ça me permet de découvrir que j’aime beaucoup ça ! Avec ce groupe, nous avons fait plusieurs chouettes concerts, gagné un tremplin et participé à un Festival d’Art de rue. Très formateur et riche.

 

M.M. : Et d’autres projets vont suivre, bien sûr ?

L.R. : Oui. Le second projet important va être le « Moebvius Quintet », un ensemble qui va réunir Maxime Mary à la batterie, Alexandre Hessabi à la guitare, Élie Chowanek à la contrebasse et « Jude » au piano.

Ce projet est né en fait dans l’esprit de Jude et Alex, pour passer leurs examens de fin d’année. Examens auxquels j’étais bien sûr étrangère. Dans le jury, il y avait Laurence Saltiel, qui va me décider à partir sur Lyon.

Quant au quintet, ça a tellement marché qu’on s’est pris au jeu, et même que nous sommes allés nous produire à « Jazz à Vannes ».

Je te parle de Laurence Saltiel, mais je tiens à citer aussi Pierre Drevet, qui est quelqu’un qui m’a toujours beaucoup impressionnée, et qui, lui aussi, m’a encouragée à continuer en jazz, et sur Lyon. Avec tous ces conseils, je vais mettre les études entre parenthèses et me focaliser sur l’ENM de Villeurbanne.

Pourtant, je ne serai pas reçue lors de ma première audition, à la rentrée 2015, je ne serai intégrée qu’en mars 2016 et je vais enfin profiter des cours de jazz vocal avec Sylviane Feyssieux et toute une équipe de super professeurs, dont Pierre Baldy et Thierry Beaucoup.

Côté « camarades de promo », je vais t’en citer plein… Cyril Billot, Ken Malaisé, Mathéo Cielsa, Rémi Flambard, Charles Paillet, Marine Loriot, Jason del Campo, Noé Berne, Jean-Yves Alloin, Olaf Benedris, Lorrenzo Morrone, Arthur Caget, Pierre Augustin Vallin, Théo Fardèle, Claudine Pauly, Célia Forestier et tout plein d’autres.

 

M.M. : D’autres rencontres, encore ?

L.R. : Oui, je vais avoir la chance de rencontrer d’autres belles personnes, comme la guitariste Sonia Konaté qui, avec Pierre Le Gourrierec (contrebasse) cherchait une chanteuse. On a matché tout de suite, monté ensemble le « Dixit Trio » qui existe encore – maintenant avec Garance Feu à la voix. Avec ce trio, j’ai tourné trois ans, on bossait pour la boîte de production Afozic qui nous faisait jouer dans des hôtels de luxe… un milieu assez… étrange, une expérience que je ne renouvellerais pas forcément… Mais bon, ça m’a beaucoup appris sur le métier, notamment dans ce genre de milieu.

J’ai continué à me créer un réseau sur Lyon aussi, par des prestas au « Sirius », à la « Marquise », au « Second Souffle », à l«La Clef de Voûte », au « Hot club »… Lisa Caldognetto m’a aussi permis d’intégrer plusieurs projets comme « Gospel Events » dans lequel je chante encore aujourd’hui.

En 2017, je vais monter le « Adescat Quartet » avec Loup Godfroy à la batterie, Julien Sarazin à la contrebasse, et Pierre-Antoine Chaffangeon au piano. On a fait quelques belles scènes.

2017, année où je rencontrerai Jean-Louis Almosnino et Stéphane Rivero, qui m’inviteront sur scène avec eux.

Je vais aussi intégrer l’orchestre de Jean-Pierre Verdolini, qui m’avait repérée pendant une jam.

 

Je vais obtenir mon statut d’intermittente du spectacle en 2018 !

 

Depuis deux ans, je vais rallier l’atelier « salsa » de l’ENM. Avec Isel Rasua. Qui va me faire aussi rencontrer beaucoup de musiciens. Ce sera la création du groupe « Guaracha Sabrosa », avec Didier Laurencin au chant et au « tres »- la guitare cubaine, Boris Pokora à la clarinette, trombone, flûte traversière et chant, Ken Malaisé aux congas, Lorenzo Morrone aux bongos, Théo Fardele à la basse et Antonin Cognet au piano. Un projet qui grandit de plus en plus et que je porte au cœur.

 

M.M. : Et dans « le brûlant » ?

L.R. : J’ai rencontré le saxophoniste Fermin Munoz, en 2018 aussi, et il va me proposer de faire quelques concerts avec lui en Suisse. C’est comme ça que je vais rencontrer Grégory Aubert, qui va m’inviter dans son « Swing Up Orchestra », sur un album très swing années-trente. Avec Xavier Nikçi à la contrebasse, Nicolas Serret à la batterie, Lucas Verrière au piano, Fermin Munoz au saxo, Valentin Meylan à la trompette, et Grégory bien sûr à la guitare.

J’aime aussi beaucoup ce projet, on s’éclate bien.

 

Et puis, Nico va me faire aussi participer à quelques scènes avec le « Magnetic Orchestra », avec la violoniste Caroline Bugala, François Gallix à la contrebasse et Benoît Thévenot au piano. Et lui à la batterie, bien sûr… Là aussi, je sens que ça va être d’enfer.

 

L’été dernier, je suis allée jouer en Mongolie, avec le Sangoma Everett Quartet. Dans le cadre du « Giant Steppes of Jazz Festival ». Un super, super moment. En compagnie de Sangoma Everett à la batterie, , de Tim Verdesca à la basse et Wilhelm Coppey au piano. Mon premier festival international. De beaux souvenirs.

 

Allez, je termine sur une annonce d’un projet… dont je ne te dirai rien ! Je compose actuellement sur  une nouvelle aventure que je compte partager avec de super musiciens. Mais, pour ça… il faudra qu’on se revoie !

 

 

Propos recueillis le vendredi 12 juin 2020

 

 

 

C’est étonnant. Les « Lou » sont merveilleuses. Après Lou Tavano, à qui Jazz Rhône-Alpes avait ouvert ses colonnes il y a quelques semaines, Lou Rivaille relève le gant, et de quelle manière…

Merci pour ton peps, Lou, qui a été agréable du début à la fin de cet entretien. Ta carrière est bien amorcée et je ne doute pas de la beauté de ta route… A te rencontrer vite.

 

 

Merci à André Henrot et Maria Klinaki pour leurs photos.

Ont collaboré à cette chronique :