Dans la famille “pianistes talentueuses”, elle a assurément sa place. Une belle route s’annonce pour elle, et on peut être certain qu’elle ne la manquera pas…

 

Entretien avec Maya Cros

Musicienne du monde au talent prometteur…

 

 

Michel Martelli : Maya, le piano s’est-il présenté à toi tout de suite ?

Maya Cros : Quasiment, oui. Je ne peux pas dire que ma famille était “musicienne” au sens où on peut l’entendre dès lors qu’elle est composée de musiciens “déclarés”. En revanche, du côté d’Albi, ville où j’ai vu le jour, on écoutait énormément de musique et sur un “spectre” très large. Si, quand même, ma mère avait joué du piano, qu’elle avait appris jeune. On peut donc dire qu’elle m’aura “mis le pied à l’étrier”, en quelque sorte. Et mon père, indirectement, étant un “vrai” mélomane, m’aura aussi bien aiguillée. Mon père qui a une super oreille, d’ailleurs.

C’est à l’âge de sept ans que je vais rentrer à l’école de musique d’Albi, et je vais rencontrer ma professeure, Hélène Assémat, qui sera une super prof ! En classe de piano, donc, mais j’étais aussi inscrite en chant choral. L’instrument, en lui-même ? Disons qu’au départ, ça aura été “naturel”, et puis la passion est venue par la suite, progressivement. Mais je n’emploierai pas, toutefois, le terme de “coup de foudre” d’entrée. D’ailleurs, et pendant les années que j’ai passées au Conservatoire de Toulouse par la suite, j’aurai aussi une période “violon” pendant huit ans. Mais bon, il ne prendra pas le dessus sur le piano.

Après quatre ans passés avec Hélène, elle va partir enseigner à Castres. Mais elle insistera avant, auprès de mes parents, pour que j’intègre le Conservatoire de Toulouse. Idée que mes parents accepteront tout de suite – ils m’ont toujours soutenue – et c’est donc à douze ans que j’en pousserai les portes, après avoir passé un petit concours d’entrée.

 

M.M. : Savais-tu déjà que tu serais musicienne, à ce moment-là ?

M.C. : La fameuse question : “qu’est-ce que je vais faire plus tard ?” Que te répondre ? Je crois que oui, la musique s’est imposée à moi très tôt. Je t’ai dit que mon père était très mélomane, je lui dois d’avoir découvert le monde magique de la comédie musicale, un monde qui m’a toujours fait rêver. J’écoutais également beaucoup d’opéra, donc, tu vois, c’était une présence de la musique très forte, bien que le jazz n’ait pas encore “montré le bout de son nez”, encore…

C’est en classe de piano “classique” que j’entre à Toulouse, dans la classe d’Alice Ventula. Je suivais aussi les cours de formation musicale et, en parallèle, les cours de chant choral et les cours de violon au Conservatoire – l’école était montée en grade – d’Albi.

Mais je m’étais inscrite aussi dans un atelier très particulier : l’Atelier des structures Baschet. Ce sont, en fait, des instruments de percussions qui ressemblent à des structures contemporaines. Nous étions quelques-uns, dans cet atelier, à rechercher des sons grâce à eux.

Alice m’accompagnera jusqu’à la fin de mon second cycle, et puis ensuite, je vais basculer, pour le cycle supérieur, dans la classe de Michel Dru.

 

Ce sera pendant la période fin du collège – début du lycée que je vais découvrir le jazz. En fait, ce sera durant un stage – qui se déroulait dans la ville de La Roque-d’Anthéron, pendant un festival de piano classique. Durant ce festival, une soirée était “la nuit du jazz”. Et cette fois-là, plusieurs parties, avec des “grands” comme Chick Coréa, comme Gary Burton ou encore Makoto Ozone, un super pianiste japonais. En assistant à cette fabuleuse soirée, je me suis dit que c’était là ma voie.

De plus, des professeurs faisaient découvrir tout cet univers du jazz – qu’est-ce que c’est qu’une grille, ce genre de chose. – et j’ai vraiment mordu. Dès mon retour au Conservatoire d’Albi, je vais m’ouvrir les portes de l’atelier jazz, en plus du reste.

 

M.M. : Les dés étaient lancés ?

M.C. : Oui. Je vais me mettre à chiner tous les disques que je peux, je vais m’inscrire à tous les stages possibles pour découvrir cet univers-là. Alors à Toulouse, Michel Dru va m’orienter vers des ateliers de musiques improvisées, un atelier que dirigeait Denis Badault. Dès mon intégration, je saurai que je vais évoluer dans un monde passionnant. Finalement, ce que m’apportera Denis aura une influence certaine sur ma façon de jouer d’aujourd’hui. Il m’a énormément apporté.

Après avoir passé mon Bac sur Albi, direction Toulouse, et sa Faculté de Musicologie, avec, là encore, un petit examen d’entrée. Mais ce qu’il faut retenir surtout, c’est que ce sera le début d’une période intensément riche, riche de rencontres avec des personnes aussi passionnées que moi, et cela créera, au final, une émulation terrible qui dure encore aujourd’hui puisque je joue toujours avec des musiciens que j’ai connus à cette période-là. Je peux t’en citer quelques-uns – pas tous malheureusement, car ils étaient bien nombreux. – mais je vais dire le trompettiste Adrien Dumont, le bassiste Louis-Nicolas Gubert, les batteurs Rémy Gouffault et Elijah Lavoignat. Mais l’émulation venait aussi de nos “aînés” comme Etienne Manchon, par exemple.

Avec ces musiciens, on a fait énormément de jam-sessions sur Toulouse et, conséquence un peu logique, on va former un premier ensemble.

 

M.M. : Ton premier groupe ?

M.C. : C’est ça. Ce sera un septet, que nous avons appelé “The actual groove”. Autour de moi, il y avait Adrien, Louis-Nicolas, Rémy et puis Fred Kajak au saxophone, Natacha Kanga au chant, et Nicolas Gaudy à la guitare. Avec ce septet, on fera pas mal de concerts sur Toulouse, et on a sorti un EP de cinq titres, en 2017. Ca restera une très belle expérience.

Et en parallèle de ce septet, je faisais des sessions avec Louis-Nicolas et Rémy. On s’intéressait, tous les trois, aux musiques électroniques et petit à petit, ce groupe de travail est devenu un vrai trio, sous le nom de “Ninxy”. Pour lui, on a fait beaucoup de relevés, et d’arrangements, de morceaux de Mark Guiliana, le batteur américain – et son projet “Heernt” notamment, mais aussi de morceaux de Jojo Mayer – et son projet “Nerve”. Alors, oui, ce trio était orienté “musique électronique d’aujourd’hui”. Il se trouve que, maintenant, Rémy a quitté Toulouse mais, malgré ça, un EP et une vidéo-live sont actuellement en gestation. Et le dernier concert que nous avons fait, c’était au “Bikini” de Toulouse, en première partie d’un groupe qu’on aime particulièrement, “The Comet is coming”. Et “Ninxy” était dans une version élargie – ce qui nous avait demandé une grosse préparation, en amont.

Ah oui ! J’ai oublié de te dire qu’après ma licence, obtenue à la Fac, je vais intégrer l’Institut Supérieur des Arts de Toulouse – un “Pôle” supérieur, dans lequel il y a une classe “musiques actuelles”, emmenée par Denis Badault. J’y ferai deux ans, deux ans pendant lesquels je commencerai à penser “écriture et jeu en solo”. D’ailleurs, pour l’examen final, je préparerai un projet “solo” présentant les prémices de ce que je vais produire à présent.

“Ninxy” va bien tourner, jusqu’à ce que la Covid nous stoppe un peu, en fait.

 

M.M. : Avais-tu intégré d’autres projets ?

M.C. : Dans l’intervalle, oui, bien sûr. D’abord, le projet “Lioness Shape”, projet à l’initiative de Manon Chevalier. C’est un trio batterie – claviers – chant. Je fais moi-même les basses aux claviers, pour la première fois dans un groupe. A la batterie, le trio a commencé avec Ophélie Luminati et puis, par la suite, c’est Pierre Pollet qui a pris la relève. Ce trio tourne toujours, on a enregistré un album, produit par le label “Laborie Jazz”, et nous avons fait notre dernier concert (pour le moment) en janvier dernier.

Un peu après ça, j’ai intégré le projet “Inui”. Un quartet chant – chant – batterie – claviers. Au chant, deux super voix : Valéria Vitrano et Clémence Lagier. A la batterie, Dimitri Kogane et moi aux claviers, bien sûr, où je fais là encore les basses.

“Inui” c’est… comment te définir le projet ?… de la “trans-vocale électronique”, avec un petit côté ultra-rock – que porte Dimitri qui est un super batteur rock, et moi j’amène ma touche de son électronique. Nos deux chanteuses écrivent beaucoup de morceaux, dont certains avec une certaine répétition, et c’est cette répétition qui nous amène à cette sorte de transe.

J’ai rejoint “Inui” en fin de 2019 et, malgré la pandémie, on a fait pas mal de concerts, gagné quelques prix au passage et un premier EP est prévu en sortie le 10 mars prochain. Sans compter les dates déjà présentes, pour 2023, sur l’agenda du groupe.

Et puis – tu l’as d’ailleurs déjà évoqué avec Carla Gaudré –  j’ai intégré le collectif “Pigments”, pour les “ciné-concerts” que nous faisons ensemble, et qui nous font nous exprimer musicalement sur des courts-métrages du début du vingtième siècle. Super projet, encore…

 

M.M. : On va quand même évoquer TON projet.

M.C. : C’est vrai que, depuis quelques mois, je me suis lancée dans l’aventure “Haruko”, un projet “solo” qui va me permettre de “dire” tout ce que je ne “dis” pas dans tous les autres projets que je t’ai cités. Ici, je gère plusieurs claviers, ainsi qu’une “boîte à rythme”. C’est un gros challenge, mais en fait j’adore ça. Je veux faire “sonner” ce projet seule, comme s’il sonnait porté par plusieurs musiciens.

J’avais déjà pu enregistrer trois morceaux “solo” de ma composition, et ces morceaux m’ont montré que j’étais sur une bonne voie. “Haruko” a pu ainsi sortir de sa chrysalide. De ces trois titres, j’ai pu sortir un EP – sorti en décembre dernier – qui porte le nom de “Mori”.

J’ai aussi déjà eu l’occasion de me produire, seule en scène, dans un établissement de Toulouse. Une “première” qui aura été, au final, une belle première. Un test qui va en appeler d’autres, et j’ajoute que trois vidéos vont sortir aussi, sur ce projet-là.

Je vais terminer en te disant qu’avec “Inui”, en 2022, nous avons gagné le concours de jazz vocal de Crest, dans la Drôme (voir ici et aussi ici). Nous avons pu bénéficier aussi des résidences de création “Occi Jazz”, et aussi du festival “Trans-Cévenol”.

L’année 2022 a été bien remplie, et 2023 s’annonce aussi sous de bons auspices… Tant mieux.

Pour finir vraiment, un coup de chapeau à un autre de mes professeurs : Jozef Dumoulin. Super pianiste, super rencontre. Je ne pouvais pas ne pas le citer….

 

 

Propos recueillis le mardi 21 février 2023

 

 

Une belle rencontre de plus pour Jazz Rhône-Alpes. Entre leur talent, et leur gentillesse, c’est avec un plaisir sans cesse renouvelé qu’on leur ouvre les portes de ces colonnes.

Depuis le début, tous portent haut leur art.

 

Et Maya ne fait pas exception à cette règle.

 

Voir la liste des entretiens de Michel Martelli

Ont collaboré à cette chronique :