Elle est née en Corse, où elle va rester jusqu’à ses quatre ans. Et puis la vie va la mener à Echirolles, en Isère. D’où va partir une belle route musicale, qui se poursuit aujourd’hui au travers de multiples projets pianistiques…
Sandrine Marchetti
« La grâce au bout des doigts »…
Michel Martelli : L’Isère est « la terre où tout commence », pour toi ?
Sandrine Marchetti : Oui, je vais y arriver très tôt, et je vais y rester, en fait, jusqu’à mes dix-neuf ans. C’est en Isère que je vais passer un Bac section scientifique, et que je vais commencer une Faculté de Mathématiques. A Grenoble. Et je ne vais y faire qu’une année, parce que je me rendais bien compte que je n’étais pas là dans ma voie. Mais je me dois de dire aussi qu’à ce moment-là, mon avenir n’était pas encore très dessiné dans ma tête…
Musicalement parlant ? Dis-toi que j’ai commencé, à huit ans, sur un clavier… un petit clavier très ludique, toute seule comme une grande… jusqu’à mes douze ans. Je précise que ni mon père, ni ma mère ne sont musiciens. A l’âge de douze ans, j’entends parler de « classe à horaires aménagés musique », dans le collège où je me trouve. Ca me tente, et je m’inscris. Je vais y trouver… des cours de piano classique, de formation musicale… un rythme que je vais suivre pendant mes quatre années de collège. Et valider mon premier cycle. Mais, au bout de cette période, j’ai eu l’envie d’arrêter. C’est ma mère qui va pousser sur la voie du jazz. Une bonne initiative. Je vais donc continuer, dans la même école, mais cette fois pour y commencer une classe de piano-jazz. Avec, pour professeur… Stephan Dannenmuller. Une rencontre très riche, pour moi, parce que Stephan va vraiment me donner l’envie de faire du jazz. C’est un professeur extraordinaire, qui a eu des “grands noms” d’aujourd’hui parmi ses troupes, il est très bienveillant et m’a en tous les cas fait découvrir plein de choses… L’envie allait au delà du cours. Au point que, si à cette époque je ne pensais pas du tout en faire mon métier, je crois pouvoir dire que Stephan a semé cette graine-là dans ma tête. Une graine que j’ai sur le moment soigneusement mise de côté…
M.M. : Mais qui ne va pas éclore tout de suite ?…
S.M. : C’est vrai. Ma route ne faisait que commencer. Je vais passer presque huit ans avec Stephan en tant qu’élève. Jusqu’à mon Bac, il m’arrivait de faire des petits concerts, ici et là… J’ai laissé passer mon année en Faculté et puis, je vais entrer au Conservatoire de Chambéry. Pourquoi Chambéry ? Prace qu’il n’y avait pas de « département jazz » à Grenoble, et puis parce qu’on m’avait chaleureusement recommandé Chambéry. Avec raison, parce que je vais trouver là-bas Pierre Drevet – qui sera mon professeur d’harmonie – , et Rémi Goutin qui, lui, sera mon professeur de piano. Tous les deux m’ont beaucoup marquée aussi. Je vais passer quatre ans à Chambéry, jusqu’à l’obtention de mon DEM. C’est là que, grâce à ma rencontre avec des musiciens, je vais monter mon premier sextet pour lequel j’écris et je fais les arrangements.
L’écriture, et les arrangements, tout ça est arrivé assez tôt dans ma vie, finalement. Dès le lycée, j’ai vraiment commencé à composer. Du reste, avant de rentrer au Conservatoire de Chambéry, je devais proposer une de mes compositions…
Ce sextet – « Noyaa » – se composait, en plus du piano, d’une basse, d’une batterie, d’une trompette, d’un sax ténor et d’un sax alto. Quand même, avec cet ensemble, on a fait quelques petits concerts. Mais bon… je n’avais que vingt ans, et je dois t’avouer que ma priorité était plus de finir mon cursus d’études que de faire des dates…
M.M. : Et tes pas vont bifurquer vers la Capitale des Gaules….
S.M. : Oui ; C’est même pendant ma dernière année de Conservatoire, donc avant l’obtention de mon DEM que je vais déménager sur Lyon. Je pars à Lyon parce que je vais rencontrer des musiciens avec qui j’ai envie de travailler, et puis un particulièrement, Basile Mouton, qui est contrebassiste, et aussi mon compagnon dans la vie. Lorsque je vais être sur Lyon, je vais faire quelques concerts, et je vais aussi monter un quintet, « Big Fish » – en référence au film de Tim Burton – un quintet composé d’un piano, d’une guitare, d’un sax alto, d’une batterie et d’une contrebasse. Côté musiciens, je vais m’entourer de Ben Guyot à la contrebasse, d’Emmanuel Pollet à la batterie, d’Alexandre Clayette à la guitare et de Benoît Baud au sax alto. Principalement, ce quintet va jouer mes compositions. L’aventure du « Big Fish » va durer trois ans. On a fait partie du « collectif Polycarpe » – un collectif de musiciens qui nous permettait d’organiser des concerts toutes les semaines dans diverses salles lyonnaises…
Après « Big Fish », je vais monter un trio. « Trismus ». Ben est toujours là, à la contrebasse, mais, à la batterie, c’est Jean Joly qui arrive. Dans cette formation, cette fois, nous allons être trois à composer. Et jouer nos compositions. Eh bien, tu vois, je pense pouvoir dire aujourd’hui que c’est ce groupe-là qui aura été mon véritable groupe de départ. Avec « Trismus », nous allons faire de nombreuses dates, nous allons faire des scènes comme le Crescent, le « Baiser salé » à Paris, l’Auditorium de Lyon ou encore l’Opéra de Lyon. Ce trio marchait super bien….
M.M. : Qu’est-ce qui fait que ça s’arrête ?
S.M. : On arrive en 2006. L’année où je vais être admise au Conservatoire National Supérieur de Musique (et de Danse) de Paris. Cette entrée au CNSMD va m’obliger à quitter Lyon pour aller m’installer à Paris, parce que l’apprentissage était assez lourd. Et puis, Lyon, je ne la quittais pas vraiment puisque j’y donnais encore des cours à cette époque…
Au CNSMD, je vais passer ma licence, en trois ans, je vais faire une première année de Master et puis je vais arrêter. Parce qu’avec mes vingt heures de cours à Lyon, ça devenait compliqué à gérer. A Paris aussi, je vais rencontrer Loïs Le Van – et là, ça va être le point de départ de quelques beaux projets. Côté scène, j’étais plus, si tu veux, dans un rôle d’accompagnatrice et c’est à ce titre que je me suis le plus produit à cette époque…
Après ma première année de Master, donc, je vais remonter un quartet, le « Sandrine Marchetti Quartet », avec Anne Paceo à la batterie, Mattéo Bortone à la contrebasse et Romain Cuoq au saxophone. Avec Mattéo et Anne, on s’est rencontrés au CNSM… Avec ce quartet, on joue mes compos…
Pendant cette période du CNSM, et à partir de ma rencontre avec Loïs, on va monter, comme je te le disais, de très beaux projets. Comme le duo « Les yeux de Berthe », par exemple, un projet « poésie » que Loïs a voulu construire sur des textes de l’écrivain Philippe Jaccottet, que l’on a mis en musique…
Je vais aussi « apparaître » dans le sextet de Loïs, je fais partie de la « distribution » sur l’album « The other side »…
Je vais aussi accompagner Anne, parfois, sur un projet qui s’appelle « Yokaï » – je te parle, là, de remplacements ponctuels…
Et puis, en parallèle, je fais de nombreux arrangements pour diverses formations musicales, jusqu’aux big bands, et je compose aussi des morceaux musicaux pour des pièces de théâtre.
Tout ça a bien rempli ma vie…
M.M. : Et puis, côté cour, tu as bien travaillé aussi !…
S.M. : Oui, j’ai pris le temps d’être maman… Nous avons deux enfants aujourd’hui, qui ont deux ans d’écart. L’aîné, Gaspard, est né en 2014, et Suzanne en 2016. Le « choix du Roi », oui. Pendant ces périodes, j’ai continué un peu comme accompagnatrice, et aussi dans mon travail d’écriture. Mais tous les projets que je voulais « mener », je les avais mis en stand-by. Un choix résolument personnel parce que je voulais, aussi, accorder de la place dans ma vie à ce rôle merveilleux de maman… Mais bon… la musique m’a vite rattrappée aussi…
Il y a eu d’abord ce projet magnifique, au sein du Loïs Le Van Trio – avec Loïs, donc, et aussi Paul Jarret : « Vind »… Et puis, depuis un an, je collabore au projet qu’a monté Sylvain Rifflet… que je n’ai pas besoin de te présenter ? Saxophoniste, il a remporté une « Victoire du Jazz », un excellent compositeur…. donc, il a monté « Troubadours ». Comme ça, on pense « musique médiévale » mais en fait on va faire de la musique jazz qui va s’approcher au plus près de cette musique-là. Et pour cette aventure-là particulièrement je ne vais pas jouer du piano. Je vais jouer de l’harmonium, la version indienne que j’ai appris pour l’occasion. Ce projet a déjà récolté beaucoup de dates, dont malheureusement certaines se sont annulées – et tu sais pourquoi, en cette période qui nuit à tous les musiciens… Sylvain a fait appel aussi à Verneri Pohjola, à la trompette et à Benjamin Flament, aux percussions…
Allez, je t ‘en dis un petit dernier… j’ai monté un projet qui s’appelle « Flaws », c’est un trio, et un album est prévu fin 2020. Pour cette nouvelle aventure, toute neuve on peut dire, Loïs Le Van est là, bien sûr et, au chant aussi, Célia Tranchand. Là encore, ce sont mes compositions…
D’autres projets sont en gestation. J’en ai encore pas mal en tête. Mais je ne t’en parle pas dans l’immédiat. Nous nous reverrons pour ça !…
Propos recueillis le vendredi 03 avril 2020.
Je mets un point d’honneur, à chaque entretien, à remercier celui ou celle qui m’a accordé un peu de son temps d’artiste pour la construction commune de cette « petite fenêtre intimiste ».
Rien de « cabot » là-dedans…
Merci à toi Sandrine. Ta bonne humeur et ton entrain n’ont d’égal que ton talent, et le piano te doit beaucoup.
La photo ? André Henrot, bien sûr, que je ne présente plus…
Discographie de Sandrine Marchetti :
- “Feuilles et Nuages” : Les yeux de Berthe
- “The other side” : Loïs Le Van sextet
- “Vind” : Loïs Le Van trio
En tant qu’invitée, compositrice ou arrangeuse :
- First floor : “Lift” (invitée et compositrice pour le morceau « sur le fil »
- “Rendez-vous à l’Ovyne” : Loïs Le Van
- Bravo big-bang (co-arrangeuse avec Thomas Mayade)
- Oubli : “Ivo Correia” (arrangeuse)