Il est originaire de Saint-Martin-d’Hères, en Isère. Une ville d’où il va beaucoup bouger, ce qui aura une incidence, passagère et très ponctuelle, sur sa vie de musicien… Il fait aujourd’hui partie du « club » important des saxophonistes français, un « club » très riche…
Thibault Galloy
Du Brésil aux Balkans… une musique sans frontières…
Michel Martelli : Thibault, tes débuts n’ont pas été « évidents », on pourrait dire…
Thibault Galloy : Oui, pour diverses raisons… C’est vrai qu’avec le travail de mon père, qui est ingénieur, nous avons beaucoup voyagé. En peu de temps, nous sommes passés de Saint-Martin à Dijon, puis à Irigny, puis au Havre, puis à Sens…. Musicalement, je n’ai pas eu l’opportunité de grandir dans un milieu de musiciens. Ma mère était prof de sport, j’avais un frère (aîné) et deux sœurs jumelles qui n’ont pas pratiqué. Ou très peu. En revanche, j’avais un oncle qui était saxophoniste amateur, mais qui jouait très bien. Lui, je pense, m’a donné la première envie. Tout au moins avait-il semé les graines.
Donc, à sept ans, j’entre à l’école de musique d’Irigny d’abord pour une année de solfège, et puis l’année suivante, dans le cours de saxophone de Daniel Mirabeau. Daniel, qui était un super pédagogue, toujours plein de projets, et que j’ai retrouvé récemment, avec beaucoup de plaisir.
D’Irigny, où je vais rester trois ans, nous partons sur Le Havre, où là, je vais intégrer la « Jupo Jazz » qui est l’école de jazz de cette ville. Là-bas aussi je vais « faire » trois ans. Avant de redéménager sur Sens, dans l’Yonne. A Sens où… je vais arrêter le sax. L’envie n’était plus là, il faut dire que l’on avait beaucoup bougé en quelques années… c’était compliqué pour un bon apprentissage musical. J’ai fait une pause pendant un an, avant de revenir à la musique au travers de… la batterie. La batterie que j’avais choisie, pour me défouler sans doute. Tu sais, j’avais quatorze ans… Je prendrai quelques cours en école.
Mais, à dix-sept ans, je vais revenir à mes premières amours, le saxophone, et je vais intégrer le cours de Sébastien Trognon, à l’école de musique de Paron, à côté de Sens. Dans cette période, ce sera la formation d’un tout premier groupe, un sextet « lycéen » – avec lequel on a quand même donné une cinquantaine de concerts dans une année – qui s’appelait « O.B.I.Sens ». Avec ce groupe, on était sur un répertoire de chansons festives…
Mais, ce qui est le plus important, c’est que Sébastien m’a beaucoup apporté, tant en impro jazz qu’en harmonie. Il m’a ouvert beaucoup de portes.
M.M. : Tu jouais une autre carte professionnelle, en même temps ?
T.G. : Oui, c’est vrai. Après mon Bac, je vais rejoindre mon père à Lyon, et je vais entrer à l’I.U.T d’Agronomie de la Doua, à Villeurbanne. A cette époque, comme tu vois, j’avais l’envie d’avoir un métier entre les mains. Pourtant, pendant ma deuxième année, je vais aussi m’inscrire au Conservatoire de Lyon – « débutant jazz » à dix-neuf ans – et entrer dans le cours de Jacques Helmus. Dans cette période, je rencontrerai aussi Yann Phayphet et Rémi Nouvelot, qui étaient étudiants à l’INSA. On les retrouvera tout à l’heure… Que te dire de cette période ? Je dirais : « assez frustrante », parce que je voulais gérer deux directions complètement différentes, l’agronomie et la musique, ces directions me demandaient chacune beaucoup de boulot et.. j’avais du mal à gérer. Et puis je me reconnaissais un certain retard technique sur mon instrument.
Et puis, en 2008, je vais m’exiler à Berlin. Je vais y partir pour un stage en recherche agricole, un peu comme ceux que propose l’INRA, en France. Mais, en Allemagne, c’est un musicien français qui va m’y pousser : le flûtiste Vincent Bababoutilabo. Grâce à ça, je vais, outre-Rhin, rencontrer beaucoup de musiciens. Là où il résidait à cette époque, il y en avait plein autour de nous. Et, oui, bien sûr, il nous est arrivé de faire quelques concerts ensemble, entre nous, mais rien de réellement bien sérieux… A vingt-et-un ans, je reviens sur Lyon.
M.M. : Avec, dans ta tête, des idées plus précises ?
T.G. : Oui, je vais bien sûr reprendre mes cours au Conservatoire. Et si je vais travailler un peu à côté, en tant que technicien agronome – tu vois, je n’irai pas jusqu’à l’ingénieur – c’était juste « pour faire bouillir la marmite ». J’avais, oui, décidé que ma vie se ferait dans la musique et donc ma reprise au Conservatoire sera beaucoup plus travaillée. J’aurai la chance d’avoir des professeurs comme Jérôme Regard, ou Pierre Lafrenaye (qui dirigeait le Big Band du Conservatoire à cette époque)… dans une moindre mesure, aussi, Eric Prost. Tous m’ont fait grandir.
Côté « copains de promo », j’étais avec Camille Thouvenot, Nora Kamm, Pierre-Yves Brondel, Thibaud Saby, Zaza Desiderio.
Et puis je vais retrouver Yann Phayphet et Rémi Nouvelot dans l’association qu’ils dirigeaient, pendant qu’ils étaient à l’INSA, «Un Doua de Jazz »… Pendant trois ans, de 2009 à 2012, j’ai fait partie des organisateurs de l’association et, à ce titre, j’ai pu rencontrer énormément de « grands noms » du jazz.
M.M. : Et puis, arrive ton premier groupe un peu plus… « sérieux »…
T.G. : C’est exact. Le « Grabben Orchestra ». Un groupe qui a réuni pas mal de mes copains d’alors, à commencer par Yann, à la contrebasse, et Rémi au violon, bien sûr, mais il y avait aussi Yannick Loubet, au chant, Hadrien Santos da Silva à la batterie, Frédéric Giet à l’accordéon, Pierre Brugère au banjo, moi au saxo bien sûr et David Théry à la clarinette… David qui, pour la petite histoire a été régisseur au Hot-Club pendant deux ans.
A cette formation se sont joints, par la suite, Marion Ruault à la contrebasse, Valentin Martel à la batterie et Elie Dufour au piano.
Ce groupe proposait de la chanson française, festive et orchestrée. C’est, si tu veux, entre la musique et le théâtre. On faisait beaucoup de musique de rue.
Avec le « Grabben » on a beaucoup tourné pendant deux/trois ans. Deux albums sont sortis de cette belle aventure – que l’on a vendus à presque six mille exemplaires…
En 2014, le dernier projet de cet ensemble a été particulièrement touchant : à la demande de Vincent Robin, qui était le Directeur de la Maison de Quartier de Saint-Jean, le deal était de réunir des textes écrits par les habitants du quartier, et les réunir pour en sortir un album… Et nous sommes tous allés à la rencontre des habitants… Il en est sorti un CD « Venez raconter vos Prés St Jean », le projet s’est prolongé jusque sur 2015… Une expérience qui m’a beaucoup chamboulé, mais énormément plu.
En 2014 aussi, à la même période, sur une demande du Théâtre de Chassieu, cette fois, s’est monté le spectacle humoristique «tous publics » qui s’intitulait « L’étrange musée de Monsieur Hic », mis en scène par Christophe Gendreau – qui a fait partie des « Wriggles ». Une très belle expérience aussi.
M.M. : Tu es allé à l’E.N.M de Villeurbanne, aussi ?
T.G. : Une école que j’ai beaucoup appréciée pour son ouverture, oui. Je vais y rester entre 2012 et 2017, avec une pause en 2014, qui va me permettre d’assurer les projets dont je viens de te parler, et aussi de bosser dans les vignes, pour le Beaujolais… ça, c’est pour l’anecdote… 2014 sera aussi l’année qui verra l’obtention de mon statut d’intermittent du spectacle.
A l’E.N.M, je vais « m’éclater » avec des profs comme Gilbert Dojat, Thierry Beaucoup, Boris Pokora et puis aussi Pierre Baldy. Tous m’ont énormément apporté, mais Pierre, c’est énormément de respect pour ce fou de travail très impressionnant. Avec des qualités humaines très fortes.
Et, parmi mes copains de promo, tu trouves des personnes comme Elvire Jouve, Cyril Billot, Gaspard Baradel, Ghislain Paillard, Claudine Pauly, Célia Forestier, Florent Jouguelet, Kevin Borqué, Nicolas Thé, Matthieu Guyader ou Arthur Donnot. Bien sûr, des copains, j’en avais plus que ça, mais avec ceux-là, nous avons eu l’occasion de nous retrouver sur scène.
En 2013, avec le tromboniste Anthony Bonnière – que j’avais déjà croisé au Big Band du Conservatoire – nous allons former «Captain Stambolov » (un nom inspiré de celui d’un village bulgare). Avec un projet résolument tourné vers la musique des Balkans, dans lequel nous allons nous plonger à fond. Avec au départ un travail de recherche côté bulgare pour moi, et côté grec pour Anthony. Sur ce projet, en font partie Matthieu Guyader à la trompette, Arthur Donnot au sax ténor, Hadrien Santos da Silva à la batterie et Lucas Dessaint à l’hélicon.
Sur cette formule assez « fanfare », on a relevé beaucoup de répertoire serbe, macédonien, turc…. et puis, très vite, nous avons écrit notre propre musique, très « fusion ».
Un premier « EP » est sorti en 2013 « Six on a tubone », un premier album en 2016 « Connected to the stars ».
Un peu de changement dans la troupe, avec, en 2015, Jean-Alain Boissy qui remplace Arthur Donnot, et, en 2017, Elie Dufour qui arrive aux claviers – surtout orientaux.
Notre deuxième album, « Balkan Odyssey » est sorti en novembre 2019, c’est un album pour lequel j’ai beaucoup écrit.
M.M. : D’autres groupes, qui t’ont marqué ?
T.G. : Le groupe « Djoukil », bien sûr, que j’intègre en 2014, avec Paco Medina, Camille Thouvenot, Pierre-Yves Brondel et Josselin Perrier, un groupe « inspiration manouche » au départ qui migre vers le swing des années vingt aux années quarante.
Ce groupe a l’avantage d’avoir une formation variable, du quintet au nonet, et beaucoup de copains musiciens nous rejoignent épisodiquement dans cette aventure. Comme Claudine Pauly et Loïc Gonzalez au chant, Alexandre Lantiéri et Vincent Périer au sax, Thibaut du Cheyron, Anthony Bonnière et Lou Lecaudey au trombone.
« Djoukil » ce sont environ cent cinquante concerts en diverses formations, et surtout un terrain très propice pour l’écriture.
Il y aura aussi, à partir de 2015, l’ « Outsider Quartet », avec Elvire Jouve, Cyril Billot, Florent Jouguelet. Dans ce quartet, ce sont surtout des compos de Florent.
En 2016, il y aura le « Wonder Collective », un « tribute to » Stevie Wonder créé par le chanteur Pierric Taillier… Bon, comme on est onze sur scène, avec deux techniciens en plus, tu m’épargneras les noms… C’est une belle aventure aussi, mais difficile à faire tourner. On est beaucoup.
En 2017, je vais succéder à Gaspard Baradel aux côtés du guitariste Martin Brédif, dans le « Mumbo Jumbo » qui oscille entre jazz et folk.
En 2017 aussi, je vais jouer avec le violoniste Gérard Vandenbroucque, ponctuellement.
Et puis, côté « Big Band », plus jazz, je vais te citer l’ « O’Clock Collectif Orchestra », dirigé par Guillaume Pluton, où tu retrouves beaucoup de potes de Lyon ou de Chambéry. On a plusieurs fois joué au Hot-Club avec ce groupe.
Depuis septembre dernier, aussi, je joue dans le Big Band de Maxime Prebet, à « La Clef de Voûte ». On joue là une fois par mois, avec beaucoup de jeunes musiciens très talentueux… et, en parallèle, Maxime a monté le projet « Slats and reeds », qui est un concept original avec cinq sax, une rythmique… et lui-même au vibraphone. Maxime écrit tous les arrangements swing, et apporte aussi ses compos personnelles. Un jeu très agréable pour un saxophoniste… La rythmique est terrible, avec Héliodore Perrot à la contrebasse, Elisa Metra au piano et Zachary Leblond à la batterie.
Bon mais je te rassure, les autres sont « aussi » de super musiciens.
M.M. : Et plus récemment ?
T.G. : Plus récent, tu trouves le « Holy Bounce Orchestra », un groupe très prometteur qui tourne sur des arrangements swing, et qui réunit des « pointures » comme Vincent Périer, Anthony Bonnière, Camille Thouvenot, Pierrot Brondel et Josselin Perrier.
Je voudrais aussi te citer le projet « Yaté » que porte le pianiste brésilien Everton Oliveira, depuis assez longtemps, du reste. Au mois d’octobre dernier, nous avons enregistré quelques titres, qui devraient sortir cet automne. On s’y promène entre jazz et musique traditionnelle brésilienne, et je retrouve dans cette aventure Jean-Alain Boissy, Yann Phayphet et Japhet Boristhene à la batterie.
Et, pour les projets à venir…
Sans doute un nouveau spectacle de rue, complètement en gestation pour l’instant, autour du thème de « la vertu ».
Un nouvel « orchestre/fanfare » est né, qui s’appelle « Gaboam », dans lequel je vais jouer avec Lenni Torgue au marimba, Victor Auffray au flugabone, Ghis Paillard au sax, Quentin Duthu au sousaphone, Anthony Bonnière au trombone, Nicolas Thé et Grégoire Ternois aux percus.
J’écris aussi en ce moment pour un projet de quartet de saxophones, qui verra le jour bientôt. Tu peux en voir une ébauche, déjà, sur YouTube.
Un clip, avec « Captain Stambolov », va sortir d’ici quelques mois.
Et puis, enfin, la « jam balkan » que nous avons créée à Lyon, et que nous espérons reproduire au moins une fois par mois. On verra. Une première a été faite aux « Valseuses ».
Voilà… si je te dis que je languis la reprise des concerts, tu me crois ?
Propos recueillis le mercredi 10 juin 2020.
Une semaine, un peu tronquée, qui repart « sur les chapeaux de roues » avec cette belle rencontre avec un autre de nos saxophonistes français.
Merci Thibault, pour l’accueil que tu m’auras réservé cet après-midi.
Et, oui, vivement la reprise !