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Entretien avec Romain Baret

Il est natif de La Mure, dans les environs de Grenoble. Patiemment, et avec talent, il a bâti sa carrière de guitariste dont il porte haut les notes aujourd’hui…

 

 

Romain Baret

 

Quand la guitare se fait passion…

 

 

Michel Martelli : Romain, comment la guitare te prend-elle dans ses filets ?

Romain Baret : Elle s’est bien débrouillée… d’autant que je ne suis pas issu d’une famille musicienne. Si… j’avais mon grand-père maternel qui était copain avec certains des « Compagnons de la Chanson » et il jouait de la trompette. Mais il n’a pas continué, ayant eu ma mère assez tôt.

En ce qui me concerne, c’est… un album d’AC/DC – leur « live » 1991 – qui va me donner le déclic.

Pourtant, à la base, et en les écoutant, j’avais plus envie de faire de la batterie. Comment la transition s’est -elle faite, entre la batterie et la guitare, je ne me rappelle plus. Mais bon, ça s’est fait.

Sauf que, dans la commune où j’étais (Pierre-Châtel), on ne donnait pas de cours de guitare. Ni même à La Mure. On va donc m’inscrire chez un professeur particulier, Mr Connesson, chez qui je rentre, à neuf an, pour une année. Une année pendant laquelle, je le reconnais, à part retrouver mes potes, je ne trouvais pas le plaisir que j’espérais, par rapport à ce que j’écoutais. Il a cessé son activité l’année suivante… cette année ne m’avait pas « fait grandir »… j’étais un peu dégoûté.

Heureusement, pendant l’été, juste avant mon entrée au collège, je me retrouve dans un stage dans lequel un des animateurs jouait de la guitare. Il m’a appris quelques accords, il m’a fait écouter du Pat Metheny, bref… il a fait ce qu’il fallait pour me remotiver. Ensuite… tu connais le magazine « Guitare Part » ? Ce magazine te met tout entre les mains pour que tu commences à bosser, même tout seul. Je m’y suis investi à fond, j’ai découvert plein de trucs, plein de musiciens aussi, comme Clapton… Je jouais sur ma guitare sèche. J’avais bien aussi une guitare électrique, mais il vaut mieux, peut-être, ne pas trop en parler.

Un an plus tard, à La Mure, je vais reprendre les cours avec Jean-Marie Brunjail. D’entrée, je vais lui demander plus d’AC/DC que de classique ! Parce que c’était bien ça que je voulais jouer. Et même si ça l’a peut-être un peu étonné, il a accepté et m’a fait découvrir le rock, et puis le blues, et puis l’improvisation… Le jazz ? Je ne le connaissais pas trop, pour tout dire, et, en tout cas, je ne l’aurais jamais associé à la guitare. Et puis, j’ai découvert Joe Pass et Wes Montgomery. J’ai bossé leurs standards. Mais en fait, tout ce que me demandait Jean-Marie, je me débrouillais pour le réaliser.

 

M.M. : Tu avais là une belle base…

R.B. : Oui. Qui a duré de la classe de cinquième à la troisième. Et puis, il a fallu penser à mon orientation scolaire, en lycée. Jean-Marie va alors conseiller à ma mère de se rapprocher de Jacques Marmoud, qui était prof au département jazz à Saint-Martin-d’Hères, pour qu’il me donne quelques cours, de temps en temps. Jacques a joué avec Chick Corea, quand même… Manque de chance, sa classe était déjà bien pleine, et il va nous réorienter sur Chambéry vers une classe « à horaires aménagés ». Le lycée Vaugelas va m’ouvrir ses portes à la condition que je prenne des cours de solfège au Conservatoire de Chambéry – où je rencontre Bernard Descotes. Lui va me diriger vers l’APEJS (Association pour la Promotion et l’Enseignement des musiques actuelles de Savoie) dont le sous-directeur était Jean-Claude Dijoud. Partenaire du Conservatoire de Chambéry, l’APEJS prépare aux entrées dans le département jazz. Je vais donc y entrer, pour deux ans de cours avec Rémy Varaine. En parallèle, au Conservatoire, j’entre en fin de second cycle en solfège. Même si je n’en avais pas beaucoup fait à cette époque, je m’étais bien aguerri dans l’écriture de la musique, grâce à un logiciel « Harmony Assistant » qu’avaient créé deux frères – qui sont devenus des amis – qui avaient donc inventé ce logiciel d’accompagnement, quel que soit l’instrument joué.

Finalement, je ne ferai qu’une année de solfège, préférant me libérer du temps pour jouer de mon instrument à fond.

Deux expériences intéressantes, aussi, à cette période : d’abord, avec Laurent Dehors, le saxophoniste et clarinettiste, qui était alors artiste résident en Rhône-Alpes. Il avait pour « tâche » de monter un orchestre avec « l’Arc Alpin » – une somme de cinq conservatoires. J’ai été pris, comme Damien Sabatier, Gérald Chevillon, Erwan Bonin ou Joan Eche-Puig. Et Pierre-Antoine Baradoux.

Et il y a eu aussi l’orchestre de Denis Badault, où je vais rencontrer Félicien Bouchot, Louis Laurain.

 

M.M. : Et puis, une fois ton Bac passé ?

R.B. : Déjà, pendant ma classe de terminale, je vais entrer en fin de second cycle au département Jazz du Conservatoire à Chambéry. Dans la classe de Jean-Louis Almosnino. En revanche, je ne suis pas pris dans en « harmonie ». Et, après mon Bac, je passe les examens pour entrer en troisième cycle de guitare, et en deuxième année d’harmonie. Là, dans la classe de Pierre Drevet, encore un super professeur, et pédagogue.

Côté « groupes »… ça avait commencé au collège, avec la formation d’un trio « occasionnel » qui me faisait jouer avec les frères Didier, Noël à la guitare, à la basse et au chant et Yann à la batterie.

Et puis, ensuite, au lycée, il y aura la création d’ « IBOO Trio », avec Thibaut Dijoud à la batterie et Hugo Reydet à la contrebasse… Bon, c’était le début.

Il y avait aussi les « ateliers » avec Jean Andréo – qui s’occupait des musiques actuelles. Avec certains membres de cet atelier, nous allons monter le groupe « Les Hippocampes à Molette », un ensemble qui réunissait trois sax, une clarinette, un accordéon, une guitare et une batterie. Et le chant pour tous. On avait même fait un petit EP… Dans ce groupe, tu pouvais retrouver Joris Thomas qui, avant d’être guitariste, jouait du sax soprano, ou Sébastien Louison, qui était là batteur, avant donc de devenir l’excellent violoniste qu’il est aujourd’hui dans le groupe « Faut qu’ça guinche ».

Dans ma période conservatoire, il y a eu aussi le groupe « Hydraseptet », qui va réunir Sylvain Charrier (vibraphone), Matthieu Fattalini (trombone), Vincent Stéphan (trompette), Jérôme Girin (sax ténor et soprano), Etienne Kermarc (basse électrique) et Sébastien Necca (batterie). On a fait quelques dates et quelques tremplins.

Il y a eu aussi « L’Aquarium Orchestra »… un groupe « décidé » pendant un UV… avec Roberto Negro au piano, Fanny Ménégoz à la flûte, Léo Jeannet à la trompette, Pierre Horckmans aux clarinettes, Corentin Quemener à la batterie… L’Aquarium Orchestra a beaucoup joué. Et a sorti deux albums. Dont le premier, en 2009, proposait un répertoire « photo-musique », sur les photographies de voyage de l’un de nos copains, Youri Picart.

 

M.M. : En clair, tu étais lancé ?

R.B. : Je pense, oui, mais comme beaucoup de musiciens. Après mes trois ans de Conservatoire, j’obtiens mon DEM en 2007. Dans la foulée, je vais tenter le CNSMD à Paris, en même temps que Grégory Sallet et on va échouer. Mais c’est là que va naître l’idée de la création du Collectif Pince-Oreilles, au sein duquel tu peux trouver des groupes comme « L’Aquarium Orchestra », « Trio en chantier », « Grégory Sallet Quartet », « Oblio » ou « Grosse Attitude ». Vraiment, nous sommes contents de ce label.

Donc, j’avais eu mes exams en harmonie, mes deux années d’arrangements avec Pierre Drevet étaient validées aussi. Pour un côté pratique, après une année passée à Chambéry, j’ai émigré sur Grenoble pour les deux autres, tout simplement parce que la vie musicale y était plus dense… Ça ne m’empêchait pas de jouer avec tous les groupes que je viens de te citer.

Sur Grenoble, je vais pouvoir mettre en pratique mon envie de transmettre la guitare. Une association, « Musica Croles » va me permettre – pendant sept ans – de donner des cours de guitare. Des cours que je donnerai ensuite à Saint-Laurent-du-Pont, et à au conservatoire de Voreppe.

A Grenoble, je jouerai beaucoup aussi, d’entrée, à « La Soupe aux Choux ».

 

M.M. : Mais, Grenoble, tu ne vas pas t’y attarder…

R.B. : Non.. parce que, peu à peu, Grenoble se vidait des musiciens de ma génération. Il y persistait un gros « réservoir » de reggae, et la génération jazz au-dessus de la mienne qui y enseignait. En 2014, je vais arriver sur Lyon, et je vais y retrouver les copains de Grenoble ou de Chambéry, ceux qui n’avaient pas poussé jusqu’à Paris.

Ça va être aussi le temps de constituer de nouvelles formations. A commencer par le « Romain Baret Trio » pour lequel j’ai fait appel à Michel Molines à la contrebasse et Sébastien Necca à la batterie. Ce trio a été créé fin 2010. Un album est sorti en 2013 et ce sera l’occasion pour moi d’inviter Eric Prost – que tu connais – sur trois titres de cet album.

 

Je vais te citer aussi le groupe « Azzango », dans un style « jazz méditerranéen », avec Dimitri Saussard à l’accordéon, Josep Manresa Zafra à la basse et toujours Sébastien Necca à la batterie. Nous avons fait quatre tournées en Espagne, top !

 

Mon complice Grégory Sallet va monter son quintet, aussi… Lui est bien sûr au sax, Aurélien Joly est à la trompette, Michel Molines à la contrebasse, et Guillaume Bertrand est à la batterie. Et moi, évidemment à la guitare. Un disque sortira en 2014, et ce sera aussi l’occasion pour Greg et moi, de monter notre duo, « Ginger », qui va nous permettre de mener à bien nos dossier d’intermittents.

Avec le quintet de Greg, nous sortirons un second album en 2017. Pour lequel Paco Andréo, le fils de Jean, viendra, avec son trombone à pistons, remplacer Aurélien Joly.

 

Je participe aussi au quintet du contrebassiste Philippe Soriano, « La Grinta », où on retrouve Jérôme Girin au saxo,  avec Xavier Guédy à la batterie et Hugues Maignol aux claviers.

 

M.M. : Et comme tu es infatigable, d’autres groupes, encore, qui constituent ta carte de visite ?

R.B. : Je veux évoquer d’abord le « Foolish Ska Jazz Orchestra » de Camille Thouvenot. D’abord parce que Camille est un super pote et un super musicien et aussi parce que, même si le groupe est un peu en suspens  aujourd’hui, on écrit, on pense à enregistrer… tu vois, ça vit toujours. Mais on est huit dans ce groupe, c’est pas évident en gestion. Et puis Camille est super occupé. Mais on ne désespère pas.

Cela dit, j’ai fait partie du « Panoramic Project » qu’a monté Léo Jeannet. Il y est à la trompette, et au bugle (et aux compos), comme Gabriel Levasseur, Paco est au trombone, ainsi que Clément Amirault, Romain Cuoq est au sax soprano, Théo Philippe au sax alto, Rémi Scribe au sax ténor, Raphaël Herlem au sax baryton, Arthur Henn (Hennebique) à la contrebasse et Pierre Demange à la batterie… Aujourd’hui, je ne suis plus dans cet ensemble, à la guitare, tu peux retrouver Anthony Jambon.

Dans mes groupes importants, je vais te citer aussi les « Comptes de Korsakoff » – un nom trouvé en rapport avec la maladie liée à l’alcoolisme – tu imagines là une ambiance très « dark rock » qui était emmené par le bassiste Geoffrey Grangé. Un disque est sorti en 2019.

 

Et, côté vraiment « actu » alors, bien sûr le second album du « Romain Baret Trio » (sorti en 2018) avec les présences d’Eric Prost, encore et toujours au sax – et quel plaisir – et Florent Briqué à la trompette.

 

Le « Antoine Galvani Sextet » aussi : Antoine est au piano (et à la composition), Arthur Henn est à la contrebasse, Baptiste Castets à la batterie, Maxime Berton et Grégory Sallet aux sax, Maxime en alternance, selon les dates, avec Pierre-Marie Lapprand.

 

Il y a aussi le groupe « Strike », de Xavier Guédy, bassiste et leader. Où nous jouons avec Pascal Billot aux sax, Patrice Hibon aux claviers, Mourad Baïtiche aux percussions et Christophe Telbian à la batterie.

 

Et puis, je voudrais terminer avec un super projet, qui a vu le jour il n’y a pas longtemps… un projet qui réunit dix musiciens, qui donne une part belle à l’impro, au son et aux lumières également… Ce projet s’appelle « We want our money back », il est porté par le Collectif Pince-Oreilles et le label Puzzle. Cette phrase, je te parle du nom du projet, avait été prononcée par le patron du Medef et nous avait interpellés… Nous aurons une grosse résidence, à Givors, pour préparer une présentation, dans cette même ville, courant 2021.

Le projet est porté par le saxophoniste Renaud Vincent, et tu retrouves Damien Bernard et Guillaume Bertrand à la batterie, Romain Bouez aux claviers (et aux lumières), Ophélie Dècle à la flûte, Geoffrey Grangé à la basse, Guillaume Pluton à la trompette et au bugle, Greg, bien sûr, aux sax alto et soprano. Sans oublier Olivier Valcarcel – super pointu – au son. Je pense vraiment que ce projet n’a pas fini d’étonner.

 

Allez.. une petite allusion à l’album que nous avons sorti, en duo avec Grégory Sallet, qui est sorti le 29 mai dernier et qui porte le titre de « Sélection d’épices »… Un bébé qui va, j’espère, bien grandir.

 

 

Propos recueillis le mercredi 03 juin 2020.

 

 

Merci infiniment, Romain, pour le ton donné à cette rencontre, qui aura traversé cette page de vie qui est la tienne, et qui est loin d’être finie.

« Guitariste improvisateur », voilà comment ton site t’annonce.

Il manque « de grand talent »…

Ont collaboré à cette chronique :