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Entretien avec Sophie Teissier

Décidément, les voix s’enchaînent, dans ces colonnes. mais chaque fois avec beaucoup de plaisir. La voix d’aujourd’hui est presque une voisine puisque c’est à Avignon qu’elle s’est posée. Avec déjà de beaux groupes où s’exprimer.

 

 

Entretien avec Sophie Teissier

Une voix a trouvé sa voie..

 

 

Michel Martelli : Sophie, curieusement, la passion n’a pas été instantanée…

Sophie Teissier : Je crois qu’on peut le dire. Pourtant, je suis quasiment tombée dans la marmite du chant relativement tôt. Je suis née à Aix-en-Provence, et de parents professeurs. Mon père est architecte, et professeur d’architecture, et ma mère est – je devrais dire était – professeure de français. “Etait” parce que, de cette voie-là, elle a pris une retraite anticipée, pour se consacrer à sa passion artistique, entre piano et chant. Le piano, ma mère en avait fait jeune, jusqu’à ses vingt ans, et c’était un apprentissage en classique. Mais elle avait aussi découvert le jazz, et c’était un courant musical qu’elle appréciait tout particulièrement.

Ma mère a donc enseigné le piano, et le chant. Et a aussi rapidement trouvé un orchestre où s’exprimer.

Et moi, dans tout ça ? J’ai fait pas mal de danse. et mon envie première était de devenir réalisatrice pour le cinéma, plus que d’envisager de m’engager dans la musique, même si j’y baignais en plein. Quant au piano., j’ai dû commencer à m’y intéresser vers quatre ans et, dès l’année suivante, je vais aller prendre des cours, à Apt, avec une prof qui s’appelait Michèle Champion. C’étaient des cours particuliers, avec des séances collectives pour le solfège. Je resterai presque six ans l’élève de Michèle, car après, je vais partir pour mes études en Avignon. Et de quinze à  dix-huit ans, ce sera Magali Frandon qui prendra le relais en tant que professeure.

 

M.M. : Et le chant ?

S.T. : Il arrive. Lorsque j’ai eu dix-huit ans, je vais carrément m’installer en Avignon. Ma mère y animait des ateliers de jazz vocal où j’allais, bien sûr, mais au départ sans grande conviction. Avant ça même, elle m’avait inscrite à divers stages de jazz, deux fois dans la ville de Crest, et une autre fois avec les “Petits Loups de Pézenas”. Mais malgré tout ça, la passion n’était pas tout à fait au rendez-vous.

Côté études, je vais m’inscrire pour trois ans  en faculté de psychologie et, curieusement, ce sera pendant cette période que va se développer ma fibre musicale, au travers de petits concerts avec des musiciens marseillais que connaissait ma mère, dont le contrebassiste Philippe Gallet ou encore le pianiste Pierre Cartouzou, qui est malheureusement décédé aujourd’hui. Avec eux, je ferai mes premières armes en jazz, sur scène.

Deux événements vont arriver ensuite dans ma voie musicale. Deux rencontres plutôt. D’abord, celle avec le pianiste Loïc Fauche, très riche, qui dure encore puisque nous jouons toujours ensemble. et puis, il y aura aussi ce stage à Tarascon, qui me fera rencontrer Roger Letson,  qui va me pousser à fond dans la voie du jazz. On est là en 2006.

 

M.M. : Puis vient le temps des premiers groupes…

S.T. : Pendant deux ou trois ans, on a commencé à jouer, avec Loïc en duo, ou en trio lorsque le contrebassiste Pierre Fayolle nous rejoignait. Ces trois ans m’ont été bien utiles pour me conforter dans le jazz. En 2009, ce sera la formation d’un premier sextet qui s’appellera “Kiproco”. Loïc était au piano bien sûr, avec Gérald Bataille à la contrebasse, Michel Martel à la batterie, Rémi Bioulès au sax alto, et Olivier Migniot à la trompette. L’univers de “Kiproco” était encore original à ce moment-là, puisqu’on reprenait des standards de la musique pop en version jazz. Un premier album est sorti, avec ce groupe, en 2010.

“Kiproco” revit aujourd’hui. Après une période de sommeil, il revit dans une formule quartet. Loïc, Michel et moi avons été rejoints par le contrebassiste Jean-François Merlin.

C’est en 2009 aussi que je vais rencontrer le batteur Olivier Renne, originaire d’Arles, mais qui a travaillé longtemps à Paris. Comme il revenait dans le Sud, avec beaucoup de ses compositions personnelles sous le bras à faire vivre, il nous a “embauchés”, Loïc, Pierre Fayolle et moi, pour créer le quartet “Amalgam”. là aussi un album est sorti, toujours en 2010.

Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans ce groupe, mais il nous arrive de nous croiser, de temps en temps.

 

M.M. : Et côté “école” ?

S.T. : En 2013, je vais aller m’inscrire à l’I.M.F.P. de Salon-de-Provence, où je resterai pendant trois ans. J’ai eu la chance d’y travailler ma voix avec Julien Baudry, lui-même super voix, et super pédagogue en plus. Dans les cours en groupe, j’ai aussi eu l’occasion de travailler avec Francesco Castellani  qui est tromboniste. Dans le cursus complet, tu as d’un côté les cours de chant, de rythme et d’harmonie, et de l’autre, les ateliers. Pour ma première année, c’était donc Francesco notre professeur, et en seconde année, ce sera le contrebassiste Michel Zenino. Dans mon travail avec Michel, je recevrai ses encouragements dans beaucoup de domaines. C’est lui qui, entre autre, m’a poussée à écrire mes propres morceaux – chose à laquelle je ne pensais pas vraiment jusque là. En troisième année, enfin, ce sera Gérard Maurin – guitariste à l’époque – qui prendra la suite. Lui aussi a l’habitude des voix puisqu’il est le compagnon de Virgine Teychené. Dans cette troisième année aussi, beaucoup plus d’arrangements. mais il faut dire que Gérard est prof d’arrangements.

Pendant que j’étais à l’I.M.F.P, j’avais – toujours avec Loïc – constitué plusieurs groupes, dont un qui nous mènera jusqu’à la sortie d’un album, “Wet or dry ?” en 2016. Le groupe ? “Jazz et Prohibition”, un quintet qui réunit Martial Reverdy (et sa clarinette), Adrien Coulomb à la contrebasse, et Philippe Rousselet à la batterie. Le groupe est né en 2015 et continue son chemin. Un chemin rempli de la musique des “années folles”, de ragtime. toute cette musique qui existait du temps de la prohibition, qu’on peut aussi appeler “jazz authentique”. C’est un exercice de style très différent, mais qui nous fait explorer de super morceaux.

 

M.M. : Et ton groupe. à toi ?

S.T. : Il va voir le jour en 2017. Le “Sophie Teissier Quartet” va regrouper Thierry Larosa (dans un premier temps) à la batterie – il sera ensuite remplacé par Nicolas Serret, Loïc au piano et Adrien, toujours, à la contrebasse – mais c’est un contrebassiste au top. Ensemble, nous sortirons l’album “First journey” en 2018. Un album qui a été enregistré dans le studio du pianiste Lionel Dandine, à côté d’Aix-en-Provence.

Toujours avec Loïc et Adrien, nous faisons du “son” cubain au sein du quartet “Quartier Latin”, où nous a rejoints le percussionniste Guillaume Guino. C’est un groupe qui a connu plusieurs formules, dont une en octet. On y a concrétisé pas mal de nos projets ces dernières années. Un album – enregistré en 2021 – va enfin voir le jour.

Avec ces mêmes musiciens, auxquels on va rajouter le percussionniste brésilien Caio Mamberti, nous avons monté le quintet “Aquarella do Brazil”, un groupe qui a repris vigueur en 2020 et qui peut se décliner aussi en plusieurs formules. Pas d’enregistrement pour le moment dans l’actualité du groupe, mais rien n’est perdu !

 

M.M. : Où va-t-on pouvoir t’écouter sur scène ?

S.T. : Le 11 juin prochain, nous serons au Domaine d’Escarvaillac- un endroit que l’on connaît bien puisqu’on y produit quelques concerts parfois – pour la sortie d’un album issu de notre duo Loïc et moi, et que nous avons baptisé “It takes to”. Dans ce voyage-là, on avait envie de jouer des standards – arrangés – aux couleurs différentes, mêlant des morceaux “à l’ancienne” et d’autres plus modernes. on a même glissé un titre de Georges Brassens dans cet album que nous avons enregistré au studio de “Nova son” – chez Tumi de la Cruz – du côté de Nîmes. Là où nous avions aussi enregistré “Wet or dry ?” d’ailleurs.

Le “Sophie Teissier Quartet” a également créé un hommage à Ella Fitzgerald, “Dear Ella”, que nous présenterons, le 19 mars prochain, à Eyragues, dans les Bouches-du-Rhône. Avant d’enchaîner sur les festivals d’été.

Je termine en précisant que je chante aussi dans le Big Band de Marignane, qui s’appelait ainsi parce qu’il y a longtemps été basé, mais qui porte aujourd’hui le nom de notre chef, à savoir le “Yves Laplane Big Band”. Une belle expérience de plus.

 

 

Propos recueillis le mardi 7 mars 2023

 

 

Belle rencontre encore, Jazz Rhône-Alpes.com s’enrichit au contact de tous ces talents. Un grand merci à Sophie, pour cet échange chaleureux et riche. Et pour vos belles réalisations musicales.

A très vite.

 

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