On remet aujourd’hui le piano sous les projecteurs. Avec, aux commandes, une musicienne au talent déjà bien affirmé, qui nous fait découvrir, notamment via ses deux groupes “fétiches”, de très belles créations.
Entretien avec Maïlys Maronne
“Où les touches noires et blanches s’ouvrent à tous les univers”…
Michel Martelli : Maïlys, tu as très vite baigné dans la musique…
Maïlys Maronne : Oui, c’est vrai qu’on peut dire ça. Je suis native de la région Auvergne, d’un petit village entre Moulins et Montluçon, dans l’Allier. Je suis arrivée au sein d’une famille très musicale. D’abord, parce qu’elle est très mélomane, et ensuite parce que mes parents ont créé – en 1998 – le festival de “Jazz dans le bocage”. Mon père est guitariste, amateur bien sûr, mais ni ma mère, ni ma grande sœur n’ont suivi cette voie-là.
En ce qui me concerne, je crois que ma première “belle” rencontre sera celle que je ferai avec le pianiste de jazz, Emmanuel Moreau. Parce qu’au début, ce n’était pas cet instrument qui m’attirait le plus. C’était plutôt le violon ou l’accordéon. Mais il y avait un clavier à la maison. A huit ans, je vais commencer des cours avec Emmanuel, qui me feront découvrir comment lire la musique, comment improviser aussi, et surtout ! Emmanuel me faisait jouer “ouvertement” et c’était loin de me gêner ! Je n’ai pas suivi un parcours très classique, mais ça me convenait. J’ai fait une première période de trois années avec lui, puis j’ai eu pendant les deux années suivantes un autre professeur, avant de revenir dans la classe d’Emmanuel, alors que je suis entrée au lycée, vers quatorze/quinze ans.
Emmanuel enseignait à l’Ecole de Musique de Moulins où je vais entrer. En atelier jazz, en formation musicale classique, et également dans le Big Band. Déjà !
Mon envie de musique ? Je crois qu’elle m’est arrivée dès le collège. Je savais que ce monde-là était le mien. Même si je l’ai envisagé un temps dans l’optique de devenir professeure à mon tour.
Je vais rester à l’Ecole de Musique de Moulins pendant mes années de la classe de troisième jusqu’en terminale. Mais je prenais mes cours de piano en plus, à l’extérieur de l’Ecole. C’est une époque pendant laquelle j’étais très timide, très réservée. Mais ça ne m’empêchait pas de me sentir bien.
M.M. : Ton parcours a toujours été axé “musical”, donc ?
M.M. : Oui. Après le Bac, je suis partie à Toulouse, en fac de Musicologie. Option jazz, bien sûr. Et là-bas, tout de suite, ça a été la découverte d’un monde entièrement nouveau, qui m’a montré aussi combien ma route allait être longue, aussi. Mais peu importait. C’était une ouverture géniale, que j’allais entretenir tout au long des six années que je passerai là-bas. Parmi les professeurs qui m’ont tous beaucoup apporté, je pourrais citer Ludovic Florin – en histoire du jazz, en formation musicale, dans quelques ateliers aussi. Ludovic qui sera aussi mon directeur de recherches. Claire Suhubiette également, qui était ma prof en formation musicale, et en chant choral. Pourtant, j’étais là dans une ambiance très “jazz standard”, et je reconnais que ça n’était pas trop mon truc.
C’est pour cela, en partie, qu’en parallèle à la faculté, je vais entrer à “Music’Halle”, un endroit qui va “me redonner du jus” ! Là, c’était beaucoup plus “open”, et ils te poussaient à fond sur tes projets perso. J’y ai rencontré des tas de profs sympas, aussi, comme Denis Badault, comme Christian “Tonton” Salut, comme Jean-Denis Rivaleau, pour des cours d’ensemble, notamment. Et, côté musiciens, j’ai croisé les routes du pianiste Etienne Manchon – que je ne te présente pas – , de la saxophoniste Carla Gaudré, du batteur Tilo Bertholo, ou d’Oscar Emch, un guitariste (et chanteur) incroyable. “Music’Halle”, j’y resterai de 2009 à 2012.
Un autre de mes professeurs, Pierre Dayraud, enseignait dans le même temps au Conservatoire de Tarbes. Et c’est là que je vais me retrouver, afin de continuer ma route sous sa direction. J’étais, c’est vrai, sur la voie piano-jazz.
En deux ans, je passerai mon D.E.M. Et puis, en 2014, cap sur Paris. Où j’atterris au “Pôle Sup 93” de La Courneuve, où Bojan Z enseignait, dans un atelier de standards de jazz. Mais il sera aussi mon prof de piano.
M.M. : On n’a pas encore parlé de tes groupes…
M.M. : Ça a commencé à Toulouse. Je me souviens que le tout premier, c’était un trio vocal a capella ! Tu vois, j’ai commencé au chant. Quant à la première fois où je suis montée sur scène, c’était dans un duo, avec le bassiste Pierre Jourde, où là, j’étais au chant encore, et à la guitare, et sur mes compositions. Des sensations, ce jour-là, dont je me souviens encore.
Pendant mon temps à la fac de Toulouse, j’ai fait pas mal de scènes en tant que pianiste, mais, avec huit autres musiciennes qui étaient en licence jazz, nous avions monté un nonet, pour lequel j’avais pris un peu la direction musicale. Cela s’appelait “X.X.Elles” et on a tourné quelques années avec une dizaine de concerts à la clé.
Mais “Habemus Tam-Tam” a été, à ce moment-là, le projet qui me parlait le plus. Disons : le plus en phase avec mes idées musicales du moment. C’était un quintet avec notamment, au chant, Sophie Le Morzadec. Ce groupe a tourné presque quatre ans.
M.M. : Et puis, tu vas enchaîner les belles rencontres…
M.M. : Oui ! A Paris, dès ma deuxième année, je vais commencer à jouer avec Magic Malik. Un fabuleux musicien qui était mon prof au “Pôle Sup”. Cela restera à jamais une rencontre incroyable. Je peux dire que Magic Malik m’a apporté énormément.
Du coup, en 2016, je vais entrer dans son projet, “Fanfare XP”.
Et puis, j’ai découvert le label “Onze heures onze”, qui est porté par trois musiciens, à savoir Julien Pontvianne, Olivier Laisney et Alexandre Herer qui font vivre ce collectif, et plein de projets. Dès la première rencontre, je me suis sentie en phase avec de tels musiciens, et depuis, dans mon parcours musical, ils ne sont jamais très loin.
J’ai fait par la suite d’autres projets avec Magic Malik, dont “Kafrobeat”, un projet qui mêle musique guadeloupéenne et afrobeat, tout ça avec les approches expérimentales de Malik.
Le “Onze heures onze Orchestra” tourne bien, aussi, sous diverses formules. Prochainement, dès la mi-février, nous allons repartir sur un nouveau répertoire. Et nous serons entre douze et quinze sur scène.
La flûtiste Fanny Menegoz, dont je suis proche, fait partie de ce projet. Et aussi Thibault Perriard, qui est également le batteur de mon quintet, sans oublier la saxophoniste Sakina Abdou. Top !
En septembre dernier, le percussionniste Toma Gouband a lancé son projet, “Orytmi”. C’est un quartet, dans lequel Magic Malik est à la flûte, Benoît Delbecq au piano, et où je suis aux claviers.
Cette année, je suis dans “Sauvage”, une création du clarinettiste Fred Pouget, qui a réuni une dizaine de musiciens dont une partie vient du “trad”, une autre partie du jazz. Nous avons déjà fait six semaines de résidences depuis septembre dernier. Nos premiers concerts sont tout récents, où nous jouons du Rameau, par exemple. Mais de façon différente, c’est très beau, très délicat, mais c’est une autre approche qu’habituellement. En plus, cela a été encore d’une très grande richesse humaine, que de rencontrer tous ces musiciens venus d’horizons différents.
M.M. : Parle-nous un peu de TES groupes…
M.M. : C’est en 2017 que j’ai eu l’envie de monter mon groupe, “Phonem”, à une période où j’écrivais beaucoup grâce à tout ce que m’a apporté Malik. Je voulais explorer cette voie-là avec mes musiciens, et la faire circuler.
Le premier album, “Animus Volandi” est arrivé en 2018, avec la version quartet de mon groupe, c’est-à-dire avec Tilo à la batterie, Philippe Burneau à la basse, et Reno Silva Couto au saxophone.
Depuis 2021, il y a la version quintet. Reno est toujours au saxophone, mais Thibault Perriard a pris la batterie, Nicolas Bauer est à la basse et Vincent Duchosal est à la guitare électrique. Nicolas est aussi le bassiste de la “Fanfare XP”…
Notre album, dans la version quintet, sortira en mai prochain. Son nom : “Geometriks”…
Avec “Phonem”, on est beaucoup dans le jazz expérimental, plus dans l’écriture. C’est très improvisé, très ouvert.
Et puis, avec Gaspar José, qui est vibraphoniste, nous avons monté le duo “Bipèdes”. Ici, nous voulons mettre en avant des musiciens compositeurs que nous aimons, et à qui nous demandons d’écrire des pièces pour notre duo. Tous ceux à qui nous avons fait appel ont accepté.
Les premières répétitions ont démarré très récemment et ça démarre très bien. C’est fun de jouer la musique de gens qui nous sont proches. Ce projet, je l’aime vraiment beaucoup. J’aime cette version “duo”.
Et puis j’ai oublié de te parler d’une chose : deux vinyles sont sortis dernièrement. Le premier en mai 2022, et le second en décembre. Le projet s’appelle “La forêt dans la ville”, initié par le batteur Vincent Sauve, que j’ai connu via “Fanfare XP”, et c’est un quartet (à la base) mais avec quelques solistes qui viennent s’y rajouter. De la très belle musique, à laquelle j’accroche beaucoup.
Voila les projets qui m’animent en ce moment, et ils sont très exaltants !
Propos recueillis le mercredi 25 janvier 2023
Les plus chanceux pourront retrouver Maïlys, avec le projet “Orytmi”, le 1er février prochain à “L’Atelier du Plateau” à Paris.
Début mars, la “Fanfare XP” ira illuminer les villes de Bordeaux, de Montpellier, de Toulouse. Dates sur le site de Maïlys.
Et puis, les concerts de “sortie d’album” – pour “Geometriks – auront lieu :
– le 20 mai, au “Taquin” de Toulouse
– le 24 mai, à “La Petite Halle” de La Villette.
Toutes les dates à consulter sur : www.mailysmaronne.com
Un grand merci à toi, Maïlys. Pour ton accueil, comme pour ta musique. A te voir vite.